Alerte rouge

Yves Froger
Retour au sommaire - BIPP n° 34 - Décembre 2002

En janvier 2002, le SNPP s'est résolument engagé dans le combat syndical initié par la CSMF et l'U.ME.SPE.

• Pour la signature d'une convention unique pour tout le corps médical, avec des volets spécifiques pour certains modes d'exercice.

• Pour la revalorisation des honoraires dans le cadre d'une nouvelle nomenclature dans laquelle la consultation psychiatrique serait cotée C3 pour une rémunération qui ne peut pas être inférieure à 50 euros. C'est en effet bien plus par une augmentation des honoraires validée par le politique et les tutelles, que par une augmentation limitée et sous conditions dans le cadre de l'espace de liberté tarifaire, que nous souhaitons sortir de la situation insupportable de blocage dans laquelle nous sommes depuis bientôt huit ans, et d'autant plus insupportable que nos revenus figurent parmi les plus bas.

• Pour la conservation d'un espace de liberté tarifaire qui présente à nos yeux tout son intérêt en tant que possibilité de dépassement circonstancié.

À ce jour, seuls les généralistes et les pédiatres, pour certains de leurs actes, ont vu leurs honoraires augmenter.

Les acquis des spécialistes se limitent pour le moment :

• à la suppression des pénalités financières liées au règlement minimum conventionnel, pénalités d'autant plus injustes qu'elles ne frappaient que les médecins de secteur I en l'absence de convention, et à revenus a priori les plus faibles.

• à un accord sur la participation des caisses au surcoût d'assurance lié aux dernières dispositions juridiques et utilisées de façon tout à fait tendancieuse par les assurances privées pour se désengager, ou relever abusivement leurs tarifs.

Ces pratiques nous donnent à réfléchir avant de laisser ces mêmes assurances privées (mutuelles comprises) investir encore plus le secteur de la santé dans l'hypothèse redoutable d'une extension du secteur II.

Les psychiatres ont participé massivement aux journées d'action des 4 et 16 octobre derniers, manifestant sans équivoque leurs exigences de la prise en compte de la revendication dans les négociations en cours et qui doivent aboutir d'ici la fin de l'année.

Une première rencontre le 23 octobre dernier réunissant les syndicats représentatifs et les tutelles a permis, à la suite de plusieurs réunions de groupe de travail à orientation technique, de dégager les points suivants :

• Une volonté commune d'aboutir à un accord conventionnel signé par les syndicats majoritaires.

• La reconnaissance de la validité de la refonte de la nomenclature proposée par l'U.ME.SPE.

Ce premier constat encourageant s'intégrait dans un ensemble plus large de signes globalement positifs.

• Changement du discours médiatique concernant les spécialistes après la journée du 16 octobre.

• Mise en avant, tant dans les propos du Ministre Jean-François Mattei, que dans ceux de nos représentants syndicaux, Michel Chassang, Président de la CSMF et Jean-François Rey, Président de l'U.ME.SPE, de l'idée de spécialités cliniques sinistrées au premier rang desquelles la psychiatrie avec les revenus parmi les plus faibles à revaloriser de façon impérative.

Nous avons toujours soutenu cette idée lors des multiples contacts et nous constatons qu'elle semble enfin s'imposer à tous.

• Le vote à l'Assemblée Nationale d'une augmentation de 5,6 % de l'ONDAM pour les soins de ville pour l'année à venir et qui concerne au premier chef les spécialistes libéraux.

Et pourtant à ce jour, (23 novembre) la CNAM-TS n'a toujours fait aucune proposition pour la revalorisation de nos honoraires, bien au contraire.

Combien de temps encore Monsieur Spaeth restera t'il sourd à notre mécontentement ?

Comment peut-il ignorer à quel point la crise que nous traversons a profondément modifié la réflexion, tant des médecins que de leurs patients.

Les psychiatres sont probablement parmi les mieux placés pour en témoigner.

• Ce sont d'abord les échanges amorcés par les lettres aux patients disponibles dans nos salles d'attente soulignant notre préoccupation d'une dégradation des soins.

- Accès de plus en plus difficile du fait de la baisse du nombre de psychiatres en exercice et de l'extension de leurs missions.

- Perte de la liberté d'exercice avec le risque de la standardisation et de la protocolarisation des soins.

- Menace sur la confidentialité (télétransmission et projet SESAME - VITALE II).

- Abandon de la primauté du colloque singulier comme cadre de référence de la pratique médicale avec exigence de la transparence.

• Ce conflit est l'occasion de réaffirmer avec force et de manière intangible notre détermination à faire respecter les invariants d'une psychiatrie de qualité pour nos patients.

Ils ne s'y trompent pas, l'ont parfaitement bien compris et nous avons pu constater que la presse s'est fait l'écho de tout ce versant du mouvement de protestation.

• C'est aussi la réflexion à laquelle chacun de nous a été confronté face à ce mot d'ordre de l'utilisation massive et avec tact du DE jusqu'alors quasiment inconnu de la majorité de la profession.

Nous avons ainsi été amenés à nous pencher beaucoup plus sérieusement sur la place de l'argent dans les soins en psychiatrie (différent de la question de la psychanalyse) et sur la valeur que nous attribuons à notre acte et à l'importance qu'elle soit reconnue à part entière par le politique comme légitimation de la souffrance des patients et des soins spécifiques que cela nécessite.

Enfin, ce conflit a été, et est toujours l'occasion de multiples rencontres et manifestations au cours desquelles le corps médical se soude un peu plus, rendant plus que jamais incontournable un texte qui rassemble et non un texte qui divise.

De toute évidence, la menace se fait très précise pour Monsieur Spaeth et ses assesseurs qui viennent de prendre une initiative qui, si elle est maintenue, rompt toutes possibilités de poursuite des négociations.

Ils ont en effet, proposé au CNPS (Centre National des Professions de Santé), de signer un accord cadre interprofessionnel qui exclut les syndicats médicaux de la table des négociations.

Il s'agit donc d'une tentative de passage en force, sous-tendue par la mise à l'écart et le déni de la représentativité syndicale.

Cette attitude appelle un commentaire : Quelle stratégie poursuit Monsieur Spaeth ?

S'agit-il avant tout de retarder le dialogue conventionnel qui semblait s'instaurer sous de meilleurs auspices, afin d'éviter toutes discussions sur les honoraires en nous imposant au préalable un épuisant combat pour la reconnaissance de la légitimité de la représentation syndicale. En tout état de fait, cette attitude nous conforte dans notre choix d'une opposition radicale au sein de l'U.ME.SPE.

Dans ce sens, nous demandons d'ores et déjà à tous les psychiatres de suspendre toute collaboration avec les institutions, notamment au sein des URML, dans la mise en place de projet innovant impliquant des médecins libéraux.

Cette volonté de nous ignorer nous impose de nous positionner de manière forte et hautement significative après le succès des mouvements d'action des semaines passées. Nous sommes pour le moment dans l'attente des propositions de l'U.ME.SPE quant à la stratégie à adopter pour faire face à ce durcissement brutal du conflit qui impose que nous soyons massivement unis et totalement solidaires.

Là est sans doute la seule possibilité d'une issue favorable.

Yves FROGER


Retour au sommaire - BIPP n° 34 - Décembre 2002