Séminaire de printemps

La responsabilité en question pour la justice et la psychiatrie

 

Pourquoi ce séminaire ?

Le monde psychiatrique et judiciaire est en émoi. Deux projets de Loi sont à l'étude au Ministère de la Justice, à la demande du Président de la République.

L'un concerne la possibilité d'enfermer pour des raisons médicales, au-delà de la condamnation judiciaire, les détenus pour crimes sexuels. L'autre vise à déplacer la dialectique responsabilité/irresponsabilité des malades mentaux ayant commis des crimes pour renforcer les sanctions pénales et civiles.

Ces démarches affichent une volonté des instances politiques au pouvoir de répondre à de rares affaires, amplifiées par les médias, qui mettent en avant le risque permanent de la folie et des déviances sexuelles et le peu d'attention accordée aux victimes.

La folie est stigmatisée, réduite à la dangerosité, et devant le peu de garantie qu'apporterait le psychiatre, ne pourrait donner lieu qu'à la mise à l'écart et la prison.

La préoccupation pour les victimes prend le pas sur toute autre considération, et la rénovation de la machine judiciaire est énoncée comme un préalable indispensable face à l'incompréhension ou l'ignorance dans lesquelles seraient cantonnées les victimes.

Une réflexion permanente sur l'adéquation des réponses et des dispositifs est sûrement salutaire dans une démocratie. Réagir sous la seule pression de l'émotion, avec le risque de leurrer les citoyens par une dérive démagogique illusoire et dangereuse, représente une grave menace pour tous les professionnels impliqués et plus largement chaque citoyen.

Si elles sont adoptées, les dispositions prévues par les textes remettent en cause certains fondements séculiers des textes de droit qui maintiennent et organisent notre fonctionnement social. Ils modifient radicalement les rapports de la psychiatrie avec la justice.

Ces projets de Loi questionnent la psychiatrie, pas seulement pour des questions d'éthique, mais sur sa responsabilité et les réponses fondamentales que doit apporter cette spécialité avec le risque d'une fonction limitée à la santé publique et à la régulation sociale.

La psychiatrie ne peut pas faire l'impasse sur cet enjeu même s'il se présente sous des formes répressives et sécuritaires. Réaffirmer la dimension et la nécessité des soins dans ces situations difficiles pourrait bien s'avérer comme un des derniers remparts pour éviter l'exclusion.

Les commentaires et les mises en garde ont été fort nombreux et nous avons pensé qu'il est indispensable que l'AFPEP organise une journée de réflexion et de débat sur ce thème à l'intention des psychiatres libéraux avec quelques intervenants majeurs sur ce sujet.

Argument

Dès son origine, la psychiatrie s'est confrontée à la question de la responsabilité : que ce soit Pinel séparant l'aliéné du criminel, Esquirol ou Ferrus œuvrant à poser la folie comme limite au droit ou, au quotidien, l'expert qui a à apprécier les questions de causalité et de déterminisme psychique. C'est dans cette dimension politique essentielle de pacification sociale que la psychiatrie a trouvé ces lettres de noblesse avant qu'elle ne cède à la critique qui, de sa position de conseillère de la justice, l'accusait d'en être auxiliaire.

La sécurité est devenue une priorité avec une mise en avant des victimes et leurs familles dans un mouvement général d'identification.

La souffrance devient l'élément premier qui court-circuite le débat démocratique et l'on assiste à une déferlante de lois avec une instrumentalisation de cette souffrance jusque sur un versant « thérapeutique ».

Poser aujourd'hui la question de la responsabilité nous confronte à apprécier ce que, de sa place, le psychiatre peut en apprendre et en juger, ce qui rejoint cette question délicate de ce qui mène un sujet, la nature d'un acte.

Face aux mutations actuelles de la question de la responsabilité, est-ce encore la question du libre arbitre qui centre les débats ou plutôt celle de la dangerosité ?

Notre époque vise une rationalité absolue. Même si cette démarche rationnelle est nécessaire à l'élaboration préalable à une décision, la responsabilité échappe au calcul. C'est dans le tranchant de l'engagement dans un acte qui porte à conséquence que vient se situer la pointe de la responsabilité.

C'est dans ce point « aveugle », d'incertitude que vient s'inscrire la décision qui y met fin.

Cette décision fait appel à la singularité du sujet et non à l'application d'une norme pré existante, protocolisée, réglementée, pas plus qu'uniquement le résultat d'une suite de causalités objectives.

Pleinement concernées par ces questions, la psychiatrie et la justice sont souvent associées, parfois avec insistance, comme facteur, outil d'une régulation sociale. Les lois et projets de loi en cours semblent par contre les disjoindre sur la notion d'irresponsabilité.

Quelles pourraient être désormais les conditions de l'irresponsabilité ? Quand pourra t-on dire qu'un sujet est dans l'incapacité de répondre de ses actes. Peut-on faire un lien entre l'effacement sinon la négation progressive de la folie comme composante de l'humanité et la dissolution de la responsabilité ?

En effet, si l'on ne peut définir l'irresponsabilité, comment fixer une limite à ce qui est de l'ordre de la responsabilité ? Comment l'organisation sociale soutient-elle cette question de la responsabilité ?