Le métier de psychiatre

Antoine Besse
Retour au sommaire - BIPP n° 30 - Juin 2001

Alors même qu’ils prétendent moderniser la médecine en mettant le malade, avec la casquette d’usager, au centre du système de soins, nos gouvernants semblent méconnaître aussi bien la maladie mentale que le métier de psychiatre. C’est bien pourquoi l’A.F.P.E.P.-S.N.P.P. poursuit son travail d’explication et son combat pour défendre :

  • - le libre accès du patient au psychiatre ;

  • - l’indépendance du praticien et l’unicité de son acte ;

  • - l’indépendance de sa F.M.C. basée sur l’inter-formation.

Quatre questions, essentielles à nos yeux, sont soulevées par ce projet de loi.

La première concerne une impossibilité de fait : on nous prive des moyens en temps et en nombre de psychiatres quand la demande croît ; par là on menace le patient d’une baisse de la qualité des soins.

La deuxième concerne le risque de disqualification de notre pratique au profit de personnels moins bien formés. Or la qualité même des soins dépend de la singularité de notre formation à la psychopathologie. Dès lors, défendre nos pratiques psychothérapiques en cabinet ou en clinique, c’est aussi défendre les acquis scientifiques et théoriques qui les fondent.

La troisième est liée à la notion de transparence : rendre exigible l’accès direct du patient à son dossier, c’est dénier l’intimité des échanges de parole qui constitue la première des conditions de possibilité de notre métier. On nous rétorque que nous manquerions d’une culture de santé publique : serait-ce la pratique libérale qu’on viserait là ? Or, libéral ou pas, c’est d’être privé que l’espace de soins peut s’avérer thérapeutique : c’est là que le patient peut se sentir suffisamment en sécurité pour dire sa souffrance en lien avec sa vie privée, son histoire familiale, son secret depuis toujours enfoui.

Mais confidentialité ne veut pas dire méconnaissance du social. Si le psychiatre est apparemment "antisocial", c’est en ceci qu’il permet au patient d’affirmer ce qui du social interdit ou exclue sa souffrance. Pour autant l’éthique du psychiatre est de ne jamais pactiser avec la maladie mentale. Si son rapport au social n’est pas direct (il ne peut privilégier la bienséance ou la bonne conduite de son patient sans risquer le pire), il est d’autant plus évident secondairement : il s’agit de permettre au patient un lien social qui tienne.

La quatrième question est liée à la précédente, elle porte sur la spécificité de notre discipline au sein de la médecine. Si le politique nous veut plus rentable et efficace, le scientifique lui désespère de nous voir plus attachés aux données de la neurotransmission, et l’épidémiologiste nous presse d’utiliser de multiples échelles de recueil d’observations. Pourtant, en psychiatrie, l’hyper-technicité n’est pas de mise. Le social est de lui-même une force d’exclusion, nous n’avons pas à y ajouter une déshumanisation des pratiques thérapeutiques. Si nous sommes plus du côté du sujet que de la randomisation, ce n’est pas là mépris des progrès de la méthode en médecine, c’est dû à l’objet de notre clinique : à partir de symptômes faire advenir un sujet, sans jamais oublier les conséquences sociales des troubles.

Ces questions, l’expérience quotidienne que nous en avons, l’élaboration pratique et théorique que nous pouvons en faire, c’est tout cela dont nous nous proposons de débattre lors de nos prochaines Journées Nationales prévues à Lorient du 4 au 7 octobre 2001, sur le thème "Le métier de psychiatre". Nous pensons ces Journées propres à nous rassembler sinon à faire bloc, et vous invitons, cher confrère, à bien vouloir vous y joindre. Vous trouverez en annexe le programme avec le détail des interventions en séances plénières et les différents ateliers que nous avons ouverts et pour lesquels nous recueillons toujours les propositions de communication de ceux d'entre vous qui souhaitent bénéficier de cette opportunité pour faire partager et discuter leur réflexion.

Antoine BESSE


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