Sur le rapport des Drs M.C. Hardy-Baylé et L. Schmitt

Martine Fleury
Retour au sommaire - BIPP n° 43 - Janvier 2006

Rapport des “experts incontestables” préconisant le parcours de soins ordinaire pour la psychiatrie

En lisant très attentivement ce fameux rapport on voit les cervelles de nos chers collègues fumer !

En effet, on apprend tout ce qu’il faudrait faire pour que la France ne soit pas en queue de peloton européen pour la prise en charge des malades mentaux, sans aucune analyse des causes, bien sûr! Donc on prescrit des solutions sans avoir porté de diagnostic ; comme démarche scientifique, il y a mieux!

De même on n’explique pas en quoi le parcours de soins peut améliorer la situation de nos patients. Comme s’il n’y avait pas d’échanges actuellement pour ceux pour qui c’est nécessaire !

Nous avons deux catégories de population qui nous consultent : ceux qui veulent laisser leur généraliste hors champ de l’intime, et ceux qui souhaitent une collaboration. Et nous respectons cela. Nous n’avons pas attendu cette convention pour écrire ou téléphoner à nos collègues à la demande de nos patients, heureusement !

Par contre l’inverse n’est pas de notre fait : combien de patients viennent nous voir après des années de souffrance sans que leur généraliste leur ait jamais parlé d’un avis spécialisé, ça, c’est grave et ça tient à la formation des médecins, et ça ne ressort pas d’une convention.

Par ailleurs on apprend dans ce texte infamant que les psychiatres ne sont pas équipés pour faire des diagnostics somatiques ; mais bon sang la clinique n’est pas l’apanage des généralistes et je ne compte pas le nombre de diagnostics de pathologies graves voire gravissimes que j’ai posés avec justesse (hélas ! pour les patients) et parfois dans l’urgence de ma consultation, alors que leur généraliste n’y avait pas pensé. Nous sommes d’abord des médecins avant d’être des psychiatres et notre premier outil est notre capacité d’observation, particulièrement développée dans notre discipline !

On retiendra aussi dans les perles qu’une consultation psychiatrique est longue et peut atteindre une heure, tiens donc, nous voilà avec un rapport qualité-prix qui défie toute concurrence, à 40 euros de l’heure (brut évidemment !), mais surtout la meilleure “le recours à un conciliateur pour des délais d’obtention de rendez-vous trop éloignés”.

On ne voit pas bien en quoi un conciliateur va résoudre la pénurie de psychiatres qui sévit dans certains départements, dont le mien (Seine-Maritime) et qui va aller en s’aggravant, tout le monde le sait.

Quant à la confidentialité qui doit côtoyer le partage d’informations, dans un paradoxe d’un flou consommé, on sent bien que le texte a été “bidouillé” et que les auteurs ne savaient pas comment s’en sortir.

Mais je voudrais surtout leur rappeler à ces universitaires (mais ils ne me liront pas, dommage) les torchons que nous recevons de la part de nos confrères du public. Un style télégraphique, où les phrases ont disparu au profit d’un alignement de quelques symptômes et d’une classification en DSM machinchose d’où la subjectivité du patient a disparu.

D’ailleurs vous l’avez remarqué c’est le généraliste qualifié de spécialiste par nos chers universitaires, qui se réapproprie le parcours de soins !

Il FAUT absolument que nos patients soient informés de ce tissu d’inepties qui veut les chosifier, les faire rentrer dans un cadre administratif où tout sera surveillé, quantifié, par qui, comment, sur quels critères, tout est flou, non défini mais la messe est dite : tenons bon, la majorité d’entre nous est plus près de la retraite que de sa thèse, et nos patients eux sont intelligents, s’ils viennent chez nous c’est qu’ils en veulent des soins (contrairement à ce qui est dit dans ce rapport, nous avons des malades conscients de leurs pathologies). Alors ils nous posent des questions sur cette foutue convention, ils veulent savoir ce que ça veut dire parcours de soins, et moi j’en profite pour leur dire tout le mal que je pense de ce système et leur rappeler qu’ils sont libres de leurs choix, libres, libres…

Si j’étais scénariste, je me ferais un plaisir de concocter une saynète à la Kafka. Bref, une histoire de fous…

Mais en fait, au plus profond de moi, tout ça me rend triste, j’ai honte que des médecins que je n’ose même pas appeler confrères aient une si grave méconnaissance :

- De leur métier

- De notre exercice spécifique libéral

- De ce que sont les consultants des psychiatres

- Et qu’ils se soient laissés aller à cette mascarade pseudo-scientifique.

Ce texte est une insulte à la profession, il est inique, odieux, inacceptable.

Martine FLEURY
Rouen


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