Séminaire de printemps
Suicide : d'une violence, l'autre
Argument
Devant celui qui fait redouter le suicide sans rien en dire, l'évoque explicitement, ou vient d'en réchapper, le praticien est seul.
Seul en tant qu'homme. La question inquiétante du «pourquoi vivons-nous ?» est posée si crûment que nous risquons de ne pas l'entendre.
Seul en tant que soignant. La déconcertante interrogation se déploie : quel est le fondement de notre travail, son sens, quelle position adopter, quelle distance prendre ?
Dans cette «vertigineuse proximité de l'objet» qu'est la mort évoquée, convoquée, le praticien est confronté à la paradoxalité de sa double inscription : médecin psychiatre et psychothérapeute.
Médecin psychiatre, n'est-il pas tenté de répliquer par un activisme thérapeutique et nosographique, au risque de précipiter le sujet dans l'enfermement dialectique qu'il entretient avec la mort ? L'évaluation des facteurs de risque, la prévention des récidives, pourtant si nécessaires, ne sont-elles pas une forme atténuée, mais réelle, de mise à distance ?
Psychothérapeute, face à la dynamique qui agit le suicidaire, ne tente-t-il pas - et son savoir en perd connaissance - d'accomplir cette étrange mission qu'il s'est donnée : faire advenir de la parole, de la reconnaissance mutuelle, de la vie ?
Aujourd'hui, le suicide a pris rang parmi les malheurs statistiques : c'est un fléau, présupposant quelque maladie à éradiquer scientifiquement. Que les média donnent, enfin, au suicide la place que justifie son importance, n empêche pas de s'interroger sur la nature de cet engouement qui vient redoubler les planifications des pouvoirs publics.
Mais «un malheur collectif ne fera jamais la somme des tragédies individuelles» : celui qui crie son désir de rupture nous convoque, à son insu, à fonder cette relation si spécifique de notre pratique.