Rapport d'activité
Dans le BIPP de juin 2011, j'écrivais un article intitulé « 2011, année charnière pour la psychiatrie ». J'aurais tant aimé me tromper. De fait j'étais en fait bien en dessous de la réalité !
Il y a eu des dossiers annoncés : la révision de la loi de 1990, la nouvelle convention médicale, le titre de psychothérapeute, le plan de santé mentale, le DPC...
Et puis il y a eu les perles de l'actualité : HAS et autisme, P4P, les menaces sur la formation initiale des internes en psychiatrie. Sans compter le souci constant de ne pas se laisser déborder par l'actualité, de continuer à travailler, à ce que l'AFPEP ait ses propres productions, rendre compte de sa pratique pour éviter d'être toujours dans la position de rendre des comptes.
Le tout en veillant aussi au fonctionnement institutionnel de l'AFPEP - SNPP, qui avait donné lieu à des Assemblées Générales mouvementées en 2010 et 2011. J'espère que nous pourrons aujourd'hui démontrer que ces tensions ont été dépassées, sans doute en veillant à nous concentrer sur le travail à faire qui a suffi à nous occuper.
Je dois donc vous faire ce matin un rapport d'activité, qui ne pourra qu'être partiel, tant nous avons eu à faire. Ce que je n'aborderai que rapidement pourra donner lieu à discussion bien entendu, il me faut faire des choix.
Commençons par l'AFPEP, parce que c'est le coeur de notre pratique, l'aspect le plus positif, celui qui nous rapproche de la clinique.
Les Journées Nationales : à Amiens cette année sur le thème « Violence(s) », le travail nous a ramenés sur le terrain de ce que la psychiatrie a à apporter de spécifi que, qui nous différencie de la criminologie, de la police, de la prison. Nous continuerons en septembre prochain à Bordeaux à faire valoir notre conception du « Soin » au moment où la HAS cherche à en donner une définition qui ne nous correspond pas. Et l'an prochain à Lyon, « Résistance » est déjà tout un programme. Merci à Jean-Louis Planque, Béatrice Guinaudeau, Michel Jurus et Thierry Delcourt.
Nous avons soutenu le colloque important de Cerisy-la-Salle en juin 2011, sur l'empathie, grâce à la persévérance d'Antoine Besse, et ceux qui ont lu le compte-rendu paru dans le BIPP ont mesuré l'écart entre ce concept trop vulgarisé et ce qu'un travail approfondi peut nous en montrer.
Nous avons bien sûr continué le travail avec ALFAPSY et la WPA, tant pour le 1er Congrès International Francophone de Psychiatrie Transculturelle à Paris, que pour les congrès de Sousse, Genève, Budapest, Buenos Aires, et la préparation des ambitieuses Journées ALFAPSY de Montpellier en juin prochain. Ce travail mené par Antoine Besse et Paul Lacaze est capital pour la représentation internationale de la psychiatrie française, et la défense du courant de la psychiatrie de la personne dont le poids à la WPA mérite d'être soutenu. Nos engagements scientifi ques sont la base de la crédibilité syndicale.
La formation initiale et continue : les internes ont sollicité cette année la FFP sur la question de la psychothérapie. Car nous le savons, la formation initiale en psychiatrie fait l'impasse sur la psychopathologie, alors même que le titre de psychothérapeute leur est accordé sur simple demande. Cela a été l'occasion pour eux de chercher à faire évoluer l'enseignement.
Les internes ont trouvé un soutien important à l'AFPEP pour défendre cet aspect incontournable (mais pas exclusif) du métier. A Paris, le séminaire d'échanges de pratiques clinique a cherché à répondre à leurs attentes. La FFP leur proposera dans quelques semaines une journée intitulée « Comment la psychothérapie vient au psychiatre », et nos représentants à la FFP ont été déterminants dans ce projet. Merci à Jean- Jacques Bonamour du Tartre et Françoise Labes.
Concernant la formation continue, l'enjeu du DPC (développement professionnel continu) commence à se préciser, mais n'est pas encore applicable.
L'AFPEP devrait remplir les conditions de validation de l'essentiel des formalités exigibles, mais les modalités exactes ne sont toujours pas connues. Ce sera un dossier majeur de l'année à venir.
Côté formation continue, l'engagement de l'AFPEP à l'UNAFORMEC nous a posé de graves questions, à aborder cet après-midi, puisque cet organisme nous a beaucoup coûté, mais rien apporté, et rien n'indique qu'on puisse en attendre plus dans l'avenir.
Le DPC a été cette année un enjeu d'une nouvelle division de la psychiatrie, opposant la FFP et le CNQSP. La FFP défend une approche formative face au CNQSP plus normatif. A titre d'exemple, le CNQSP propose une standardisation de nos échanges de courriers avec les médecins généralistes, absurdité qui vide de sens nos pratiques.
Les alliances de l'AFPEP - SNPP ont trouvé tout leur sens dans ce combat. Et les seuls soutiens du CNQSP ont été le SUP et le SPF.
J'en viens donc à notre action syndicale. Cette dernière année de mandat présidentiel a été le temps de tous les passages à l'acte. D'abord avec la loi du 5 juillet 2011, dont nous avons largement rendu compte dans le BIPP. L'application en est délirante. J'ai eu l'occasion ce mois-ci de rencontrer Marisol Touraine, députée PS et possible future ministre des Affaires Sociales, qui dit avoir lutté contre cette loi, et être surprise de constater que finalement, l'intervention du juge ne pose pas tant de problèmes. Voilà bien une vision comptable des choses : oui, les juges ont réussi à donner des conclusions sans saturer les tribunaux. Mais nous en sommes à l'heure du constat : des patients ont été « libérés » mais essentiellement pour vice de forme et ont été réhospitalisés sous contrainte dans l'heure. Ces nombreuses mainlevées d'hospitalisation sous contrainte ne refl ètent pas un large usage des privations abusives de libertés dont la psychiatrie est accusée. Par contre, les privations de libertés en ambulatoire avec programme de soin ont été créées, se développent à toute vitesse, comme l'ultime avancée de l'organisation des soins. Un scandale sanitaire est en cours, et les psychiatres privés commencent à y être confrontés. Le SNPP a pourtant lutté avec ses alliés du CASP, en rencontrant les députés et sénateurs, mais nous n'avons pas pu défendre les libertés des patients en psychiatrie contre la volonté de la direction de l'UNAFAM qui s'est imposée même à la FNAPSY.
De nouvelles QPC vont cependant amener à réviser très prochainement la loi, et nous espérons que l'expérience de ces derniers mois permettra de corriger la précipitation des épisodes précédents.
Le plan de santé mentale nous a posé beaucoup moins de problèmes... et pour cause : c'est une coquille vide qui ne sera jamais appliquée. Nous avons cependant été aux réunions de concertation au Ministère. Ce simulacre dramatique n'a visé qu'à établir des « indicateurs » masquant qu'aucun moyen n'a été débloqué pour la psychiatrie, pour l'accès aux soins, pas même un effort de redistribution, de réorganisation. Nous devions y être, et je vous avouerai que l'enjeu pour nous a surtout été d'empêcher qu'on s'occupe d'attaquer la psychiatrie privée.
Les négociations conventionnelles ont été plus intéressantes. Michel Marchand et Claude Gernez ont participé directement aux négociations, via la FMF qui existait encore un peu, mais sans craindre de relancer des échanges avec les autres centrales. C'est ainsi que nous avons défendu l'augmentation du CNPsy, et que nous avons pu être la seule spécialité médicale à obtenir une augmentation. Nous avons refusé tout arrangement qui aurait consisté à une augmentation « à la marge » sur des actes très peu utilisés en pratiques tels que le C2. Là aussi, nous nous sommes démarqués de la concurrence syndicale !
Mais le loup nous attendait ailleurs, se révélant avec le paiement à la performance, et ses modalités d'inscription a priori que nous avons été, là aussi, le premier syndicat de psychiatres à dénoncer. Le fameux P4P auquel les médecins sont inscrits a priori est le successeur du CAPI qui demandait une inscription volontaire. La performance du médecin, c'est son taux d'informatisation, de télétransmission, de dossier médical informatisé voire partagé, d'ordonnances établies avec un logiciel spécialisé... et l'application des objectifs de santé de la CPAM défi nis avec la HAS. Le tout avec une hypothétique promesse de prime, qui ne sera effective que si vous remplissez suffi samment de conditions. Par exemple, la prime à la télétransmission est supprimée pour tous les médecins qui n'utilisent pas de logiciel de gestion de cabinet avec module de prescription.
Le SNPP a alerté durant tout le mois de décembre ses adhérents de la nécessité de s'opposer à ce principe du P4P, et les psychiatres ont été 15 % à refuser cette promesse de prime, contre 3 % des médecins. Nous avons désormais à continuer ce combat pour les « obligés du P4P », ceux qui ne se sont pas décidés à envoyer un courrier recommandé avant le 26 décembre.
Concernant la télétransmission, le SNPP a toujours lutté contre l'obligation de ce système. L'an dernier, un projet de taxation des feuilles de soin papier (50 centimes par feuille) a été retoqué devant le Conseil d'État. Voici venu la nouvelle offensive de la CPAM qui s'est précipitée pour faire un avenant n°2 à la convention, qui sanctionne lourdement les médecins récalcitrants. Le SNPP dénonce les centrales syndicales qui ont signé cet avenant. Nous nous sentons beaucoup plus proches d'un syndicat d'anesthésistes, le SMAER, qui a d'ores et déjà renvoyé cet avenant devant le Conseil d'État. Nous attendons le résultat de cette procédure.
Le titre de psychothérapeute issu de l'amendement Accoyer a lui aussi été mis en place, et là encore, nous avons été le premier syndicat de psychiatres à réagir contre ! Les autres se sont contentés d'informer leurs adhérents des modalités à suivre ! Nous avons été les premiers à souligner les risques de division de la profession, et à insister pour que le psychiatre soit reconnu comme psychothérapeute de fait, empêchant ainsi de pousser certains à se déclarer psychiatres nonpsychothérapeutes et à s'en sentir éventuellement même valorisés. L'USP et la FFP ont suivi notre impulsion. Nous rappelons notre mot d'ordre : ne pas s'inscrire sur les listes ! Il s'agit finalemende la même logique que la judiciarisation de la loi du 5 juillet : le gouvernement prétend vouloir défendre les droits des patients et crée une usine à gaz qui se retourne contre les patients et nuit au travail.
Je ne peux développer toutes nos actions cette année. Le rapport de la HAS contre les pédopsychiatres, le travail important de communication avec 3 BIPP et 14 Newsletters Caractères, le Séminaire d'Été à Montpellier en juin, les renouvellements des délégués régionaux, la vigilance sur la mise en application du DMP qui ne doit pas entamer le secret médical, ou encore la participation au soutien à Rafah Nached...
Cette action continue est le résultat d'un travail du bureau et du Conseil d'Administration tout au long de l'année, avec des réunions via Internet tous les 15 jours et des échanges de mails innombrables. Beaucoup se sont investis sans hésiter à bloquer des journées de consultations pour défendre nos positions à la FFP, au CASP, organiser des colloques comme à Grenoble, ou encore rencontrer les conseillers des ministres, des députés et sénateurs. Je remercie vraiment particulièrement cette équipe qui a encore besoin de s'étoffer.
Le résultat de toutes ces actions se fait sentir sur les retours des adhérents. Après notre campagne anti-P4P en décembre, nous avons reçu des dizaines de courriers sollicitant le syndicat pour de nombreux dossiers. Et fin mars, nous avons 27 % d'adhérents à jour de cotisation de plus que l'an dernier, avec une part importante de nouveaux adhérents (10%). Continuons donc !