Déremboursement du Lysanxia 40

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Communiqué du Syndicat National des Psychiatres Privés du 12 février 1998

C’est d’abord par la grande presse que les praticiens, et les psychiatres avec eux, ont appris la décision ministérielle de supprimer le remboursement du Lysanxia 40, avec comme raison avancée par le Comité économique du médicament le constat de prescriptions à des doses supérieures à celles préconisées par l’A.M.M. dans 25 % des cas, entraînant «une surconsommation… qui comporte des risques pour la santé publique» et se traduisant «par des dépenses injustifiées pour l’assurance maladie».

Nous passerons sur la méthode qui fait des prescripteurs les derniers informés de la mesure dont on a attendu apparemment un effet choc, à portée dissuasive, sur le public.

Le S.N.P.P. souligne par contre que la profession, à quelque niveau que ce soit, n’a pas été préalablement saisie du problème avancé, au moins pour avis, au mieux pour concertation sur les mesures à adopter pour correction éventuelle des modalités prescriptives.

Mais surtout, le S.N.P.P. est frappé par la nature de la décision prise. De deux choses l’une :

• ou bien il est démontré que la forme galénique incriminée est dangereuse, et dans ce cas elle doit être purement et simplement retirée de la pharmacopée (ce qui est arrivé pour d’autres molécules);

• ou bien elle ne l’est pas en soi, mais ferait l’objet d’un mésusage (ce qui doit être prouvé en tant que réalité clinique et pas seulement comme infraction réglementaire) : l’autorité sanitaire dispose alors de tout un arsenal pour rectifier ce mésusage, depuis l’information jusqu’à l’arsenal répressif mis en place en particulier depuis les Ordonnances de 1996 en passant par la vérification des prescriptions par les pharmaciens qui délivrent le produit.

Or l’autorité de tutelle n’a adopté ni l’une ni l’autre de ces démarches mais a engagé une mesure purement économique de déremboursement, pénalisant en principe les seuls malades, ce qui ne règle ni la question de la santé publique, ni celle des dépenses de l’Assurance Maladie (en l’occurrence et pour le cas particulier infimes) – à moins que, comme on le laisse entendre, cela ne prélude à une attaque plus généralisée contre les anxiolytiques, voire les psychotropes en général, qui les ramènerait de fait au statut de «médicaments de confort».

L’incohérence va plus loin puisque le remboursement est maintenu pour la prescription hospitalière (collectivités) alors même qu’elle est souvent très lourde, pour des raisons au demeurant cliniquement justifiables.

De nombreux psychiatres de ville se sont montrés choqués, quant à eux, par une décision qu’ils estiment non seulement absurde mais aveugle. Ils ne sont pour leur part, rappelons-le, responsables que de 20 % de la prescription des psychotropes. Mais les malades qu’ils ont en charge présentent souvent des difficultés psychiques sévères qui exigent qu’ils puissent, en toute connaissance de cause, disposer de toutes les ressources pharmacologiques en fonction des besoins, avec prudence mais avec efficacité. Ils ne souhaitent pas a priori l’application de mesures discriminatoires en matière de prescriptions, mais exigent en tant que spécialistes d’accéder pour leurs malades à tous les moyens thérapeutiques disponibles, au même titre que le secteur hospitalier.

Cela étant le S.N.P.P. est prêt à participer à tous les travaux épidémiologiques nécessaires, notamment en matière de prescriptions.

Rappelons, pour finir, à quel point la mesure adoptée est dérisoire : en effet, s’il existe en tant que tel, le mésusage est vraisemblablement le fait de malades dépendants qui ne se laisseront certainement pas dissuader par un coût ici relativement faible, pas plus qu’on ne les empêchera de consommer en excès des formes galéniques plus faiblement dosées mais cumulables !

La psychiatrie, depuis 45 ans, a fait de considérables progrès du fait même de l’apparition et de la diversification des psychotropes. Il est inconcevable de traiter aujourd’hui de leur utilisation avec superficialité et inconséquence, a fortiori en ne ramenant celle-ci qu’à une problématique comptable.


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