Le feuilleton conventionnel : suite

Gérard Bles
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Nous remarquions, dans notre lettre circulaire du 19 mai, que l’atmosphère des «sommets» apparaissait plutôt conciliante, contrastant avec une activité de terrain résolument agressive et une multiplication des contentieux de tous ordres.

Les contentieux, cela continue de plus belle, accaparant une grande part du travail syndical. Nous y reviendrons. Mais ces dernières semaines ont par ailleurs été marquées par un brutal changement de ton, qu’il s’agisse de la CNAMTS et de son président, Mr Spaeth, ou du Gouvernement, Mme Aubry montant personnellement au créneau. Prétexte ? Le «dérapage» des dépenses de santé, dont l’évolution au bout de quelques mois aurait pratiquement atteint le plafond fixé pour l’année !

Du coup, et comme par enchantement, les événements se précipitent. Le Conseil d’État, au bout de deux ans, va statuer sur les recours contre les Conventions 97, et procéder, selon toute vraisemblance, à leur annulation, pour des motifs divers (non-représentativité de l’UCCSF pour les spécialistes - raisons plus subtiles pour les généralistes avec notamment absence de recours possibles pour les procédures devant les CMR, inégalités dans les clefs actuelles de répartition des reversements). Ce qui va permettre au Gouvernement de piloter lui-même ouvertement le système à travers un règlement conventionnel minimal qui, même s’il n’est pas nécessairement plus lourd dans l’immédiat, pourrait le devenir à court terme si les syndicats médicaux ne se montraient pas suffisamment souples dans la négociation d’une nouvelle Convention plus «efficace»... du point de vue comptable. Cela sans retarder les «mesures fortes de réorientation des dépenses» annoncées par Martine Aubry le 22 juin, lors de la Conférence nationale de santé, ciblées notamment sur la croissance des honoraires, des explorations (radiologie) et des prescriptions (médicaments).

Instruments de cette pression : la Nomenclature, des déremboursements éventuels de médicaments, mais surtout les reversements, dont l’utilisation revient au premier plan, éventuellement réaménagée selon les suggestions du rapport Stasse et de la CNAMTS : toujours collectifs, ils deviendraient par contre modulés en fonction du revenu de chaque praticien (comme l’impôt...!). Également envisagé, un recouvrement indirect via les cotisations sociales. Bref, tous «punis» une fois de plus, l’individualisation n’opérant qu’au niveau des montants - ce qui, à bien réfléchir, pourrait avoir plutôt des effets pervers, inflationnistes (histoire d’anticiper sur la ponction financière supplémentaire).

Tollé syndical, bien sûr, la CSMF menaçant d’un «conflit majeur» - cependant que MG France s’efforce de tout mettre sur le dos des spécialistes.

Un des aspects fascinants de la situation est qu’un de ses moteurs essentiels, tout au moins en apparence, tient à des données chiffrées dont on sait parfaitement qu’elles ne sont pas fiables, tant pour ce qui concerne leur saisie proprement dite qu’en raison des décalages qu’entraînent les fluctuations du traitement des dossiers de remboursement (il y avait, il y a peu, 250.000 dossiers en souffrance dans la CPAM des Hauts-de-Seine, par exemple...). Les chiffres tiennent donc, pour partie, à des estimations ou des projections qui autorisent toutes les manipulations. Et, bien sûr, on ne tient guère compte des facteurs épidémiologiques, plus généralement des besoins, ou encore de la mise sur le marché de médicaments dont le prix est aussi exorbitant que leur utilité reste à démontrer (je ne cite personne !).

A quoi nous sert, nous psychiatres, d’avoir été «sages» en 1997 ? (Le fûmes-nous ? Une telle estimation n’est peut-être pas plus fiable que les autres.... J’ose croire que nous avons travaillé, comme devant, en notre âme et conscience, c’est tout...).

Le sommes-nous d’ailleurs, si l’on en juge par la série de contrôles et de contentieux qui s’abattent sur nous ? A l’initiative totale des Caisses primaires nous dit-on à la Caisse nationale. Mais c’est bien sous l’impulsion du médecin-conseil national le Pr. Hubert Allemand que la mission des médecins-conseils a été recentrée sur les professionnels de santé, même si celui-ci insiste pour que cette mission ne se limite pas au contrôle individuel mais s’oriente vers «une évaluation des pratiques collectives et l’amélioration d système de soins». Du médecin-conseil pédagogue... Avec pour champ privilégié d’intervention les ALD.

Néanmoins les contrôles individuels fleurissent, et pas seulement sur les psychiatres exerçant en clinique dont l’activité et les cotations font l’objet de toutes les attentions, dans le fil de la croisade prêchée et entreprise par le «chevalier blanc», Mr Frémont, directeur de la CPAM de Loire-Atlantique, mais intéressant des départements de plus en plus nombreux (on aura pu lire à cet égard la Déclaration du CLAHP sous commission psychiatrie du 14 mai 1998prescriptions (qu’il s’agisse de respect des RMO ou de prescriptions considérées comme hors champ de la spécialité) ou le contenu même de l’acte (bien fondé des psychothérapies en tant que soin...). Atmosphère, atmosphère...! Nous finirons bien par nous sentir mal compris, mal aimés, sinon coupables...

réclamant moratoire et ouverture de négociations sur la Nomenclature). Ces contrôles concernent tout autant la pratique en cabinet, portant sur les

On nous rétorquera que tous les médecins libéraux sont logés à la même enseigne - mais quand même, on peut trouver que l’on parle un peu trop de nous pour qu’il ne s’agisse que d’un hasard statistique !

Gérard Bles


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