Perplexité d'un psychiatre d'exercice privé à la lecture du rapport Couty

Michel Marchand
Retour au sommaire - BIPP n° 54 - Mars 2009

Que penser à la lecture du rapport Couty, rapport censé être la litière de la très prochaine loi sur la psychiatrie, elle-même étant à considérer comme un sous-ensemble de la future loi Hospitalisation-Patients-Santé- Territoires (HPST) ?

Après un constat de la situation présente de la psychiatrie, de la répartition inégale et de la démographie alarmante des psychiatres au regard de l'augmentation de la prévalence des pathologies psychiatriques, il est fait bien peu de cas de l'exercice privé, sauf à laisser croire à une évasion du secteur public vers le secteur privé.

Quel usage a-t-il été fait de l'audition et des textes solides de l'AFPEP-SNPP qui ont été versés au débat (cf. notre dernier numéro du BIPP) ?

Il est avant tout proposé un système d'organisation territoriale de la "santé mentale", placé sous l'égide de la toute puissance conférée aux futures Agences Régionales de Santé (ARS), organe du Ministère de la Santé.

Ainsi verraient le jour des Groupes Locaux de Coopération (GLC : habituez-vous aux nouveaux sigles après les HAS, ARS, DMP, VAP, PDS, HPST, MPC, MCS - est-ce une histoire de TOCs ?). Ceux-ci auraient une identité juridique, avec une mission contractualisée avec les ARS, pour organiser les modalités de prise en charge des soins, y compris la permanence des soins, impliquant - de quelle façon ? - les psychiatres d'exercice privé, au côté des généralistes et des psychiatres publics.

La reconnaissance de la spécificité de la psychiatrie y est explicite ainsi que l'accès aux soins, la psychiatrie ne pouvant être renvoyée à une organisation commune de l'offre de soins.

Mais cela ne doit pas nous cacher "la priorité ministérielle annoncée" : la valorisation des activités en psychiatrie (VAP), l'évaluation et le culte du résultat chiffré, ainsi que les axes de recherche majeurs, à savoir la neuropsychologie cognitive, la neurobiologie, la génétique, la pharmacologie… en citant toutefois l'insuffisance de la recherche clinique, énoncée comme cruciale…

Associer les associations de patients et de familles de patients, rapprocher psychiatres et généralistes, mieux répartir l'offre de soins sont des nécessités évidentes qui sont proposées.

Mais notre vigilance doit être grande lorsqu'il s'agit d'une "nouvelle répartition des tâches, des champs de compétence et des responsabilités", de "compétence déléguée au psychologue", de "recentrage sur le cœur de métier" ou encore de "métier de psychothérapeute".

Rien n'est dit sur le rôle des psychiatres d'exercice privé dans l'offre de soins, l'accès direct aux soins, la nécessaire diversité et inventivité des réponses thérapeutiques, des conditions de soins préservant la singularité de la relation, ou encore la transmission de ce que nous pouvons apporter aux internes en formation.

Il est enfin plaisant de constater que le rapport se termine par un chapitre sur la prévention et la promotion de la santé où l'accent est, cette fois, mis sur la dimension affective, relationnelle et sociale : lorsqu'il s'agit de recherche prioritaire il est question de génétique, cognitique, neurosciences et pharmacologie et quand il s'agit de prévention il est fait retour à la psychiatrie de la personne.

Au final un cadre contraignant au contenu suffisamment vague pour qu'on puisse tout y mettre.

À nous de faire entendre notre petite musique pour que la folie organisatrice n'emporte pas soignants et patients !

 
Michel Marchand
Belfort

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