Évaluation des Pratiques Professionnelles : analyses et position de l’AFPEP-SNPP

L’évaluation des pratiques médicales constitue l’un des piliers de la politique de santé menée par les Pouvoirs Publics.

Dans l’industrie, la "Démarche Qualité" est ce qui doit permettre d’optimiser et d’améliorer l’équilibre du triptyque pertinence-coût-délais dans la réponse à la demande du "client". C’est une démarche dont de nombreux responsables de tout bord veulent maintenant s’inspirer pour améliorer la productivité, quel que soit leur domaine.

Chacun d’entre nous est soucieux de la qualité des soins qu’il dispense et consacre évidemment une part significative de son travail à l’entretenir voire à l’améliorer. Les psychiatres sont d’ailleurs à ce titre particulièrement exemplaires, et comptent parmi les médecins qui consacrent le plus de temps à leur formation continue. Notre premier mouvement pourrait donc être : pourquoi pas ? Et nous féliciter qu’un dispositif réglementaire vienne nous permettre de faire reconnaître officiellement la qualité de nos pratiques.

Or, force est de constater que, dans notre domaine, la qualité des soins n’est pas posée par la HAS comme ce qu’elle devrait être, c’est-à-dire l’élaboration que chaque praticien peut et doit faire de sa propre pratique, en collaboration avec ses pairs, à la recherche de la meilleure réponse thérapeutique possible pour un patient donné. Elle est au contraire conçue comme la mesure de l’écart à une norme de la pratique, norme elle-même élaborée hors de la pratique réelle de chacun, et dont on peut redouter que, si fondée qu’elle puisse être sur le plan théorique, elle ne conduise inévitablement le praticien à s’y soumettre s’il veut obtenir son label de qualité.

De surcroît, toute situation de test (comme l’évaluation) entraîne une baisse des performances intellectuelles des testés qui peut aller jusqu’à l’inhibition catastrophique en situation complexe2. Cette inhibition peut conduire à se réfugier dans l’application formelle d’un protocole plaqué sur une situation particulière aux dépens de la finesse clinique.
Si l’application stricte du référentiel dans notre discipline implique un tel écrasement du travail clinique, il ne peut s’agir que du degré zéro de la qualité.

Pour toutes ces raisons, ces aspects normalisateurs et technocratiques, la question de l’EPP est vécue comme particulièrement mortifère par la plupart d’entre nous. Il a fallu tout un travail d’analyse et de réflexion au sein de l’AFPEP-SNPP pour y voir plus clair et tenir une position cohérente entre les fondamentaux du tissu opératoire de notre métier et les exigences réglementaires.

Ce travail a abouti au concept d’Écart-Qualité que nous utilisons depuis fort longtemps sans l’avoir formalisé jusqu’à présent.
La qualité suppose la valorisation du travail clinique et une adaptation de la norme de prise en charge à la singularité du patient, ce qui se traduit bien souvent dans la pratique par un écart avec le référentiel. La démarche qualité pourrait donc évoluer dans notre domaine pour rendre compte de cet écart au référentiel qui devient ici un écart-qualité, c’est-à-dire un écart signalant la qualité.1

C’est pourquoi l’AFPEP a conçu le PARAP, — formalisation des groupes de pairs que beaucoup d’entre nous pratiquons de fait — inspirés des notions de Balint et d’Écart-Qualité, dans l’espoir de pouvoir faire reconnaître notre travail et nos efforts de qualité et nous permettre ainsi de ne pas nous mettre en porte-à-faux vis-à-vis de la réglementation.

Cette formalisation sera communiquée le jour venu où les règles de mise en œuvre de l’EPP seront plus claires et où débutera réellement l’obligation. Il n’est pas nécessaire de fixer des contraintes qui peuvent s’avérer inutiles tant que le flou persistera au niveau des tutelles. Nos efforts consistent pour le moment à faire savoir à ces dernières nos exigences opératoires et établir des liens d’alliance et d’aide au sein des autres organisations (FFP).