Dire, mais aussi agir
Cela fait des mois que nous luttons contre l’Ordonnance du 24 avril 96 relative à la «maîtrise médicalisée des dépenses de soins» et ses implications pour la pratique libérale de la psychiatrie.
Des mois que nous interpellons les hommes politiques, du Chef de l’État aux représentants élus en passant par les Ministres pour obtenir des remises en question, des aménagements ou même tout simplement des précisions.
Car, comme vient de le dire Louis Serfaty*, «ce qui... inquiète n’est pas ce qui est écrit mais tout ce qui ne l’est pas». Ce qui est écrit aussi inquiète, mais surtout ce que l’Ordonnance autorise mais ne s’y trouve pas défini. Des expérimentations qui peuvent ouvrir aux filières mais aussi à l’entrée dans le jeu sanitaire des capitaux privés avec leurs impératifs de rentabilité. Des instruments de coordination (carnet et carte de santé) qui font fi du secret nécessaire à une relation médecin-malade confiante et opérante. Des RMO dont le choix et la formulation ultime n’appartiennent pas aux instances scientifiques qui les préparent, que le gouvernement s’arroge le droit d’annuler si elles ne lui conviennent pas, et qui bloquent toute capacité d’innovation et de recherche clinique. Des planifications d’activité et de prescriptions qui ignorent les besoins, le devoir d’assistance, le droit d’accès au progrès. Des sanctions dont le déterminant économique prioritaire est plus ou moins habilement occulté (dans le cadre de l’application des RMO par exemple) et dont les modalités restent totalement floues, sauf leur caractère d’épée de Damoclès. Un titre même («maîtrise médicalisée») qui dissimule par antiphrase la finalité du texte gouvernemental (maîtrise comptable). Et un dispositif d’ensemble qui déjà opère ses ravages sur la confiance des patients dans leur médecin , dont ils ne savent plus s’il agit avant tout pour leur bien...
A toutes ces questions, ces objections, ces doutes, ces inquiétudes, ces révoltes, pas de réponses des uns ou des autres - ou si peu - sinon des protestations de bonne volonté, l’invocation des cruelles nécessités, voire du «délayage» («ne vous inquiétez pas, c’est pas fait, on verra plus tard»...)
Alors, devant l’inutilité des argumentations, l’impossibilité du dialogue, l’impuissance du politique, il reste le recours à la Loi, au Droit.
Ce qui n’est pas facile, si l’on tient compte de l’importance du «non dit».
L’argumentaire juridique se situe à l’écart du technique, du politique et de l’éthique. Le Conseil d’État ne peut pas contrôler l’opportunité d’un texte.
Le recours porte sur la Forme. Et, face à la Loi, fait appel à la Constitution, pour atteinte au droit à la protection de la santé, au principe d’égalité, à la liberté d’entreprendre ainsi que sur l’insuffisance des garanties dans la préservation du secret.
Il y manque de la chair, de l’humain. Mais c’est une arme. Et nous nous en servons.
Dr Gérard BLES
Président de l’A.F.P.E.P. - S.N.P.P.