Csmf-Umespe
A la veille d’une réunion du Comité directeur de l’Union des Médecins Spécialistes (CSMF) centrée sur les problèmes conventionnels récents, l’application des Ordonnances et la politique des spécialistes au sein de la Confédération, le Président du S.N.P.P. a adressé la lettre suivante au Dr. LE GOFF, Président de l’U.ME.SPE.
6 décembre 1996
La Confédération n’a pas signé : elle a bien fait, même si le motif de refus avait beaucoup rétréci au fil du temps. Les médecins, la grande majorité des médecins, n’auraient pas compris une attitude contraire.
En exacerbant les contradictions du corps médical, le Gouvernement et/ou la CFDT ont-ils manipulé celui-ci pour qu’il se divise, qu’il s’affaiblisse et puisse être mieux asservi ? Délibérément ou non, c’est probable.
Toujours est-il que notre syndicalisme se trouve désormais affronté à une problématique qu’il avait jusqu’alors tenté d’éluder : gérer les intérêts parfois divergents sinon contradictoires entre les différentes composantes du monde médical et, au besoin, arbitrer entre celles-ci.
Le corps des spécialistes, à cet égard, est un bon exemple. Il est resté soudé (en apparence) face à l’offensive de MG France, qui le prenait en cible privilégiée plutôt que de combattre le véritable “adversaire” (au point même de faire alliance avec lui !). Aujourd’hui, MG France espère bien toucher les dividendes de sa trahison politique, au minimum en contrôlant l’accès direct au spécialiste - mais bien au delà en escomptant accroître le revenu des médecins généralistes de 30 à 40 %, promesse fallacieuse par son ampleur, mais dont il restera bien quelque chose !
Donc, les spécialistes vont se retrouver plus ou moins privés d’accès direct et vont avoir à s’accommoder d’une enveloppe budgétaire probablement rétrécie. On peut craindre dès lors que les contradictions éclatent en leur sein.
Quelques spécialités ont peu à craindre du contrôle de l’accès à leurs soins, du fait de la spécificité incontournable de leur instrumentation. A l’autre extrémité, les spécialités “pauvres”, intervenant surtout dans le cadre de “l’acte intellectuel”, vont probablement devenir encore plus pauvres, ne serait-ce que parce qu’elles se trouvent en concurrence directe avec les médecins généralistes qui voudraient bien récupérer une partie de leur activité (par exemple les pédiatres ou les gynécologues médicaux). Entre les deux, les spécialités “mixtes”, qui souffriront moins.
L’U.ME.SPE aura-t-elle la volonté et surtout la capacité de procéder à des arbitrages ? Elle devra le faire, ne serait-ce que pour ne pas “éclater”, ce qui la menace déjà, me semble-t-il. Personne n’aura vraiment à y gagner à terme, mais chacun escompte tirer son épingle du jeu.
La psychiatrie, quant à elle, pose des problèmes particuliers (dont je ne pense pas qu’ils se réduisent aux “états d’âme” stigmatisés en d’autres temps par Maffioli).
Discipline “pauvre”, nous le sommes, de façon comptablement démontrée depuis 20 ans. Et depuis 20 ans, nous escomptons un “rééquilibrage” qui ne vient jamais - dont la demande n’est même pas entendue. Mais là n’est pas le problème immédiat, ni même celui des RMO, qui nous gênent à divers égards.
Aujourd’hui, la question de l’accès direct est devenue pour nous cruciale. Car comme je l’avais évoqué dans ma note à l’U.ME.SPE du début de l’année, une grande partie de nos patients s’adressent à nous directement à l’insu des circuits médicaux habituels, pour des raisons impératives de confidentialité - et ils n’accéderaient sans doute pas aux soins psychiatriques si cette discrétion ne leur était plus assurée, ce qui se solderait par des effets négatifs coûteux (absence, retard ou inadaptation des soins).
C’est cette même confidentialité qui nous amène à refuser l’utilisation du Carnet de soins (en accord, sur ce point, avec l’Ordre des Médecins), sauf cas très particuliers de traitements entraînant de nombreuses incompatibilités, le Lithium par exemple. La simple indexation psychiatrique, même sans autres précisions, génère des effets négatifs au-delà même du circuit médical, dans le cadre familial par exemple. C’est pourquoi nous sommes, sur ce point, en désaccord avec la position confédérale, pour des raisons tant éthiques que techniques.
Et puis, il nous faudra bien aborder dans un deuxième temps le problème “budgétaire”, pour autant que se précisera l’option d’enveloppes séparées par spécialité, déclinées nationalement ou régionalement. Avec 5 % des médecins libéraux, nous ne coûtons que 0,5 % du budget de l’Assurance Maladie ! Et surtout, la demande de soins va croissant dans notre domaine, la crise aidant, et ne saurait se trouver “encadrée” dans une simple photographie de l’activité existante. Sur cet aspect du dossier, l’U.ME.SPE pourrait aussi nous appuyer efficacement, si elle en prend la liberté.
Gérard Bles