A quoi sert un syndicat ?
Il est bon de reposer régulièrement les questions de fond : à quoi sert un syndicat ?
Dans une longue lettre circulaire aux membres du Conseil d’administration, notre Président la pose d'une façon qui induit la réponse : le rôle d'un syndicat est bien davantage de défendre l'idée que l'on se fait d'un métier, de son rôle social, de son utilité, que d'être un simple prestataire de services.
Exploitée volontiers par le passé pour son pouvoir carcéral, la psychiatrie a su réagir par son pouvoir de remise en question, par la permanence de son raisonnement sur l'homme, l'aliénation, l'altérité, la liberté. Nul doute que l'essor de la psychiatrie libérale, devenue en France le modèle de la pratique, n'ait eu là un rôle prédominant. Le pays des Droits de l'homme est aussi celui ou il y a le plus grand nombre de psychiatres : il est peu probable que ce soit un pur hasard.
L'ambiguïté d'une pensée dominante reprochant aux psychiatres leur rôle carcéral d'aliénistes tout en souhaitant les y cantonner doit être combattue. Ce combat, nous l'avons toujours mené, libéraux comme hospitaliers. Le Syndicat National des Psychiatres Privés y a pris sa part au point d'en être souvent le fer de lance, au point d'en oublier parfois ses intérêts propres ; mais la désaliénation est la raison d'être de la psychiatrie de ville.
S'offre aujourd'hui une chance nouvelle aux combats syndicaux - dans tous les domaines. Le plan Juppé a sonné le réveil du syndicalisme médical. L'augmentation du taux de syndicalisation inquiète. Cette augmentation a profité au SNPP, plus encore peut-être qu’à d'autres syndicats. Tout nous pousse aujourd'hui à profiter de cette montée en puissance du syndicalisme, à croiser le fer à chaque occasion, quand ce n'est pas à rechercher les affrontements.
Le débat syndical de demain, et l'action syndicale, donnent raison à la démarche privilégiée par le SNPP jusqu'à ces derniers temps : le choix stratégique - idéologique ou philosophique - doit précéder les choix tactiques. Ce choix, nous l'avons fait ; il nous a donné un corpus de réflexion en perpétuelle évolution.
La "pensée unique" n'est pas inéluctable : le débat, houleux, autour de la place des assurances privées dans les mécanismes de protection sociale - que le SNPP veut minimale sinon absente - en est un exemple. Les psychiatres, sur ce point comme sur d'autres, se démarquent. J'ai la faiblesse de penser qu'ils voient un peu plus loin… Mais ce débat, et peut-être demain ces affrontements, sont indispensables.
Car l'articulation théorico-pratique marquera le syndicalisme de demain. Disposant d'une argumentation philosophique et technique élaborée, ouvert au débat, prêt au combat y compris dans des domaines ou on ne l'attend pas forcément, un syndicat moderne osera se regrouper tout entier pour défendre l'un de ses adhérents.
Un psychiatre de ville attaqué par tel ou tel organisme n'attend pas d'un syndicat qu'il paye son avocat : là, c'est plutôt le rôle de l'assureur ! Mais il a besoin à ce moment-là du soutien que son syndicat lui apportera : un renseignement pratique, le contact avec un collègue ayant rencontré le même problème, la description du fonctionnement de tel organisme, une campagne d'auto-dénonciation collective (concernant les prescriptions hors RMO par exemple), seront plus payants à long terme que des mouvements de fermeture des cabinets, mal compris, mal suivis, pénalisant médecins et patients, et permettant paradoxalement quelques économies à la CPAM qui gagne là sur tous les tableaux.
Un syndicat doit être une base de repli solide, métaphore de la position du psychiatre vis-à-vis de son patient ; le terme de "prestataire de services" est intelligemment provocateur. Si un syndicat ne doit pas être nécessairement un prestataire de services, du moins doit-il être au service de ses adhérents. On aurait pu aussi réagir à l'inverse : un syndicat doit-il être avant tout un recruteur d'adhérents ?