Vie régionale - Languedoc-Roussillon

Paul Lacaze, Hervé Granier
Retour au sommaire - BIPP n° 30 - Juin 2001

"LA PSYCHOTHÉRAPIE EN QUESTION S"

Colloque organisé le 28 avril 2001 par l’AFPEP-LR

À Montpellier, le samedi 28 avril 2001, l’AFPEP-LR (Association Fédérative des Psychiatres d’Exercice Privé du Languedoc-Roussillon) en partenariat avec l’APLSC (Association pour la Psychanalyse dans les Lieux de Soins et la Cité) rassemblait plus de 100 psychiatres et psychologues dans le cadre prestigieux du Théatrum Anatomicum de la Faculté de Médecine, sous l’autorité du Doyen, le Professeur Jacques Touchon, neurologue, psychiatre et psychanalyste, pour une journée de réflexion à propos de "La Psychothérapie en Question s".

Il y va en effet de nos pratiques professionnelles face à un enjeu politique fondamental comme en témoigne l’intérêt manifesté par les parlementaires Serge Blisko et Christine Lazerges personnellement excusés pour la circonstance.

Invité dans cette "journée" à ouvrir les travaux, Charles Melman pose de façon originale, sur l’évolution de notre civilisation post moderne, la question suivante : "y a-t-il un psychothérapeute pour traiter mon malaise ?" et la décline ainsi, "Pour ceux de ma génération, le malaise ce fut le refoulement des désirs et… la névrose" (Freud).

Pour ceux d’aujourd’hui, c’est l’exhibition, et non plus des désirs, mais des jouissances. Le malaise est qu’il y a à fournir ; sinon, c’est la dépression, la déréliction.

La multiplication des offres de "psychothérapies" est contemporaine de cette crise des valeurs. Dans l’ensemble elles se divisent entre hédonistes (amourologie du Dr Meignant par ex.) et traditionalistes, mais dans tous les cas, offrant une adaptation à ce qui serait la "bonne jouissance".

Au moment où ont disparu les grandes idéologies et s’affaiblit le pouvoir des religieux, avons-nous à encourager la prolifération des "guides" spirituels au petit pied ?

En s’exprimant à leur tour largement dans le débat suivant les praticiens prolongent la réflexion en des termes qui, dans leur ensemble, fixent bien les limites de ce qui fait leur conviction professionnelle.

Paul LACAZE
Président de l’AFPEP-LR

 

DÉBAT ET POLÉMIQUE

La création d'un métier de psychothérapeute et l'instauration de la psychothérapie en tant que discipline indépendante de la psychiatrie et de la psychologie clinique constitueraient une décision politique particulièrement sensible et susceptible non seulement de disqualifier la psychothérapie, privée dès lors de ses références cliniques et psychopathologiques, mais aussi de "déqualifier" les psychiatres atteints au cœur de leur identité professionnelle qui pourraient se voir confiner, à l'avenir, dans des tâches d’experts, de consultants et pourquoi pas de prescripteurs (pour combien de temps ?) de psychothérapies.

Quelles psychothérapies et à quelles fins ?

Les exigences dépressogènes et le consumérisme de la société post-moderne qui incitent les patients à rechercher dans les soins de purs objets de satisfaction ouvrent un champ quasi infini aux nombreuses psychothérapies, scientifiques ou ésotériques, voire sectaires, facilement et rapidement accessibles, centrées sur le symptôme et l'adaptation du sujet à son fonctionnement social.

Ces psychothérapies "de l'objet" recouvrent les déterminations inconscientes de la souffrance en maintenant l'illusion d'un objet suffisamment thérapeutique pour soulager le sujet de l'existence.

Une telle réglementation favoriserait leur développement.

Pour s'y opposer faut-il encore réaffirmer l'intérêt et l'efficience des pratiques psychanalytiques issues de la psychanalyse, seule psychothérapie "du sujet" relié enfin à son histoire et à la dimension inconsciente de son désir qui peut alors espérer un véritable soulagement de ses symptômes et assumer davantage la responsabilité de sa vie.

Psychothérapie ou Psychanalyse ?

Mais voilà ! "Psychothérapie"… ce terme fait aussi question pour un psychanalyste et nous devrions, dans le débat actuel, non pas nous y attacher mais nous en détacher. Notamment vouloir différencier une psychothérapie analytique de la psychanalyse nous conduirait à une impasse épistémologique déjà dénoncée et ne ferait qu'entretenir la confusion. A cette question J. Lacan avait répondu simplement : "Une psychanalyse est la cure qu'un patient est en droit d'attendre d'un psychanalyste".

On pourrait ajouter : "… quelles que soient les modalités de leur rencontre dont la cure type reste le paradigme".

En effet il y a de l'analyse quand il y a un analyste. L'expérience quotidienne nous démontre que ce qui décide qu'une cure est psychanalytique c'est la position éthique de l'analyste c'est-à-dire ce qui le renvoie à sa propre analyse et sa certitude de l'inconscient quels que soient le cadre (nombre et durée des séances) le lieu (le cabinet ou l'institution) ou le dispositif (divan, face à face, groupe). Une situation psychanalytique compliquée n'est pas pour autant une psychothérapie.

Enfin si la psychanalyse est une science on devrait lui accorder un minimum de prédictivité sur la valeur thérapeutique de ses principes. Nous pourrions, par exemple, nous en inspirer pour réfléchir sur la place de l'argent dans les cures et sur une nomenclature qui en tiendrait compte. Si la gratuité permet l'accès légitime aux soins elle peut aussi, parfois, en altérer la qualité.

Freud nous invitait à ne pas céder sur les mots sinon nous céderions sur le reste. Nous avons déjà cédé sur la nosographie française au profit d'une classification américaine qui nous impose un véritable langage de synthèse et une réalité sémiologique falsifiée !

Allons-nous, à présent, céder sur la psychothérapie ?

Hervé GRANIER
Secrétaire Général de l’AFPEP-LR


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