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20/05/2010

Projet de réforme de la loi de 1990


Chers Collègues,

La dénonciation de l'initiative de Mme Bachelot se situe à deux niveaux :


- la philosophie même de ce texte

* la dérive sécuritaire
* le glissement de l' idée d'hospitalisation sous contrainte à celle de soins sous contrainte     alors qu'il s'agit de cadres de soins bien différents avec des ressorts thérapeutiques différents sur lequel notre place de clinicien nous donne des  arguments à objecter au projet

- le dispositif opératoire qui consiste à associer des psychiatres libéraux dans les conditions que nous dénonçons et qui impose que le SNPP se prononce sur ces aberrations. Cette dénonciation ne peut évidemment pas se limiter au communiqué de presse envoyé la semaine dernière.

Nous avons rédigé une lettre à notre Ministre pour lui demander un rendez-vous en nous appuyant sur ces éléments, pour lui rappeler les fondements incontournables de la psychiatrie libérale, élaborés de longue date par l'AFPEP-SNPP, toujours réactualisés et qui concernent aussi l'exercice de la psychiatrie dans sa globalité.

Yves FROGER
  • Courrier à Madame Bachelot

 
 
 
Paris le 12 mai 2010
 

Madame Roselyne BACHELOT
Ministre de la Santé et des Sports

8, avenue de Ségur
75350 Paris 07 SP

Madame la Ministre,

Nous avons lu avec attention vos déclarations à l'occasion de la présentation du projet de réforme de la Loi du 27 juin 1990 au Conseil des Ministres du mercredi 5 mai.

Ce projet de réforme obéit à une double ambition :

- réformer l'hospitalisation sous contrainte,

- étendre les soins sans consentement aux soins ambulatoires.

Si l'ensemble des représentants des psychiatres réclamaient cette révision de longue date puisqu'elle était programmée pour 1995 et déploraient le retard accumulé, ils déplorent encore plus le contexte dans lequel s'inscrit le débat actuellement, guidé par des réactions émotionnelles fortes. En effet cette réforme ne peut qu'accentuer la pression sécuritaire, à un point tel que les considérations sanitaires risquent de passer au second plan.

C'est pourtant sur ce terrain que notre statut de praticien nous oblige à intervenir.

Sans ignorer les exigences de maintien de la santé publique qui sont les vôtres, nous voulons souligner de notre place de clinicien quelques points capitaux essentiels à toute réflexion préalable concernant les soins sous contrainte.

Nous sommes associés à nos collègues hospitaliers au sein du Comité d'Action Syndical de la Psychiatrie pour dénoncer les dangers et les impasses de ce projet au sujet des soins sans consentement en milieu ambulatoire.

Les psychiatres libéraux sont déjà coutumiers de ces réflexions lorsqu'ils ont à prendre la décision d'une hospitalisation à la demande d'un tiers pour un patient. Outre le diagnostic clinique qui conduit à envisager cette éventualité trois autres questions surgissent :

- la pertinence de la réponse thérapeutique de l'hospitalisation sous contrainte,

- le respect des libertés fondamentales du patient,

- le respect de la dignité du patient, notion trop peu évoquée sur laquelle s'était penché le Comité National d'Ethique et dont l'avis est indispensable avant toute décision dans ce domaine.

Quand le psychiatre prend cette décision, la dimension contenante et parfois protectrice de l'hospitalisation est un élément majeur de l'orientation thérapeutique. Il n'est donc pas évident que le seul bon sens suffise à justifier le glissement de l'hospitalisation sous contrainte aux soins sous contrainte.

Ce sont là des données de base de notre pratique quotidienne qui doivent être prises en compte. Si les soins sous contrainte constituent un domaine tout à fait fondamental en psychiatrie, l'objectif poursuivit par les psychiatres dans leur ensemble est de les restreindre au minimum et non de les étendre.

La décision médicale nécessite des arguments ô combien plus étayés pour répondre à la triple question de la pertinence thérapeutique, du respect des libertés fondamentales et du maintien de la dignité.

Nous aurions souhaité être conviés aux réunions préparatoires pour exposer ces objections issues de notre pratique libérale.

Faute d'avoir pu défendre ces considérations sanitaires fondamentales, ce projet nous semble avant tout obéir aux considérations sécuritaires en dévoyant la dimension sanitaire.

De la même façon sur un plan strictement organisationnel, vous envisagez de confier ces soins sans consentement aux psychiatres libéraux qui seraient dès lors sous la responsabilité du praticien hospitalier chargé du patient.

Si les psychiatres libéraux ont certes vocation à participer à tous les soins psychiatriques nécessaires aux patients et participent déjà très largement aux missions de service public, la pratique libérale repose avant tout sur l'engagement personnel du praticien. Il ne peut donc être question que la liberté d'exercice et l'indépendance professionnelle qui sont au fondement de la pratique libérale puissent être remises en cause.

Nous savons très bien que les différents plans ont appauvri la psychiatrie hospitalière, notamment dans ses capacités d'accueil des patients en crise et nous l'avons maintes fois déploré aux côtés de nos collègues hospitaliers.

Aussi, vouloir maintenant pallier ses insuffisances en transférant les soins à un cadre qui reste pour le moment inadapté, nous paraît très dangereux.

La construction d'un nouveau dispositif nécessite une réflexion préalable qui reste à faire avec la prise en compte des aspects éthiques, juridiques et tout simplement pratiques et opérationnels. Faute de ne pas avoir été abordés, ces aspects rendent ce projet inapplicable.

La teneur de ce texte pose des questions précises, déterminantes et soulève des objections fondamentales concernant la pratique de la psychiatrie libérale et de façon plus générale l'exercice de la Psychiatrie.

Il serait inconcevable qu'un texte de cette importance ne bénéficie pas de l'éclairage de tous les professionnels concernés. Nous vous demandons instamment de bien vouloir nous recevoir avant que ce projet ne soit présenté aux parlementaires.

Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l'assurance de notre haute considération.

 

Dr Yves FROGER

Président du SNPP