"Soin en santé mentale" ou psychiatrie ?

Antoine Besse
Retour au sommaire - BIPP n° 27 - Novembre 2000

La psychiatrie est actuellement une des disciplines médicales les plus menacées et en même temps toujours plus indispensable au sein d'une société en pleine mutation où des citoyens souffrent d'exclusion, de handicaps mentaux, de troubles mentaux toujours aussi graves et difficiles à soigner en respectant le sujet souffrant.

En plus de ses traditionnelles missions s'ajoutent de nouvelles missions avec des priorités (périnatalité, adolescents et jeunes adultes, personnes âgées) qui vont demander aux psychiatres libéraux, salariés (du secteur sanitaire et médico-social) et des cliniques privées autant d'innovations, de coordination nouvelle et d'adaptation que depuis ces trente dernières années où la discipline, après être née de la séparation avec la neurologie, a trouvé son développement original et enfin reconnu.

Actuellement, nous devons affronter un paradoxe :

- D'un côté la psychiatrie est reconnue quand la D.G.S. et son nouveau directeur le Professeur Lucien ABENHAIM propose au dernier Conseil Consultatif de Santé Mentale (le 25 septembre 2000) à tous les acteurs du dispositif de soin en Santé Mentale (nouvelle appellation de la "Psychiatrie" ?) de nous coordonner. Il appelle une appréhension plus globale de toutes les parties du dispositif de soin en vue de surmonter les clivages public/privé et d'assurer des passerelles (réseaux de soins) entre praticiens, en appelant à la rescousse les professions libérales ambulatoires.

- De l'autre, elle reste méconnue, voire encore déniée ces dernières années, dans le secteur médico-social. Lorsque la Direction de l'Action Sociale vient de nommer pour la première fois une responsable au handicap mental, peut-on y voir la reconnaissance du fait psychique ? Cela représente-t'il un début de reconnaissance au côté des handicaps sensoriels et moteurs (toujours plus avantagés auparavant). Mais parallèlement, un projet de révision de la Loi de 75 actuellement en cours d'élaboration n'évoque à aucun moment la place des psychiatres (ils ont moins de place que les personnels techniques les plus humbles au Conseil d'Administration des établissements ?).

A cela s'ajoute la chute démographique des psychiatres que nous dénonçons avec l'ensemble des psychiatres publics, privés, universitaires (au sein du C.A.S.P.).

Nous devons donc lutter sur plusieurs plans :

- D'abord rappeler les valeurs qui sous-tendent notre pratique d'exercice privé en cabinet, en institution, en clinique privée.

- Montrer notre modernité par nos publications, nos Journées et séminaires rendant compte de nos pratiques indépendantes, individualisées, accessibles aux patients, ceux-ci ayant le libre choix, fortement liée à l'apport de la psychanalyse à la psychiatrie mais sans exclusive.

- Dans le même temps, réfléchir à l'évolution en cours de notre pratique lorsque les situations particulières nous amènent à une transversalité entre praticien, dans la liberté d'initiative et l'intelligence des situations, afin d'éviter les solutions en force… Le réseau doit renforcer le lien social et non le contrôle social ! Sa souplesse actuelle ne doit pas être supplantée par des formes de partenariat rigides et administrées.

- Pour ceux des praticiens libéraux ayant acquis des compétences aux techniques de dynamique de groupe, de thérapie de couple ou familial ainsi qu'aux médiations et évaluations de couple, il nous faut élaborer des propositions à la CNAM pour permettre le financement viable de ces nouvelles modalités d'exercice en cabinet libéral. Chacun doit pouvoir recevoir un couple, une famille, un groupe de patients alcoolodépendant, un psychodrame, en co-thérapie ou pas.

Actuellement les instances tutélaires (CNAM) attendent des propositions pour éviter les nombreux contentieux de ces dernières années dans les régions touchant des praticiens isolés et livrés à la réglementation formaliste et aveugle.

Notre syndicat va donc accepter les propositions de nous consulter de la DGS dans le Groupe II sur les "recommandations et adaptations des métiers en Santé Mentale".

Nous allons reprendre les contacts avec les médecins-conseil nationaux de la CNAM sur le métier de psychiatre.

Nous avons de nombreux représentants dans les Unions Régionales des Médecins Libéraux. Ces derniers auront à cœur de faire valoir les revendications du S.N.P.P.

Pour l'exercice salarié, nous allons rencontrer la nouvelle directrice de l'Action Sociale, Madame LEGER en vue d'appliquer aux psychiatres de la CCNT 66, l'avenant 265 concernant les cadres et permettre aux psychiatres salariés du secteur médico-social d'avoir les avantages à parité égale des praticiens hospitaliers publics et des psychiatres salariés de la CCN 51 (secteur sanitaire). Ainsi, en rendant attractif ce secteur, nous limitons le déclin démographique en cours et résisterons au déni de la dimension institutionnelle du soin dans les établissements médico-sociaux. Cela maintenant, les syndicats d'employeurs l'ont bien compris et nous soutiennent, sachant bien que la qualité des soins dépend de la présence effective et suffisante des psychiatres dans leurs établissements. La contribution de l'Assurance Maladie à la gestion de ce secteur pourrait à terme être remise en question. L'avaient-ils oublié ?

Il reste à chaque psychiatre salarié de faire entendre sa voix dans son institution.

Nous restons à la disposition de chacun pour l'aider à défendre son indépendance et son éthique de soin partout où elle serait menacée ou maltraitée (cf. PSYCHIATRIES n° 130-131 mai 2000 "La responsabilité maltraitée").

Le C.A.S.P. a déjà contribué à s'emparer de ces questions où nous apparaissons aux différents Ministères unis dans une défense de notre discipline toujours à recommencer.

De même pour la difficile question du PMSI dans les cliniques privées, nous avons proposé une résolution très déterminée aux autres syndicats de psychiatres qui nous ont ensuite rejoints.

Antoine BESSE


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