Le règlement conventionnel minimal nouveau est arrivé...

Jean-Jacques Laboutière
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Martine Aubry l’avait promis en juillet dernier : afin de stimuler les négociations entre les caisses d’assurance maladie et les centrales syndicales représentatives des médecins, le règlement conventionnel minimal devait être durci si une convention n’était pas signée dans un délai de quatre mois. Les spécialistes n’ont pas encore signé de convention et il n’y a guère de probabilité qu’ils en signent une dans un avenir proche : la Ministre des Affaires sociales a donc tenu parole et le règlement conventionnel minimal nouveau est paru au Journal Officiel du 14 novembre dernier. Chacun l’a reçu depuis par courrier, les Caisses primaires l’ayant diffusé aux spécialistes de leur ressort. Si nous avions été priés en mai 1997 de manifester individuellement notre adhésion à la convention de 1997, nous en serons ici dispensés : en l’absence de convention, ce règlement s’applique automatiquement à tout médecin préalablement conventionné, sauf dénonciation par lettre recommandée dans un délai d’un mois à compter de sa date de réception. Il est également applicable aux nouveaux installés ou aux médecins préalablement non conventionnés qui déclarent y adhérer par lettre recommandée dans le même délai.

Le seul élément positif que nous puissions en retenir, très mince consolation, est que les Caisses se voient imposer l’obligation d’informer très régulièrement la profession de l’évolution des dépenses de santé. Le 15 de chaque mois, la CNAM devra transmettre aux organisations syndicales nationales représentatives les données relatives aux dépenses médicales de l’avant-dernier mois, en détaillant ces données par région et par spécialité. Tant pour les généralistes que pour les spécialistes, elles distingueront en outre les honoraires et les prescriptions. Au niveau régional, ces données seront transmises aux Unions régionales de médecins libéraux, aux organisations syndicales représentatives des médecins ainsi qu’à tout médecin qui en ferait la demande. Enfin, de manière systématique, un relevé d’activité trimestriel sera adressé à tous les médecins, "de préférence de manière électronique". Faut-il entendre dans cette dernière précision une nouvelle pression quant à l’informatisation ?

Par ailleurs, cette nouvelle version du règlement conventionnel minimal n’oublie pas la question des réseaux de soins, qui reçoivent une définition officielle : "Les réseaux constituent un mode de prise en charge coordonnée de certaines catégories de patients ou de pathologies, organisé au niveau local ou régional". Il ne saurait toutefois être question d’être très inventif en cette matière puisque, pour être agréé , un réseau doit répondre à un cahier des charges fixé par arrêté des ministres de la Santé et de la Sécurité sociale, arrêté lui-même pris sur proposition de la CNAMTS. Étant donnés les principes défendus par le directeur de cette dernière, Monsieur Gilles Johannet, il ne fait donc aucun doute que les réseaux seront avant tout un lieu de transparence des pratiques, dans le cadre duquel le moindre soin devra être dûment justifié. Le règlement conventionnel minimum précise d’ailleurs sur ce point que le réseau suppose l’évaluation des pratiques, un dossier commun dans le respect du secret médical et l’analyse régulière de ses dépenses. Il fixe également les modalités de la coordination des soins, notamment les conditions dans lesquelles s’exercera le recours à un deuxième avis médical : entendez par là les conditions dans lesquelles le patient sera autorisé à consulter le spécialiste …

Ne nous attardons pas sur les RMO : elles sont minutieusement reprises par ce règlement minimal et restent donc en vigueur. Il en va de même des obligations de strict respect des AMM afin que les prescriptions soient remboursables.

Ainsi que chacun le sait déjà, les dispositions les plus spectaculaires sont malheureusement de l’ordre des sanctions. En effet, pendant la durée d’application de ce règlement, la participation des caisses d’assurance maladie au financement des cotisations sociales des médecins de secteur I va être diminuée. A compter du 1er décembre 98 la participation à l’ASV sera réduite de 66% à 56,7%, la participation à la cotisation d’assurance maladie de 9,7 à 8,2 % et la participation à la cotisation d’allocations familiales de 5% à 4,3% (sous plafond) de 2,9% à 2,5% (au-dessus du plafond). En termes plus brutaux, il a été calculé que cela correspond en moyenne à une augmentation de 15 000 F des charges sociales pour l’an prochain (sans préjuger bien sûr des éventuels reversements…).

Pour les médecins de secteur II, qui ne bénéficient pas de cette prise en charge partielle de leurs cotisations sociales en contrepartie de la liberté d’honoraires, un autre dispositif a été introduit. Il faut que le rapport entre chiffre d’affaire global et montant des dépassements diminue de 10 % d’une année sur l’autre. Cela veut donc dire que les dépassements doivent être diminués systématiquement de 10%, ou bien que le praticien doit augmenter significativement son activité en honoraires strictement conventionnels tout en conservant les mêmes dépassements. Les Caisses doivent évaluer cette évolution tous les trois mois pour chaque praticien. L’on est frappé du fait qu’elles reconnaissent ainsi avoir les moyens techniques de suivre l’activité de chaque praticien alors qu’elles se sont parfois retranchées derrière cette supposée difficulté pour refuser le principe de sanctions individuelles. En cas de non respect de cette limitation des dépassements d’honoraires, les praticiens de secteur II peuvent être sanctionnés par un déconventionnement temporaire.

Ce durcissement des conditions d’exercice a une allure de sanction à peine dissimulée. Le gouvernement l’a voulu ainsi afin de forcer la main aux centrales syndicales pour signer rapidement une convention. Fait-il ici un pari responsable en exerçant ce qui n’est finalement qu’un chantage sur la profession ? Ne risque-t-il pas plutôt de radicaliser l’opposition d’un corps médical qui était resté en grande partie relativement indifférent à la politique sanitaire de Madame Aubry tout au long de l’année ? Seul l’avenir nous le dira mais les nombreuses réactions de nos adhérents nous laissent plutôt penser que nous nous dirigeons vers la seconde option.

Jean-Jacques LABOUTIÈRE


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