Opinions. Les psychiatres libéraux ont un rôle primordial en santé mentale publique
Les indices de morbidité psychiatrique français atteignent de tristes records par rapport aux autres pays européens : 20,1 suicides pour 100 000 habitants (contre 7,9 en Grande-Bretagne), soit 16 % des décès chez les jeunes de 15 à 24 ans, deuxième cause de décès après les accidents dans cette tranche d’âge : de 1960 à 1993 le taux de suicide a triplé chez les hommes de 15 à 24 ans. 75 % des jeunes en insertion professionnelle se plaignent de dépression ou d’anxiété et 15,4 % d’entre eux ont fait une tentative de suicide. Ces chiffres accablants issus du rapport du Haut Comité de Santé Publique (juin 1997) sont à comparer avec la consommation française de psychotropes (2 à 3 fois plus qu’en Allemagne et Grande-Bretagne) et posent clairement la question du bon usage des ressources thérapeutiques psychiatriques et de l’accès aux soins spécialisés.
Bien que chômage et surtravail soient responsables d’une aggravation de la morbidité psychiatrique, l’idéologie économique malthusienne dominante n’a de cesse de stigmatiser l’augmentation des dépenses de santé et d’organiser leur diminution au mépris des besoins sanitaires de la population. C’est ainsi que les mutuelles d’étudiants ne prennent que partiellement en charge la couverture complémentaire des soins psychiatriques : la MNEF ne rembourse que le complément de 10 consultations psychiatriques et la SMEREP pas du tout.(1)
L’expérience de la Grande-Bretagne a montré que la sensibilisation des praticiens à la souffrance psychique et le recours rapide à des structures d’écoute, de prise en charge et de suivi des suicidants, a diminué le taux de mortalité suicidaire des jeunes qui est désormais le plus bas de la communauté européenne.
En matière de santé mentale et de santé publique les psychiatres libéraux ont une mission capitale de soins primaires et de premier recours.
Il est patent que la décision de consulter un psychiatre est rarement facile et requiert un cheminement psychologique préalable : elle résulte dans 80 % des cas des conseils d’un proche important qui inspire confiance et permet au sujet souffrant psychiquement de franchir le pas. Or l’accès aux soins psychiatriques est encore trop souvent entravé par des obstacles tels que la rétention de clientèle, voire la dissuasion ou la stigmatisation de la «psychiatrisation» de la souffrance psychique. La pression commerciale des firmes visant à multiplier le nombre de prescripteurs de psychotropes conduit les non-psychiatres à entreprendre des traitements symptomatiques sans projet d’ensemble, sur la base d’une critérologie rudimentaire inspirée des classifications réductionnistes DSM et CIM. Il en résulte une généralisation de la maltraitance psycho-pharmacologique. Les recours de plus en plus tardifs aux soins psychiatriques sont à l’origine d’une chronicisation de certaines pathologies dépressives et anxieuses.
C’est pourquoi la mission des psychiatres libéraux en matière de santé publique ne saurait souffrir d’entraves et requiert un libre accès aux soins psychiatriques.
Daniel NOLLET
(1) Le S.N.P.P. a effectué une nouvelle démarche auprès du Ministre à propos de ces restrictions inadmissibles, surtout concernant une tranche d’âge particulièrement vulnérable. Nous n’avons pour l’instant reçu aucune réponse...