De renversants reversements...

Alain Richard
Retour au sommaire - BIPP n° 12 - Avril 1997

Le plan Juppé prévoit l’encadrement de l’ensemble des dépenses de santé et donc la maîtrise budgétaire des dépenses de ville.

Chaque année un accord État-Caisses élabore et détermine une ligne budgétaire sur laquelle le Parlement sera amené à se prononcer. Ce budget comprend, outre l’activité des médecins libéraux, objet de la double convention médicale généralistes-spécialistes, l’activité d’autres professionnels de santé tels les dentistes régit par d’autres textes.

1) La convention instaure un objectif d’évolution des dépenses médicales à l’intérieur du budget de l’Assurance Maladie répartis en quatre enveloppes : honoraires et prescriptions pour les généralistes, honoraires et prescriptions pour les spécialistes.

Pour les spécialistes que nous sommes, quelques chiffres indicateurs (en millions de francs) :

  1995

(dépenses réelles)

1996

(dernières estimations)

croissance en % 1997

(objectif prévisionnel)

croissance en %
Honoraires 39.741 41.000 3,17 % 41.590 1,44 %
Prescriptions 24.700 25.700 4,05 % 25.830 0,51 %
Total 64.441 66.700 3,50 % 67.420 1,08 %

Une lecture directe indique déjà un ralentissement. En outre, il faut savoir qu’en ce qui concerne les honoraires, la somme de 41.590 millions (objectif 1997) comprend 850 millions de provisions d’honoraires reversées en 1998 par les Caisses si les objectifs sont respectés. On comprend que pour espérer recevoir l’intégralité de cette provision, il faudra que la masse des honoraires en 1997 soit de 41.590 - 850 = 40.740 millions c’est-à-dire régresse de 0,64 %. Et on recommence chaque année...

2) Un suivi de l’objectif est mis en place avec un relevé global trimestriel pour les partenaires conventionnels (syndicats signataires et Caisses) et un relevé individuel d’activité du praticien (R.I.A.P.) semestriel pour nous.

C’est bien sûr pour nous une fréquence insuffisante mais, de toute façon, notre activité personnelle ne détermine pas la décision qui nous sera appliquée de recevoir un «bonus» (la provision d’honoraires) ou de payer un «malus» (le reversement) : elle permet seulement la modulation à la hausse où à la baisse de ces mêmes sommes.

3) Pour garantir le respect des enveloppes qui sont opposables à la profession, cette dernière est soumise au dispositif provision/reversement.

Le processus commence au plus tard fin février de l’année n + 1 (1998 la première fois) où le constat est dressé au niveau national quant au respect de l’objectif.

Le texte conventionnel ne précise pas si chacune des deux enveloppes : honoraires (41.590) et prescriptions (25.830) doivent être respectées, ou seulement la somme totale (67.420). Néanmoins, le plan Juppé ne vise pas tant à réduire les revenus des médecins qu’à contenir les dépenses de santé. On peut donc estimer que seule le respect de l’enveloppe globale sera condition du succès ou de l’échec.

Dans la première éventualité c’est-à-dire si la somme des dépenses est inférieure à 67.420, l’ensemble des spécialistes recevra, au plus tard le 15 mai, la différence (à concurrence de 850 millions) sous forme d’honoraires différés : la fameuse provision conservée par les Caisses. Ce «bonus» sera partagé en proportion de l’activité remboursée (hors dépassement) de chacun, et plafonnée pour les 20 % des praticiens dont l’activité est «la plus élevée dans leur catégorie ou spécialité».

Dans la seconde éventualité le dépassement global peut avoir pour origine une inflation des dépenses liées aux honoraires et/ou aux prescriptions.

Dans tous les cas, la provision n’est pas versée. Pour l’enveloppe nationale des honoraires, l’intégralité, au premier franc de dépassement, devra être reversée et 5 % du dépassement pour les prescriptions. Cela constitue, une fois déduites les autres sanctions déjà réglées (non respect des RMO, décisions des CMR...), le reversement national qui devra être réglé au plus tard le 15 mai.

4) La procédure qui détermine le montant de votre reversement personnel comprend plusieurs étapes et de nombreux calculs (dont je ne suis pas sûr d’avoir saisi toutes les finesses).

La première étape : les régions qui auront satisfait à leur propre taux d’évolution seront dispensées de reversement, les autres prendront à leur charge et à concurrence de leur part respective le dépassement constaté nationalement. En effet, chaque région a un taux d’évolution autour du taux pivot national de 1,05 % modulé pour réduire progressivement les disparités inter-régionales de consommations de soins elles-mêmes déterminées selon une formule très complexe.

La seconde étape : pour chaque région mise à contribution, le ratio part du reversement "normal" sur la masse des bénéfices de l’ensemble des spécialistes de la région, fixant le taux de base individuel (à un franc de bénéfice individuel correspond X francs de reversement individuel).

Troisième étape : le montant de votre reversement est fonction de la masse de vos honoraires évalués par les Caisses suivant la formule : sommes présentées à remboursement par vos patients diminuées d’un taux de charges professionnelles, fixé pour les psychiatres (comme pour beaucoup de spécialistes) à 45 %.

Enfin dernière étape : ce montant individualisé est, si j’ose dire, personnalisé par des majorations ou minorations de 20 % chacune.

le volume de vos honoraires est dans les 25 % les plus élevés de votre spécialité : 1 maj.

ou ce volume est dans les 5 % les plus élevés de votre spécialité : 2 maj.

Votre ratio dépassements sur honoraires sans dépassement est dans les 10 % les plus élevés de votre spécialité : 1 maj.

et ce même ratio est en augmentation cette année : 1 maj.

Votre ratio de prescriptions sur honoraires sans dépassement est dans les 25 % les moins élevés de votre spécialité : 1 min.

Votre ratio du coût total par client a baissé cette année : 1 min.

ou ce même ratio a baissé d’au moins 10 % : 2 min.

Vous n’avez pas été sanctionné pour non respect des RMO : 1 min.

Vous faites le total des majorations et des minorations qui se combinent et vous ajoutez ou vous retranchez X fois 20 %.

N.B.: Comme l’ensemble des médecins concernés doit régler l’intégralité de la pénalité et si le respect des RMO est le fait de la grande majorité des médecins, cette minoration est virtuelle.

5) Enfin, l’article 25 de la convention prévoit expressément qui si un reversement est dû au titre de l’année 1997, plutôt que d’être réglé au printemps 1998, il pourra être déduit de l’objectif 1998 qui pourrait alors devenir une régression... mais c’est après les législatives.

Il ne me parait pas utile d’ajouter des commentaires à ce texte qui parle de lui-même. S’il vous est apparu obscur, je vous invite à vous plonger dans le texte conventionnel titres 19 à 25. Vous pouvez aussi m’adresser vos questions (ou vos éclaircissements ?) à ce sujet.

D’avance merci.

Alain RICHARD


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