Web-médecin : un flicage inutile et délétère

Retour au sommaire - BIPP n° 49 - Septembre 2007

Le Web-médecin est la mise en ligne nominale par l’UNCAM de tous les remboursements effectués pour les patients, accessible à tout médecin dès lors qu’il est en possession de la carte vitale de l’intéressé.

Considéré comme une version légère facile à mettre en place du DMP (Dossier Médical Personnel), il ne tient aucun compte des préventions qui ont été soulevées à propos de ce dernier. La décision politique de mettre en place le DMP a provoqué un débat hautement nécessaire, en particulier au sujet du masquage de certaines informations, pas le Web-médecin.

Comment une union de syndicats de médecins spécialistes (l’UMESPE), qui se dit représentative, peut-elle demander la généralisation d’une procédure systématiquement intrusive pour la personne et dont l’intérêt clinique est aussi discutable?

De nombreux patients craignent, souvent à tort, mais pas toujours, que leur médecin de famille, une fois au courant du fait qu’ils sont suivis par un psychiatre, n’attribue trop facilement leurs plaintes à un problème psychiatrique et de ce fait seraient somatiquement moins pris au sérieux. Ils craignent aussi que le discours de ce généraliste aux autres membres de la famille ne soit influencé par cette information. Le rapport de confiance en est inévitablement altéré.

Une information n'est utilisable que si elle est connotée et ciblée, indexée à son origine et son contexte; ce n’est que dans le colloque singulier du médecin avec son malade, fondé sur une confiance réciproque, que ces conditions peuvent être réunies. Pas dans un mouchard!

Ces informations seront inévitablement incomplètes et équivoques. Par exemple, il est l’illusion de croire que ce qui est pris en pharmacie est effectivement consommé par le patient et c’est nier toute la part d’automédication.

L’article40 de la Loi Informatique et Liberté stipule que «Toute personne... peut exiger... que soient... effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont... inexactes, incomplètes, équivoques...»

Qu’est-ce que cela veut dire que d’avoir eu un test de SIDA ou d’être allé voir un psychiatre? C’est pour le moins une information ambiguë hors contexte. Elle se rapporte à une intimité que le patient peut légitimement ne pas vouloir révéler à toutes les personnes, même médecin, à qui il est amené à confier sa carte vitale.

Ne pas se faire rembourser devient ipso facto la seule voie de la confidentialité possible du parcours de soin, nouvelle entorse au regard de l’égalité d’accès aux soins de la population.

Le minimum serait de faire en sorte que le patient puisse avoir le droit au masquage sur le Web-médecin tel que c’est envisagé pour le DMP. Le patient pourrait alors limiter l’information aux examens complémentaires et aux prescriptions achetées. Toutefois, ces informations tronquées n’auraient pour effet que de dérouter le médecin traitant qui ne pourra l’exploiter, provoquera des problèmes de préséance, avivera chez le patient des sentiments de culpabilité dans ce contexte angoissant de la maladie, nuira à la relation médecin-malade dans son ensemble.

Rendre obligatoire le dévoilement du parcours d’un patient quand il ne le souhaite pas, ne favorise pas la coordination des soins mais étale ce que le patient veut taire pour des raisons sur lesquelles il faut s’interroger plutôt que de le forcer.

Une fois de plus, il semble que l’UMESPE réduise la médecine spécialisée à sa seule dimension technique et fasse peu de cas des spécialités cliniques y compris la médecine générale, assignant le médecin traitant à un rôle de portier et d’agent de contrôle. L’AFPEP-SNPP s’indigne de cette attitude peu réfléchie et demande aux tutelles la plus haute vigilance à ce sujet.


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