Convention P4P

Patrice Charbit
Retour au sommaire - BIPP n° 62 - Mai 2012

J'ai cherché, je ne trouve pas d'autre mot : Alerte.

La psychiatrie que nous connaissons est en péril. S'il ne s'agissait que d'un remue-ménage préélectoral et de propositions démagogiques aussi vite oubliées que promises, il serait de bon ton de garder le silence et de laisser passer l'orage.

Il n'en est rien. Ce qui va être évoqué dans ce « Caractères » est le constat des conditions d'une convention valable pour les 5 années à venir, de l'attitude sécuritaire pérenne de la HAS dans sa conception de la prévention des événements indésirables, du scandale du DMP (dossier médical partagé) courant depuis 2004, de l'utilisation des normes d'accueil des handicapés pour transformer nos modes d'exercice, du pilonnage de la pédopsychiatrie, du harcèlement constant des pratiques psycho-dynamiques, entre autres par la HAS.

Le P4P (paiement à la performance), les poursuites démesurées en cas de non télétransmission, l'interdiction du «packing», la mise en cause de la psychanalyse par la HAS, les sanctions en cas de facturation épisodique et motivée au parent d'un enfant qui consulte, toutes ces agressions donnent le timbre de la soumission que l'on exige de notre part. L'actualité est brûlante. Nous sommes dans le collimateur.

Alors que nous observons le coût exorbitant de ces mesures, la raison invoquée de tous ces bouleversements est une rationalisation des soins et des dépenses. La dictature de la norme, le poids des lobbies, la déshumanisation du soin, et la surveillance bureaucratique s'auto justifi ent au nom de la science et de l'idéologie DSM. Il s'agit de diktats qui condamnent nos pratiques.

Commençons par examiner l'avenant 2 de notre nouvelle convention. Comme cela vous est indiqué dans l'article ci-dessous (Claude Gernez), il vous en coûtera autour de 1 000 € par mois si vous ne télé transmettez pas. Nous pouvons toujours penser que la question de la télétransmission est un combat d'arrière garde. Cela est faux, tout d'abord parce que de nombreux confrères ne le font toujours pas, ce qui est un choix, mais aussi parce que la façon dont nous sommes traités est inadmissible.

C'est un passage en force caractérisé : poursuites systématisées et automatiques avec recouvrement « par le droit commun » sans passage par la commission des pénalités. Tout se résume à un « Pas de discussion ». Un référé en suspension de l'exécution et une requête en annulation (en regard de la date de dépôt...) sont en cours. Les sanctions étaient prévues à partir de Mai, tout indique qu'elles peuvent traîner... Si nous acceptons tel quel ce coup de force, nous encourageons le procédé qui ne manquera pas d'être réutilisé à d'autres fins.

Concernant le P4P, son mode d'adhésion est indigne d'une démocratie moderne. La convention vous oblige à participer au paiement à la performance dont on ne connaît même pas les exigences. Des collectifs « d'obligés du P4P » se constituent pour parvenir à sortir du système même si leur lettre de refus n'est pas parvenue avant le 26 décembre 2011.

Observons maintenant ce qu'il en est des nouvelles normes concernant l'accessibilité et la sécurité au sein d'un cabinet médical (revue « Le Généraliste » et ce qui va suivre n'est pas une plaisanterie) :

«Si vous êtes déjà installés, vous avez jusqu'au 1er janvier 2015 pour rendre une partie de votre local accessible aux handicapés et personnes âgées. Si vous reprenez un cabinet, vous devez remplir cette obligation depuis le 1er janvier 2011. Le préfet pourra accorder des dérogations spéciales. Il faut une place de stationnement adaptée proche du cabinet. Les escaliers doivent comporter des mains courantes, les marches doivent avoir une taille réglementaire, les toilettes doivent laisser passer un fauteuil roulant et être accessible par les parties communes.

Sonorisation et éclairage adaptés, possibilitéSi vous n'employez ne serait-ce qu'une personne, « le document unique » évaluant les risques professionnels doit être affiché. Votre responsabilité peut être mise en cause en cas de chute dans votre cabinet et le patient devra apporter la preuve d'une défectuosité, d'un défaut d'entretien ou de signalisation du matériel ou encore de vigilance de votre part. Accès sécurisés, meubles sans coin pointu, pas de tapis ou sol dérapant, pas de fil électrique qui traîne, pas d'objet de décoration. d'évacuation rapide des patients, accès pompier extérieur, extincteur de 6 litres minimum pour 200 m2 par étage et un extincteur à CO2 en cas de risque particulier».

Si ce n'est pas une incitation à s'installer dans une « maison médicale » surveillée et normée et à s'éloigner de nos pratiques singulières et feutrées, je ne sais pas ce que c'est. Là encore, ça se veut obligatoire. Se prendre les pieds dans le tapis n'est plus un acte manqué mais la logique d'un délit.

Passons au DMP. Créé en 2004, il est piloté par Asip santé. Ce projet a coûté à ce jour 200 millions d'euros pour 39 000 dossiers créés au 1er janvier 2012 alors que 500 000 étaient prévus. Quand on fiche, on ne compte pas... C'est très certainement une dépense rationnelle et évaluée.

Tout cela porterait à rire si cela ne faisait peur. Notre grand Roger Misès le note dans une interview pour Média part dans un article intitulé « Roger Misès s'insurge contre la HAS » il dit, je cite : « J'ai peur, peur de ce qu'il va advenir des générations de psychiatres avec ce diktat ; ceux qui ont été formés vont être écartés, que vont-ils devenir ? Les autres, sans formation autre que biologique ou comportementale, comment vont-ils faire ? « Le DSM est imposé par les pouvoirs publics dans le but de réduire les dépenses de santé, d'installer un contrôle gestionnaire et de renforcer le seul personnel administratif » ajoute-t-il encore. Les lobbies nous déclarent la guerre par HAS interposée. Celle-ci est instrumentalisée, en proie aux confl its d'intérêt, mais cela ne l'empêche pas d'évoquer à notre égard un soupçon de charlatanisme parce que nos pratiques n'auraient pas été évaluées ces 30 dernières années. Tout a-t-il donc été évalué ces 30 dernières années selon les normes HAS ? Que fait la HAS des études qui ne vont pas dans son sens ? La HAS préconise les techniques comportementales en ce qui concerne l'autisme, alors qu'aux USA même, temple et « Bethléem » du DSM, leurs évaluations sont pitoyables au regard de leur réclame. Cela en est assez.

Nous sommes au coeur du cyclone, en proie à une attaque généralisée. Des « Assises de la Psychiatrie » se préparent pour le mois de septembre. Nous nous devons de faire entendre le témoignage des psychiatres libéraux, nous nous devons d'indiquer l'impasse dans laquelle nous nous retrouvons emmurés.

Notre prochaine AG du samedi 24 mars 2012 à Paris doit être une grande et riche occasion de débats et d'ouverture de perspectives. Préparons au mieux le rendez-vous des assises. Votre témoignage nous permettra de vous représenter au mieux et de saisir au plus près une synthèse syndicale.


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