La Grande Motte - Journées Nationales 1992

Les états limites

États mixtes, personnalités « comme si », fausses personnalités, défaut fondamental, anti-analysant, folie privée, sujet frontalier, sujet-limite, états schizo-névrotiques… L’essaim des dénominations nous rend à l’évidence : par les obstacles théoriques, nous voilà trop souvent confrontés à une butée dans la pratique.

Sans qu’il soit encore question d’état limite, le malaise point déjà dans la dernière partie de l’œuvre de Freud. Les réponses qu’il apporte, par exemple en dégageant la notion de clivage du Moi et bien entendu celle de Pulsion de Mort, sont loin d’être négligeables.

Aujourd’hui, face au glissement de la symptomatologie et des demandes, surgit trop facilement le renoncement : utiliser l’état limite comme poche libératoire à la méconnaissance et à la non remise en cause de notre savoir. Affirmer à l’opposé que l’état limite n’existe pas confine à la même impasse : s’enraciner à des modèles inertes, non évolutifs.

Pourtant, à travers cette question, le champ psychiatrique voit peut-être bousculer sa trop immuable dualité. Mieux qu’une simple charnière l’état limite ne va-t-il pas s’instaurer comme un échangeur indispensable entre la névrose et la psychose, entre l’homme « normal » et le « fou » ?

Nous devrons avant tout revenir à la question première : qu’est-ce que la limite ? Un bord ? Une frontière ? Un no man’s land ?

La limite est-elle de l’ordre du continu ou du discontinu ? Est-elle une fonction ?

Il nous faudra également préciser les manifestations cliniques : agressivité-destructivité, dépression-solitude, corps-somatisation, impulsivité-agir, troubles de l’identité-relations affectives perturbées…

Mais surtout, au-delà de sa définition, de sa sémiologie et de ses fondements méta-psychologiques, nous tenterons d’aborder les questions thérapeutiques auxquelles nous confronte l’état limite. Est-il possible de jouer de la distance dans la contradiction quasi insoluble entre angoisse d’intrusion et angoisse de séparation ? Par quel biais créer un espace potentiel là où il fait défaut ? Par quels moyens réduire la confusion entre affects et représentation ? Peut-on symboliser l’effondrement, la désintégration ?

Au bout du compte, quelles nouvelles réponses élaborer ? Plutôt qu’une butée, l’état limite n’est-il pas une opportunité de s’ouvrir à l’exploration de nouveaux modèles et de pratiques inusitées ?