Chronique : avec obstination...
Les arbitrages gouvernementaux entre idéologique et gestionnaire vont leur train, dans un style plutôt feutré, "responsable", sans soulever de véritable tempête politique. Il vient d’y avoir, bien sûr, le "coup" d’Air France, mais cette concession aux "principes" autorise apparemment les entorses à ces mêmes principes, du côté de France-Télécom ou d’ailleurs...
Dans le secteur médico-social, le bateau demeure lancé sur son erre, la maîtrise des dépenses reste le fin mot d’une politique qui ne remet rien en question du plan Juppé puisqu’il s’agissait en l’occurrence d’une "réforme de gauche" selon les avis mêmes de ceux, nombreux, qui en ont revendiqué la paternité spirituelle. Entre temps les protestations se sont amollies et l’on sent bien que beaucoup - la plus part ? - se posent désormais des questions sur la manière de réintégrer le système sans perdre la face. Je parle ici des "responsables", qui estiment sans doute avoir beaucoup à perdre, pour la profession ou pour eux-mêmes, à demeurer "hors circuit". Les praticiens de base, eux, bon gré mal gré, se trouvent soumis aux textes légaux, en redoutent les dispositifs répressifs et tentent de réguler, cahin-caha, leur activité, au moins leurs prescriptions. On leur a accordé un satisfecit pour le premier semestre qu’on a démenti quelques semaines plus tard. Pour maintenir la pression ? Ou parce que la comptabilité et surtout l’informatique des Caisses demeurent d’une fiabilité bien aléatoire ? (1).
Dernier événement en date : la validation par le Gouvernement de l’avenant conventionnel sur les filières et l’instauration du "médecin référent", organisation facultative, "expérimentale" dont l’attractivité tiendra surtout, vraisemblablement en ce qu’elle est assortie d’un tiers payant qui a toujours constitué un argument concurrentiel dans les régions à forte démographie médicale - les promoteurs de l’opération ne s’étant apparemment pas arrêté au risque d’une certaine déresponsabilisation du demandeur de soins : aux praticiens, une fois de plus, de réguler... Pas de tempête protestataire là encore, puisque l’on n’a pas touché, pour l’instant, à la liberté d’accès aux soins, en particulier spécialisés. Il serait néanmoins irresponsable de ne pas s’interroger sur la logique évolutive de tout système, quel qu’il soit, et d’oublier les aspirations, techniques et idéologiques, qui peuvent animer les diverses parties prenantes. Or, il est à peu près clair qu’ici, et à terme, la rémunération à l’acte, pour certains au moins, devrait être remise en question au profit d’une capitation à l’anglaise - le tiers payant, dans un premier temps, facilitant une possible régulation du nombre d’actes. Quant aux spécialistes, sans même prétendre appliquer strictement la formule de Bernard Kouchner ("C = CS et tous à l’hôpital !"), ce qui semble se profiler est notamment un dispositif du type "forfait par pathologie", prôné parfois par certains responsables syndicaux eux-mêmes (y compris des psychiatres !). Que peut-il résulter de tout cela pour la psychiatrie sur son mode libéral sans altérer la spécificité et l’originalité du service que nous assurons ?
Il est vrai que notre place même continue à être obstinément méconnue - on n’en voudra pour preuve que le tout récent rapport Joly présenté au nom du Conseil Économique et Social, qui nous cantonne allégrement dans les soins légers et lucratifs. Ca n’est sans doute pas la faute du rapporteur lui-même, étranger à notre domaine, qui ne fait que refléter les avis "experts" qu’on lui a fourni, y compris de la part des très rares psychiatres libéraux consultés. Mais cela ne fait que réitérer une distorsion de jugement qui perdure depuis 30 ans, et fut à l’origine même de la naissance de l’A.F.P.E.P. !
Alors, il est trop facile de déplorer le clivage des représentations de la spécialité cependant que nous sommes les seuls, obstinément, à œuvrer pour que celle-ci, justement, puisse être considérée dans la plénitude des ses possibilités, de sa réalité. Nous ne sommes pas des notables, soit ! Mais nous sommes pleinement acteurs du soin psychiatrique, et cela de façon à notre sens irremplaçable. On ne nous a pas, jusqu’à présent, démontré le contraire - on se contente d’ignorer les faits. Quelles pudeurs pour certains, quels parti-pris pour d’autres peuvent-ils présider à une erreur que nous ne saurions attribuer à la simple sottise ou à l’aveuglement ?
Il faut continuer à se battre, à argumenter, à convaincre, sur tous les fronts, quels que soient les protagonistes de l’échange...
Avec obstination...
Nous sommes là pour ça.
Gérard BLES
(1) (A preuve, les incohérences, pour ne par dire plus, des Relevés Individuels d’Activité - RIAP - que nous venons de recevoir...) ! Une telle fragilité des résultats induit malgré tout de sérieux doutes sur la capacité des gestionnaires à maîtriser les ventilations chiffrées autrement que par grandes masses, alors même que celles-ci...