Editorial : un beau métier

Olivier Schmitt
Retour au sommaire - BIPP n° 48 - Juin 2007

Il doit y avoir autant de raisons diverses que de psychiatres pour s’engager et persister dans ce métier. Il me plaît à penser qu’il y a des points forts, et parmi les plus nobles.

Je pense à cette passion de la rencontre, toujours étonnante dans sa diversité ; à cet émerveillement devant l’intelligence de l’inconscient ; à cette extraordinaire complexité des moyens de défense de l’intégrité psychique.

Je pense à nos patients, à tout ce qu’ils nous apprennent de la vie, de l’humain ; à ces vécus sans nul autre pareil qui dépassent bien souvent la fiction ; à l’affection qui se tisse entre nous, aux phénomènes transférentiels que l’on tente de saisir, qui nous échappent encore.

Je pense à l’inventivité qui nous est nécessaire, à chaque surprise, à chaque instant ; à la subversivité inhérente à notre fonction ; aux repères psychopathologiques qu’il nous faut constamment remettre en question ; à l’écart qu’il nous faut mesurer, élaborer, négocier avec les conduites à tenir que nous avons apprises, avec les dogmes, les protocoles.

Je pense à la chance que nous avons d’être à l’interface de la psyché et du soma ; à la vraie science qui nous fascine et nous déroute ; à la confraternité qui nous lie, nous enseigne et nous réconforte.

Je pense à Henry Ey qui parle de pathologie de la liberté, liberté dont nous sommes devenus par ses propos les panseurs. Et pourquoi pas des penseurs de liberté…

Oui, je pense à tout cela que nous appelons la clinique.

C’est cette clinique que nous avons à soutenir contre vents et marées.

Du gros temps est annoncé, ce n’est certes pas nouveau et, grâce à nos combats, nous avons pu, bon an mal an, préserver notre travail dans ce qu’il a de plus fondamental. Tosquelles disait, non sans malice, que le jour où la Psychiatrie sera reconnue s’en sera fini d’elle. Ne nous étonnons pas que notre fonction dérange, c’est plutôt rassurant.

Mais cette tempête sera rude ! L’impression nous est donnée que tout peut s’effondrer tant le clivage des discours se creuse, le nôtre d’un côté, celui du bureaucratisme scientiste de l’autre.

La tempête sera rude pour nos patients d’abord : l’accès aux soins est en danger car, après la perte de l’accès direct, nous redoutons la perte de leur solvabilité avec la menace des franchises.

La tempête sera rude pour la psychiatrie clinique car la guerre est ouverte avec les puissances financières et de l’industrie.

C’est pour cela que nous nous impliquons autant dans les instances nationales et internationales.

C’est pour cela que nous investissons dans la recherche clinique.

La tempête sera rude enfin pour notre confort matériel car l’ONDAM* est ridicule pour la médecine libérale et les voyants sont au rouge. Nul doute qu’il sera difficile d’obtenir la pourtant légitime revalorisation de nos actes.

Merci à tous ceux qui nous soutiennent dans ce combat.

Olivier Schmitt
Niort

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