Compte rendu de l'A.G. de la CSMF

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 7 - Janvier 1996

Le S.N.P.P., rappelons le, est membre de la C.S.M.F., ce qui ne signifie pas pour autant qu’il adopte sans critique toutes les positions de cette organisation. S’il importe, dans une conjoncture dramatique, de se souder au mieux dans l’action, il est tout aussi important de faire entendre démocratiquement le point de vue des psychiatres qui, de par leur attention à la dimension relationnelle de l’acte médical, proposent des analyses dont l’expérience à souvent montré leur valeur anticipatrice.
Le 9 décembre la C.S.M.F. tenait une A.G. extraordinaire préparatoire à la manifestation du 17 décembre à laquelle nous avons participé sur le mot d’ordre unique «non au rationnement des soins». Jean-Jacques Laboutière nous y représentait et en relate ci-après les temps forts, ainsi que ceux de la réunion de l’union des médecins spécialistes confédérés (U.ME.SPE.) qui a suivi.

Analyse du «Plan Juppé»

Pour ce qui est actuellement connu du projet, les points inacceptables selon la CSMF sont les suivants :

- mise en place d’un taux directeur opposable avec sanctions collectives.

- taxations des médecins libéraux :

* suppression de l’exonération partielle des cotisations d’allocations familiales pour le secteur 1;

* affiliation à la CNAMTS pour le secteur 2;

* contribution à un fonds d’informatisation, à raison de 1 F par feuille de soins pour les médecins, et de 0,50 F pour tous les autres professionnels de santé.

- passage de la FMC, désormais obligatoire, sous contrôle de l’État.

En outre, les RMO seraient dorénavant exclues de l’avenant conventionnel, de sorte que, en cas d’impossibilité de parvenir à un accord conventionnel, elles pourront être décrétées par le ministère, après avis de la CNAM.

La CSMF considère que, à terme, la maîtrise budgétaire des dépenses de santé entraînera un rationnement des soins. S’il est vrai que les dépenses de santé doivent être maîtrisées, elles ne peuvent l’être que sur le fondement d’arguments médicaux et non pas uniquement au nom de contraintes budgétaires. La maîtrise médico-économique, proposée par la CSMF et fondement de la convention de 1993, permet cette régulation des dépenses, ainsi que l’ont montré les résultats observés en 1994 et 1995. La supposée dérive observée en 1995 n’est pas tant liée à un dérapage des prescriptions qu’à la campagne de vaccination contre l’hépatite B et à une augmentation du prix des médicaments négociée directement entre l’État et l’industrie pharmaceutique.

Actions à entreprendre

Claude Maffioli encourage l’ensemble du corps médical à se mobiliser pour lutter contre les mesures annoncées dans le «Plan Juppé».

Au niveau de chaque région :

Des articles doivent être insérées dans la presse locale, alertant la population sur les dangers du rationnement des soins : listes d’attentes pour accéder à certains soins, le fait qu’on pourrait ne plus soigner certaines pathologies en fonction de critères d’âge comme c’est actuellement le cas en Angleterre ou au Danemark, et surtout le risque d’une médecine à deux vitesses. Par ailleurs la pression auprès des députés et sénateurs doit être maintenue partout où cela est possible. Enfin la différence de traitement des budgets hospitaliers (qui évoluent sans mesure) et libéraux doit être clairement dénoncée.

Au niveau national

La CSMF a annoncé une journée d’action nationale le 17 décembre, conjointement avec la FMF et le SML. Cette journée sera l’occasion d’une manifestation des médecins et des usagers de la Sécurité sociale à Paris. Le but de cette manifestation est de dénoncer le risque de rationnement des soins.

De nombreux départements sont néanmoins réservés quant à la manifestation redoutant l’amalgame qui pourrait en être fait avec des revendications corporatistes. Ce manque de mobilisation est lié, selon la Confédération, au manque d’information des médecins de base sur le Plan Juppé. En outre, Claude Maffioli se dit conscient que nombre de médecins ont voté pour le président Chirac, et sont donc partagés entre leurs positions de citoyens et de médecins : il fustige véhémentement cette ambivalence du corps médical.

Cette manifestation aura lieu. Elle est le meilleur moyen de sensibiliser l’opinion au risque de rationnement des soins, à un moment où le danger politique majeur est que le gouvernement retire le «Plan Juppé» sous la pression de FO et de la CGT et n’en conserve que la réforme de l’assurance maladie, avec la maîtrise budgétaire, que personne ne contestera.

Compte-rendu de la réunion de l’U.ME.SPE. 10 Décembre 1995

Le «Plan Juppé» avait été rajouté à l’ordre du jour de la réunion ordinaire de l’U.ME.SPE. prévue le 10 décembre mais, en fait, il n’a été question que de cela. Claude Maffioli assistait exceptionnellement à cette réunion. En substance, il a repris le discours tenu la veille à l’assemblée générale.

Les représentants de chaque spécialité ont ensuite exprimé leurs préoccupations particulières face au plan Juppé. Sans entrer dans le détail des raisons de chaque discipline, toutes sont également inquiètes.

Par rapport à l’assemblée générale de la veille, quelques points méritent d’être notés :

- la Confédération rappelle qu’elle soutient fermement l’accès direct à toutes les spécialités. Le carnet médical est le garant de la coordination des soins et donc du libre accès. A ce titre il doit être inconditionnellement défendu par tous. Il faut qu’il prenne effet le plus vite possible, même si ce n’est qu’avec un codage partiel dans un premier temps.

- la Confédération se battra pour obtenir des sanctions individuelles si elle ne parvient pas à écarter la maîtrise budgétaire.

- les deux syndicats de psychiatres représentés à l’U.ME.SPE. (SPF et SNPP) se sont entendus pour parler d’une seule voix et rappeler les quatre points suivants :

* la nécessité du libre accès du patient au psychiatre;

* le problème que pose le carnet médical au regard de la confidentialité;

* la question de la formation continue, si spécifique qu’on ne la voit pas échapper à la profession;

* un rappel que nos revenus sont parmi les plus bas de tous les spécialistes.

Claude Maffioli s’est montré irrité par les «états d’âme» des psychiatres mais a néanmoins pris note du problème que leur pose le carnet médical au regard de la confidentialité. Il insiste cependant fermement pour que même ces derniers le soutiennent, ce carnet étant le seul garant du maintien du libre accès au spécialiste dans l’état actuel des choses. En outre, il est clair pour la CSMF que ce carnet ne contiendra aucune information «sensible» tant qu’il ne sera pas complètement informatisé, sous forme de carte à puce, avec des procédures d’accès à l’information hautement sécurisées.

Jean-Jacques LABOUTIERE.

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