Le "G7" : vers une nouvelle convention ?

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 30 - Juin 2001

Depuis 1997, les médecins spécialistes se trouvent dans une situation de vide conventionnel et leurs rapports avec les caisses d’assurance maladie sont régis par le "règlement conventionnel minimum". Cette situation est source de contraintes dont on ne mesure peut-être pas toujours pleinement les effets. Ce sont d’abord les instances conventionnelles – telles que la Commission Consultative Paritaire Locale et le Comité Médical Paritaire Local – qui ne siègent plus, de sorte que certains litiges opposant les praticiens aux caisses ne peuvent plus être traités de manière paritaire, c’est-à-dire en laissant les syndicats s’exprimer pour la défense des collègues. Mais, d’autre part et surtout, ce vide conventionnel nous soumet de fait au pouvoir administratif qui, par la simple promulgation d’un arrêté, peut nous imposer toute contrainte supplémentaire qu’il lui plaira, et ceci sans aucune possibilité de négociation ni de recours. L’arrêté du 12 août 1999, qui a ajouté au règlement minimum conventionnel l’obligation de la télétransmission aux médecins spécialistes en est un exemple très illustratif.

Certes, il vaut mieux ne pas avoir de convention qu’une convention inacceptable. Toutefois chacun comprend aussi que l’absence de convention muselle la profession puisque, tous les mécanismes du paritarisme étant mis hors jeu, nos représentations professionnelles ne disposent plus d’aucun pouvoir, ni même d’aucun espace d’expression. Dans l’intérêt de tous, sauf à renoncer définitivement au système conventionnel, il est donc souhaitable de parvenir à sortir de cette situation.

C’est l’objectif que se sont donné sept syndicats représentant les médecins et les salariés. Ces sept syndicats, regroupés sous la dénomination de "G7", ont publié il y a quelques semaines un rapport qui pourrait être le socle d’une nouvelle convention médicale. Ces syndicats sont, pour les salariés, la CGT, FO, la CFTC et la CFE-CGC ; pour les médecins la CSMF, le SML et la FMF1.

Le Conseil d’Administration du SNPP, réuni le 17 juin dernier, a étudié en détail ce rapport du "G7" et, après en avoir débattu, a décidé de le soutenir. Nous exposerons ici les principales raisons de cette décision.

Avant toutes choses, notre Conseil d’Administration a pris acte que ce projet ne constitue qu’une base de discussion et ne doit en aucun cas être considéré comme un document abouti. Dès sa publication, une très large consultation a été lancée auprès des syndicats de spécialistes afin qu’ils fassent part de leurs remarques. C’est sans doute la première fois qu’une telle démarche est organisée avant de finaliser un projet de convention médicale et nous ne pouvons que la saluer.

Un autre constat tout aussi déterminant pour notre Conseil d’Administration est le fait que le projet du "G7" vise à restaurer le paritarisme, largement mis à mal depuis plusieurs années par l’ingérence répétée des gouvernements successifs dans les négociations conventionnelles ; au-delà, il s’agit donc clairement de sauver la Sécurité Sociale. Chacun sait que le SNPP s’est toujours montré résolument hostile à la privatisation de l’assurance maladie, considérant que les assurances privées pourraient fort bien pratiquer une sélection des risques excluant certains de nos patients du remboursement des soins, qu’il s’agisse des psychopathologies les plus lourdes comme des états relevant de la souffrance psychique. La socialisation de l’assurance maladie au fondement de la Sécurité sociale reste donc pour nous la meilleure garantie de prise en charge des soins, notamment pour les patients les plus gravement atteints, qui sont souvent aussi les plus démunis du fait du handicap lié aux pathologies en cause et de leur chronicité.

La troisième observation à l’origine de notre soutien à ce projet est que l’acte intellectuel est enfin remis à la place centrale qu’il doit occuper parmi les actes médicaux. La volonté de revaloriser significativement l’acte de consultation organise tout ce rapport et l’accent est mis sans aucune ambiguïté sur le fait qu’une médecine de qualité suppose avant tout un retour à la clinique. La consultation retrouve donc dans ce projet l’importance qu’elle n’aurait jamais dû perdre dans la hiérarchie des actes médicaux et l’ensemble des propositions vise à donner aux praticiens les moyens de s’y consacrer dans les meilleures conditions possibles. Il n’est pas jusqu’à l’importance de la relation médecin-malade qui ne soit soulignée dans ce texte. Peut-être pouvons-nous y entendre un effet du travail que les psychiatres, comme les autres spécialités cliniques, ont réalisé au cours des dernières années au sein de la Confédération. Quoi qu’il en soit, il serait pour le moins incohérent de ne pas soutenir un projet de convention qui cherche résolument à revaloriser l’acte intellectuel au regard des actes techniques.

Enfin, le dernier motif de l’adhésion de notre Conseil d’Administration à ce projet est constitué par le fait qu’il répond à une revendication ancienne du SNPP. En effet, bien qu’il propose une convention unique pour les généralistes et les spécialistes – ce qui est sans aucun doute souhaitable quand on prend la mesure des méfaits des conventions séparées que nous connaissons depuis quelques années – le projet du "G7" intègre la possibilité de volets spécifiques pour certaines spécialités, ce que nous réclamons depuis longtemps. Ici encore, nous avons donc le sentiment d’avoir été entendus, et nous comptons bien, à notre tour, faire reconnaître les dispositions spécifiques indispensables à l’exercice d’une psychiatrie de qualité dans un cadre conventionnel rénové et qui pourra néanmoins rester commun à tous les médecins.

De surcroît, cette possibilité d’obtenir des dispositions spécifiques spécialité par spécialité permet d’envisager avec plus de sérénité d’autres propositions du "G7" qui pourraient heurter de prime abord.

Ainsi en va-t-il de l’évaluation des pratiques. Le SNPP a toujours été résolument opposé à l’idée d’une évaluation normative qui viendrait stériliser nos pratiques. Cependant, nous avons parallèlement toujours soutenu qu’un psychiatre doit être en mesure de rendre compte de sa pratique à ses pairs. La plus grande vigilance sera évidemment de rigueur sur cette question de l’évaluation, mais, dès lors que cette évaluation sera bien fondée sur le principe qu’un psychiatre rende compte de sa pratique à un autre psychiatre reconnu compétent pour en juger, nous ne voyons aucune objection de fond au principe de l’évaluation. En revanche, nous ferons preuve de la plus ferme opposition s’il était question, sous couvert d’évaluation, de nous imposer des procédures thérapeutiques standardisées, et d’autant plus que ces dernières seraient élaborées par des organismes auxquels nous ne reconnaîtrions pas de légitimité à le faire.

Un autre point qui ne manquera pas de soulever de larges débats concerne la remise en cause de la liberté d’installation. Le rapport du "G7" propose en effet que le conventionnement des futurs médecins soit subordonné à une installation dans des zones géographiques où des besoins auraient été identifiés. Un recensement des besoins devrait donc être réalisé, tant au niveau régional que national, et il est proposé de créer un observatoire de la démographie médicale qui décidera des régions dans lesquelles de nouvelles installations seront possibles. Cette régulation de l’installation en libéral, qui avait été déjà proposée dans le Plan Johanet au printemps 1999, sera sans aucun doute l’une des mesures les plus contestées de ce projet. Elle ne devrait cependant s’appliquer que dans un avenir assez lointain, puisque le "G7" demande qu’elle ne soit mise en œuvre que pour les étudiants qui commenceront leurs études de médecine après l’institution de cette mesure, afin que les futurs médecins sachent à quoi s’en tenir dès le début de leurs études. Les médecins actuellement conventionnés, de même que les étudiants actuellement en cours de formation, conserveraient donc la liberté d’installation que propose le système actuel.

Le "G7" propose également l’abandon du secteur II. Les praticiens qui en bénéficient actuellement auraient la possibilité de le conserver mais il serait créé un secteur unique, substantiellement revalorisé, offrant aux patients un ticket modérateur réduit à 10 % au lieu des 35 % actuels. Cet abandon du secteur II ne devrait pas être trop problématique pour les psychiatres libéraux, dont on sait qu’ils sont la spécialité la plus largement conventionnée en secteur I. En outre, nous rappelons que le SNPP s’était violemment opposé à la création du secteur II, considérant qu’il consacrait le principe d’une médecine à deux vitesses. Les revalorisations d’honoraires envisagées dans le cadre de ce nouveau secteur unique sont extrêmement importantes puisqu’il serait question, pour la consultation du généraliste, de la porter à 30 Euros. Nous avons déjà fait savoir que, dans ces conditions, la consultation du psychiatre ne devrait pas être honorée à moins de 70 Euros (pour mémoire, l’honoraire actuel correspond à 34,30 Euros).

Enfin, le dernier point litigieux concerne le travail en réseau, avec le thème récurent du dossier informatique commun, partagé entre tous les professionnels de santé. Ici encore, il faudra faire preuve de la plus grande vigilance et c’est sur ce point que la possibilité d’obtenir des dispositions spécifiques à l’exercice de notre discipline devra être exigée afin que toutes les garanties de confidentialité soient préservées pour nos patients.

En conclusion, et sans doute faut-il le rappeler encore avec insistance, ce projet du "G7" n’est qu’un ensemble de propositions qui ouvrent un débat. Notre Conseil d’Administration a jugé que les grandes orientations de ce projet sont conformes aux directions politiques que le SNPP a toujours soutenues : défense de la socialisation de l’assurance maladie et du paritarisme conventionnel, libre accès des patients aux spécialistes, valorisation de l’acte intellectuel et promotion d’une médecine de qualité.

Notre adhésion à ces principes fondamentaux n’est cependant pas sans réserve et, si nous nous félicitons de la possibilité offerte par ce projet d’introduire des dispositions spécifiques à certains exercices, c’est bien pour faire valoir les spécificités techniques propres à notre exercice que nous martelons depuis plusieurs années : unicité de l’acte psychiatrique, FMC spécifique fondée avant tout sur l’interformation, et respect de la confidentialité, outre le libre accès du patient au psychiatre de son choix qui n’est pas contesté dans ce projet.

Le débat est donc ouvert. N’hésitez pas pour votre part à nous faire part de vos réactions. Pour ceux qui souhaiteraient le consulter, le texte intégral du rapport du "G7" est disponible sur notre site Internet.

Jean-Jacques LABOUTIÈRE

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