Que penser du rapport Couty ?
Nos collègues du service public l'ont déjà abondamment commenté pour dénoncer fort justement la dégradation du secteur et de la continuité des soins.
Le pilier de la réforme proposée par la commission, ou plus exactement son président, réside dans la constitution des GLC (Groupements Locaux de Coopération) qui visent à optimiser les services de premier recours.
C'est bien sûr à ce niveau que la pratique libérale de cabinet peut être engagée.
Ce rapport part d'un principe qui n'est pas clairement nommé mais néanmoins omniprésent.
L'inadéquation de la réponse à la demande avec une interrogation sur l'accès aux soins quand il s'agit de la souffrance psychique et de ses particularités.
Pour y répondre, une carte joker, le GLC.
La création des GLC obéit à la logique de rassembler le secteur public et le secteur privé dans une tentative d'assemblage de ce qui fait la spécificité de chaque cadre d'exercice pour aboutir à la création d'une entité hybride cumulant les avantages. Cette création aboutit en fait à dénaturer ce qui fait nos spécificités dans l'ignorance profonde de ce que sont les ressorts de nos pratiques et de nos engagements.
Pourquoi créer des GLC quand la réponse pourrait être un renforcement du secteur et une reconnaissance de son action extra-hospitalière ? Pourquoi ne pas valoriser le travail des psychiatres libéraux déjà très engagés dans le suivi des patients en ambulatoire, au contact des multiples intervenants cités ?
La réponse est bien sûr dans la tentative d'assujettissement de la psychiatrie à la santé mentale. Ces GLC seraient pilotés par des directeurs administratifs mis en place par le directeur de l'ARS.
C'est l'autonomie du psychiatre, qu'il soit public ou privé qui est devenue insupportable au décideur, désireux de le mettre sous tutelle. Sous couvert d'un renforcement des échanges avec les autres partenaires du tissu social, c'est bien sûr l'injonction de soins que nous devons redouter. Il est parfois tellement plus aisé de renvoyer le sujet souffrant à sa seule responsabilité dans la souffrance plutôt que de mettre en œuvre des dispositions adéquates extérieures, souvent beaucoup plus coûteuses.
Nous retrouvons là l'orientation générale de la loi HPST qui vise à ramener le médecin au rôle d'exécutant d'orientations définies ailleurs, et surtout ailleurs que dans la relation au patient.
Ce débat n'est pas nouveau, la menace est connue et nous l'avons déjà dénoncée à maintes reprises.
Le rapport Couty pourrait constituer une étape nouvelle en concordance avec la loi HPST (on y retrouve le même terme de Contrat Santé Solidarité à propos des questions démographiques).
Bien sûr on nous rétorquera que tout ça n'est pas opposable, que le contour et les champs d'application sont encore très flous, mais à terme le psychiatre libéral pourra-t-il continuer d'exercer en cabinet sans participer, dans une proportion qui reste à définir, à ces futurs GLC ?
Nous rappellerons aussi pour mémoire que les psychiatres libéraux travaillent déjà très largement en dehors de leur cabinet, qu'il s'agisse d'un exercice mixte PH temps partiel/cabinet libéral, ou d'un exercice à temps partiel dans le secteur médico-social. Comment imaginer imposer à ces mêmes psychiatres d'abandonner encore un peu plus leur cabinet pour ces structures nouvelles, ou en tout cas d'y exercer leur activité sous leur contrôle ?
Le chapitre sur la recherche mérite aussi une étude approfondie. S'il se limite à l'énoncé de grands principes balayant tout le champ de la psychiatrie, obéissant au projet louable de faire évoluer notre discipline, ce sont avant tout les recherches épidémiologiques et évaluatives qui pourraient être promues avec le risque de faire évoluer notre pratique au regard de ces considérations.
Maintenant il ne s'agit pour le moment que d'un énième rapport, mais nous devrons suivre avec beaucoup d'attention l'élaboration par le ministère de la loi sur la psychiatrie prévueavant l'été prochain.
Nos interventions auront pour but de rappeler ce qui est du ressort du soin et les conditions optimales pour délivrer des soins de qualité, et notamment l'indépendance professionnelle.
Pour ce qu'il en est de l'accès aux soins et des relations avec nos collègues, notamment généralistes, cela relève des dispositifs conventionnels et nous continuerons pour notre part à réclamer un accès spécifique total pour la psychiatrie.
Lorient