Brèves : arrêté du 3 août 2000

Martine Burdet-Dubuc
Retour au sommaire - BIPP n° 27 - Novembre 2000

"Les médecins sont tenus de mentionner... les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption de travail ".

À la lecture de cet arrêt… reçu par la poste le 2 octobre, on se demande : quelles complications les services administratifs vont-ils chercher ?

Certes les nouveaux modèles d’arrêts de travail joints à l’envoi de cette lettre montrent que la feuille sur laquelle doit figurer le diagnostic (si j’ai bien compris c’est de cela dont il s’agit puisque sur les anciennes feuilles en bas de page sous l’indication MOTIF MÉDICAL, il était écrit : … l’indication d’un diagnostic n’est pas obligatoire) doit être envoyée au service médical avec l’enveloppe standardisée "Monsieur le Médecin Conseil", afin, y est-il mentionné "de préserver le secret médical".

Mais sommes-nous encore soupçonnés de malversations ? D’irrégularités dans notre travail ?

Ou bien l’œil du médecin conseil, chargé dorénavant de l’efficacité de la gestion de son centre va-t-il détecter, tel Big Brother, les diagnostics incertains, les complaisances sans consistance, des arrêts qui ne nécessitent pas de remboursement ?

Quel est l’intérêt de cette nouvelle forme de contrôle ? Surveiller et punir ?

L’importante énergie employée à faire du neuf, puisque la lettre nous informe qu’à la réception des nouvelles feuilles il faudra jeter les anciennes (au diable l’avarice), et la répétition signifiante de cet irréductible acharnement à détruire nos outils de travail habituels, doit certainement couvrir des conceptions nouvelles des maladies et de leurs traitements, ce que nous ignorons encore !

Comme j’ai hâte de comprendre ce que je dois penser du cadre épuisé auquel on demande de travailler le dimanche pour que son entreprise puisse tenir dans la compétition acharnée à laquelle se livrent la plupart des entreprises, des employés dépressifs auxquels on demande de ne plus réfléchir pour exécuter plus rapidement les consignes données, ou de ceux qui sont angoissés, isolés, rivés à leur poste et tenus de faire figurer sur leur ordinateur les pauses pipi de la journée !!

A quoi sert donc ce travail, celui que nous devons parfois suspendre pour leur santé, c’est là une réflexion à laquelle je me livre avec eux : sert-il à améliorer leurs conditions de vie ? à leur garantir un avenir plus serein ? à se sentir utiles aux autres ? à aider l’environnement humain à progresser ?

À cela ils me répondent, débonnaires qu’ils lisent les journaux et savent que marche ou crève est la nouvelle devise pour cette économie nouvelle, ... que l’avenir est pollué, qu’ils sont nombreux à se sentir déboussolés…

Georges Orwell l’avait écrit, la grande économie est lancée, il ne faut pas l’arrêter... et interdit de faire des arrêts sans motifs médicaux labellisés, car nous ne sommes que des médecins après tout !!!

Martine Burdet-Dubuc

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