Appel aux médecins de France

Retour au sommaire - BIPP n° 7 - Janvier 1996

Les médecins français ont affronté depuis quelques semaines un torrent de boue médiatique les accusant pêle-mêle d’incompétence, d’irresponsabilité et de corporatisme, si bien orchestré que même les plus éclairés paraissent s’y laisser prendre, en l’absence remarquable de toute contre-partie critique.

Cela les laisse stupéfaits et indignés; leurs malades, eux, sont interloqués et commencent à se sentir culpabilisés. Ne se retrouvent-ils pas ainsi, les uns et les autres, boucs émissaires d’une crise dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle dépasse le seul monde de la santé, de la protections sociale et de la solidarité ?

Comment peut-on dès aujourd’hui travailler, comment travaillera-t-on demain alors que pèsent sur le médecin le soupçon de malhonnêteté et d’ignorance et sur le malade un doute quant à l’authenticité de sa souffrance et la légitimité de sa demande de soins ? C’est la relation soignante elle-même qui se trouve ainsi minée dès lors que la confiance et le respect mutuel sont brutalement remis en question.

Si comme on les y pousse, les médecins endossaient cette analyse et intériorisaient cette censure, ce serait le fondement même de leur engagement professionnel, hippocratique, qui s’effondrerait devant tous les autoritarismes à prétentions scientifique, technique, politique, économique, alors qu’ils ont su jusqu’alors, l’histoire l’a largement démontré, maintenir le sens de leur mission en dépit de toutes les pressions, même les plus insupportables : un exemple récent et tragique, celui des transfusions, a néanmoins mis en évidence les conséquences dramatiques et incalculables du manquement à un tel engagement.

Nous ne pouvons pas accepter cette radicale mise en cause, quelles que soient nos convictions de citoyens ou nos analyses personnelles de praticiens. Si nous cédions à l’horreur de la haine et à la tentation de la soumission, ce serait de toute façon et sans véritable paradoxe, la masse des médecins consciencieux qui s’amputeraient dans leur pratique! On peut tout autant craindre que ce soient quelques uns des malades qui ont le plus besoin de soins qui y renoncent et cela pas seulement en raison des pressions économiques.

Autant le doute et la mise en interrogation des pratiques comme des dogmes font partie d’une authentique démarche scientifique et justifient un travail obstiné de formation continue, autant le médecin doit se sentir assuré dans la mission que lui confie la collectivité au service des personnes comme de la santé publique.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas rester passifs : nous devons dénoncer solennellement cette opération de disqualification et nous engager dans un combat sans ambiguïté et sans crainte aux fins de préserver le ressort même de notre fonction soignante, comme art et comme science. Il ne s’agit pas ici d’une défense catégorielle mais bien d’un devoir éthique que chacun de nos patients attend de nous.

Appel lancé à l’occasion de l’Assemblée Générale du S.N.P.P. (Syndicat national des psychiatres privés), le 3 décembre 1995, et proposé à la signature de l’ensemble des médecins français.

Recueillez les noms, adresses, qualifications et signatures et faites les parvenir au S.N.P.P., 59 rue de la Fontaine au Roi à Paris 75011. tel : 43 38 18 41 - fax : 40.21.91.83.

Les contributions financières de soutien pour la diffusion de l’Appel seront libellées provisoirement à l’ordre du S.N.P.P.

500 signataires à ce jour.


Retour au sommaire - BIPP n° 7 - Janvier 1996