Propositions du SNPP (septembre 1998)

Retour au sommaire - BIPP n° 20 - Janvier 1999

Dans la suite de l’Assemblée Générale extraordinaire du 6 septembre 1998, le S.N.P.P. a centré sa recherche de dialogue avec les tutelles, en particulier à l’intention du Secrétariat d’État à la santé, autour des Propositions que nous avons déjà publiées dans le BIPP n° 18. Pour tenter de «fluidifier» encore le contact, nous avons procédé à une nouvelle mise en forme, simplifiée et condensée, de celles-ci, que nous pensons opportun de présenter ci-après dans la mesure où elle pourrait être utilisée par vous dans vos divers contacts, à l’échelon régional, avec le monde politique, social, syndical, voire à l’occasion de réunions type États Généraux.

Le rapport Zarifian souligne l’écart considérable entre les prescriptions de psychotropes en France et celles observées dans les pays voisins de niveau sanitaire comparable.

Cet écart se justifierait par un manque de pertinence des prescriptions, lui-même repérable à deux niveaux :

- d’une part dans la conduite du traitement (choix des produits utilisés, posologie, durée) ;

- d’autre part au regard de l’opportunité elle-même de la prescription psychotrope dans la stratégie thérapeutique.

Conscient de longue date de ce problème et voulant contribuer à le résoudre, le SNPP est déterminé à engager avec les pouvoirs publics une réflexion de fond sur l’organisation des soins psychiatriques en médecine ambulatoire. Il demande pour cela une série de réunions de travail visant à définir les conditions nécessaires à l’amélioration des soins psychiatriques. Cela implique entre autres points de ramener les prescriptions psychotropes dans les limites qu’elles doivent garder au sein de stratégies thérapeutiques globales.

En vue de cette concertation, le SNPP réuni en Assemblée Générale Extraordinaire le 6 septembre 1998 a élaboré un ensemble de propositions pour servir de point de départ à la réflexion.

Ces propositions s’organisent selon trois grands axes :

Les prescriptions psychotropes elles-mêmes :

- Les psychiatres ne sont responsables que de 20% des prescriptions de psychotropes alors qu’ils ont à prendre en charge des pathologies psychiques globalement plus lourdes que les autres praticiens. Cela prouve qu’il est possible de limiter ces prescriptions à une juste mesure dès lors qu’elles s’intègrent dans une stratégie thérapeutique globale, c’est à dire dès lors que les psychotropes ne sont plus considérés comme le seule ressort thérapeutique disponible.

- Les psychiatres sont généralement considérés comme des prescripteurs critiques, moins perméables aux pressions du marketing exercées par l’industrie pharmaceutique que le public médical général. Afin de contrebalancer cette pression marketing sur l’ensemble du corps médical, il sont favorables à l’utilisation de molécules génériques quand elles existent et souhaiteraient que les psychotropes puissent être prescrits en D.C.I. ou D.C.F..

- Les produits psychotropes, volontiers stockés par les patients, font l’objet d’une fréquente automédication et représentent un risque majeur en cas d’intoxication aiguë dans un but suicidaire. Dans la mesure où les Caisses d’Assurance Maladie en accepteraient le principe (nonobstant les questions de contrôle), les psychiatres souhaiteraient que la prescription de psychotropes puisse être réalisée en quantités unitaires formellement précisées par le praticien. Outre le bénéfice évident en terme de santé publique qu’offrirait une telle mesure, l’on peut en escompter une économie significative sur le plan financier.

La consultation du psychiatre et la place de la prescription :

- La thérapeutique du psychiatre se fonde avant tout sur l’acte de soins psychiatrique, ou consultation psychiatrique (plus de 94% des actes en pratique libérale) A la différence de la consultation de médecine somatique ordonnée à la séquence hippocratique " examen – diagnostic – traitement ", la consultation psychiatrique vise d’abord à mettre en place une relation maîtrisée dans le cadre de laquelle se dévoilera une clinique spécifique, toujours mouvante, qui orientera la réponse thérapeutique du praticien tout au long de la prise en charge. Réduire la prescription des psychotropes à sa juste place suppose donc de la considérer comme une option thérapeutique certes parfois nécessaire mais en tous cas toujours subordonnée à la mise en place préalable de cette relation qui a d’emblée une valeur thérapeutique.

- La mise en place de cette relation suppose le respect de trois préalables en termes d’organisation des soins : l’autonomie de la demande de soins du patient (liberté de choix du praticien et accès direct à ce dernier), la stricte confidentialité de l’échange, la souplesse dans la conduite du traitement. L’efficacité même des soins psychiatriques en dehors des prescriptions psychotropes suppose que ces caractéristiques de la consultation psychiatrique soient expressément reconnues par les tutelles.

- Pour autant les psychiatres ne récusent pas toutes formes de transparence dans leur activité. Ils acceptent de longue date le codage des actes déjà réalisé pour l’essentiel au moyen d’une lettre clef spécifique, le CNPSY ( dont ils souhaitent qu’elle laisse place à un CPSY afin d’opérer la nécessaire distinction entre les actes de psychiatrie et les actes de neurologie).

- Si le codage systématique des pathologies comme la transmission de données cliniques sous quelque forme que ce soit leur paraît incompatible avec le respect de la confidentialité nécessaire à l’efficacité des soins psychiatriques, les psychiatres n’excluent cependant nullement la possibilité d’échanges de renseignements au cas par cas pour permettre à un contrôle médical compétent d’exercer pleinement sa mission.

- Les psychiatres libéraux considèrent comme indispensable une évaluation aussi précise que possible des besoins de soins. Et s’ils sont hostiles au codage systématique personnalisé des pathologies qui attache pour y parvenir un diagnostic à un patient, ils sont par contre prêts à participer à un travail épidémiologique collectif opérant de manière strictement anonyme sur leur file active.

- Les aspects cliniques et thérapeutiques étant indissociablement liés dans le cadre de la consultation du psychiatre, les psychiatres mettent enfin en garde contre le danger qu’il y aurait à vouloir démembrer l’acte de consultation psychiatrique en fonction de critères multiples, à la faveur par exemple d’une révision de la nomenclature. Un tel éclatement anéantirait ce qui constitue précisément l’efficacité thérapeutique de cet acte dans sa globalité et comporterait le risque d’entériner l’existence d’un acte purement prescriptif.

Démographie et formation

- Le SNPP souligne le danger d’une politique de réduction démographique de la spécialité alors que les besoins ne sont à l’évidence pas satisfaits actuellement, particulièrement dans certaines régions sous-équipées. L’acte psychiatrique demande à la fois un minimum de durée lors de chaque consultation et la possibilité d’être répété de manière suffisamment fréquente pour que son efficacité se fasse pleinement sentir. Or la politique de réduction démographique va contraindre les praticiens à limiter la durée comme la fréquence de leurs actes pour faire face à la demande de soins, entraînant inexorablement une dégradation de la qualité de l’acte avec un renforcement du comportement prescriptif, plus rapide, aux dépens de la démarche psychothérapique.

- La solution qui consisterait à renvoyer une partie de la demande de soin psychiatrique vers des praticiens insuffisamment ou pas formés ne ferait évidemment qu’aggraver les carences ou les dysfonctionnements actuellement dénoncés.

- Dans l’attente d’une réorientation différente de la démographie des psychiatres, le SNPP se déclare favorable à une politique d’incitations à déterminer en faveur de l’installation dans les régions sous équipées – incitation plutôt que limitation autoritaire afin de prévenir une surenchère dans la reprise des cabinets déjà implantés.

- Le SNPP regrette l’abandon de la filière spécifique de formation alors que la discipline s’avère tout à fait originale dans ses exigences propres. Les conditions actuelles de formation cantonnent les internes aux seuls CHU qui sont précisément les terrains électifs d’expérimentation et de recherche psychopharma-cologiques alors que les CHS et l’activité de secteur proposent une expérience clinique et thérapeutique plus diversifiée, complémentaire et indispensable.

- Les psychiatres libéraux sont prêts à participer à cette formation dans la mesure où les futurs psychiatres, s’ils s’orientent vers la pratique privée, seront amenés à se confronter à un champ clinique et à des méthodes de travail en bonne partie originales.

- S’il n’ont pas vocation à intervenir au niveau de la formation initiale, les psychiatres libéraux se proposent d’intervenir dans le cadre de la formation continue. En effet, leur champ clinique est souvent celui dans lequel risquent de se multiplier les interventions thérapeutiques non pertinentes, aussi coûteuses économiquement que qualitativement aux dépens de l’intérêt des patients.


Retour au sommaire - BIPP n° 20 - Janvier 1999