Rapport du Secrétaire Général - A.G. statutaire du 10 octobre 1999

Jean-Jacques Laboutière
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I. Introduction

L'expectative dominait le climat de l'année dernière. Quoique sans illusion sur le fait que l'essentiel des mesures mises en place par les Ordonnances d'Avril 1996 serait sans doute repris par le nouveau gouvernement, nous avions alors du mal à cerner précisément quelle politique de santé serait mise en place.

Cette année nous a apporté les réponses, dont certaines se sont avérées pires que ce que l'on pouvait craindre. Que ce soit la volonté d'appliquer les mesures de reversement d'honoraires heureusement rapidement annulées par le Conseil d'État, la tentative de diversion des États Généraux de la Santé, les deux versions successives du Plan Johanet et enfin tout récemment les déclarations de Martine Aubry exprimant son intention d'abandonner la médecine libérale au seul pouvoir des Caisses d'Assurances Maladie, tous ces événements affirment clairement les choix politiques retenus par le gouvernement de Lionel Jospin.

Notre Assemblée générale de l'an passée s'est tenue quelques semaines après que le SNPP eût élaboré un ensemble de Propositions destinées à nos instances de tutelle et nous pensions alors qu'elles pourraient être entendues; nous nous retrouvons aujourd'hui à la veille d'un vaste mouvement de protestation rassemblant toutes les professions de santé contre la politique des Caisses et du Gouvernement- et l'espoir que nos propositions quelles qu'elles soient puissent être entendues paraît désormais bien lointain.

Seule note optimiste dans ce tableau: alors que, il y un an, le SNPP se montrait certes pugnace mais demeurait relativement isolé au milieu d'un syndicalisme psychiatrique globalement assez silencieux, la politique désastreuse de Martine Aubry a du moins eu le mérite de susciter un sursaut chez tous nos collègues de sorte que cette année s'achève sous le signe d'une très large convergence intersyndicale.

Je reviendrai tout à l'heure plus en détail sur tous ces points. Mais notre activité de l'année ne s'est pas bornée, et ne saurait se borner, aux actions syndicales. L'AFPEP a été très active cette année tout comme les années précédentes et les XXIXèmes Journée Nationales que nous venons de vivre ensemble en sont un signe évident. Or, n'oublions pas que le travail de l'AFPEP constitue la base même de toutes les options politiques du SNPP. C'est la raison pour laquelle je souhaite d'abord rendre compte de cet aspect de notre travail.

II. Activités de l’AFPEP

A. Journées Nationales et Séminaires

La modalité de travaille plus visible de l'AFPEP reste sans aucun doute nos Journées Nationales ainsi qui les séminaires thématiques qui sont maintenant régulièrement organisés, qu'ils soient de dimension nationale ou régionale.

1. Journées nationales

Nos Journées Nationales ont pris cette année à Marseille une ampleur rarement atteinte auparavant, que ce soit par la densité du programme scientifique ou par le nombre de participants. Ces Journées ont également voulu souligner la volonté de collaborer autant que possible avec les sociétés locales de psychiatres qui ont été invitées à s'investir très largement dans l'organisation logistique comme dans l'élaboration du programme scientifique. Cette collaboration, en tous points fructueuse, devrait être à mon avis érigée en principe.

Toutefois, au milieu d'un plateau extrêmement fourni d'intervenants, ces Journées ont peut-être moins permis que d'autres aux psychiatres de terrain de s'exprimer, que ce soit en séances plénières ou en ateliers. Nous devrons tenir compte des réactions que nous aurons à cet égard pour décider si nous devons poursuivre dans cette voie ou revenir à un format mieux adapté à la libre expression de chacun pour nos prochaines Journées.

Nos Journées Nationales n'auront pas lieu l'an prochain. Suivant en cela l'exemple de toutes les sociétés françaises affiliées à l'Association Mondiale de Psychiatrie, l'AFPEP a renoncé à les organiser en faveur du Congrès de l'Association Mondiale qui se tiendra à Paris sous l'égide de la Fédération Française de Psychiatrie à la fin du mois de Juin 2000. Ce sera l'occasion de célébrer le cinquantième anniversaire du premier congrès Mondial qui a lui-même eu lieu à Paris. L’AFPEP sera cependant bien présente puisqu'elle devrait y organiser trois symposia : 1'un sur l'articulation des pratiques privées et publiques et Europe, l'autre sur les états limites et un troisième sur les troubles de la personnalité.

Les prochaines Journées Nationales, les 30ème du nom, ne se tiendront donc qu'à l'automne 2001 à Lorient.

2. Séminaires thématiques

L'année écoulée a permis d'organiser deux séminaires thématiques.

Le premier, de dimension nationale, a été organisé à Paris par Antoine BESSE. Sous le titre de " La responsabilité maltraitée ", cette journée de travail a été l'occasion de s'informer et de réfléchir ensemble à la pratique salariée en institution. Il nous a rappelé l'importance de la pratique salariée qui concerne environ la moitié des psychiatres libéraux.

Le second séminaire, de dimension régionale, a eu lieu en mai à Strasbourg sous la responsabilité de Jacques LOUYS qui nous a invité à réfléchir à la notion de modèle.

Deux séminaires sont d'ores et déjà prévus pour l'an prochain: un séminaire de dimension internationale sera proposé en octobre prochain en Guadeloupe; un séminaire régional, organisé par l'AFPEP Languedoc-Roussillon aura lieu au printemps à Montpellier. C'est notre trésorier, Paul LACAZE, qui se charge de mettre sur pied ces deux séminaires.

B. Publications

À côté des Journées Nationales et des séminaires, nos publications constituent une deuxième direction de travail essentielle pour l’AFPEP.

3. Psychiatries

Comme nous pouvions déjà la déclarer l'an passé, notre revue Psychiatries connaît un rythme de parution régulier.

4. Site Web de l'AFPEP-SNPP

Je mentionnerai également ici rapidement notre site Web. Il est maintenant en place depuis plus d'un an mais n'est pas mis à jour de manière régulière, loin s'en faut. Je reste cependant convaincu de l'importance de ce site Web, que ce soit pour nos adhérents ou pour tous les psychiatres privés. Il doit parvenir à maturité et bénéficier de moyens suffisants pour permettre des mises à jour très régulières.

C. Contribution aux instances nationales et internationales

Le dernier axe de travail de l'AFPEP que je veux rappeler est quant à lui beaucoup moins visible: il s'agit de notre contribution aux instances scientifiques nationales et internationales.

5. Fédération Française de Psychiatrie

Au niveau national il s'agit de notre engagement au sein de la Fédération Française de Psychiatrie dans laquelle le bureau de l’AFPEP s'emploie à assurer une présence qui soit à la mesure de notre représentativité.

Outre la préparation du Congrès Jubilaire de l'Association Mondiale de Psychiatrie que j'ai déjà évoquée, plusieurs dossiers de première importance sur le plan politique ont été traités à la Fédération au cours de l'année passée et certains continueront de l'être l'an prochain: travaux préparatoires à la révision de la nomenclature, recherche sur les pratiques ambulatoires, les psychothérapies, la formation continue, etc ...

6. Association Mondiale de Psychiatrie

Au niveau international, l'AFPEP reste affiliée à l'Association Mondiale de Psychiatrie, Cette dernière est actuellement largement dominée par la représentation anglo-saxonne. Il serait important de parvenir à ce que la psychiatrie française, qui représente à elle seule 8% de l'effectif mondial des psychiatres, y soit mieux représentée pour contrebalancer cette influence.

Dans ce but, les six sociétés françaises affiliées à la WPA se sont entendues l'an passé pour tenter de faire élire le Dr Jean Garrabé comme représentant de l'Europe de l'Ouest au Comité exécutif lors de la dernière Assemblée Générale de la WPA qui s'est tenue à Hambourg en août dernier et à laquelle notre président nous a représentés.

Cette élection a malheureusement échoué du fait que les sociétés françaises ne disposaient dans cette Assemblée Générale que d'un nombre de voix ridicule au regard de leur représentativité réelle. L'AFPEP cotise à la WPA à la mesure de son nombre d'adhérents, une politique qu'il faut sans doute soutenir si nous voulons qu'un jour la psychiatrie française puisse retrouver au niveau international la place qu’elle avait il y a une trentaine d'années. À cette occasion, la question a été soulevée de savoir si la représentation française au sein de la WPA ne devrait pas plutôt être assurée par la Fédération Française de Psychiatrie: il semble que la voix de la psychiatrie française au sein de la WPA serait mieux entendue si elle unie. Il est tout à fait possible d'envisager une évolution en ce sens mais nous devrons rester vigilants à faire entendre les spécificités de la psychiatrie privée, notamment au sein de la section de psychiatrie privée de la WPA avec laquelle nous entretenons des liens privilégiés.

III. Activité syndicale

J'en viens maintenant aux aspects syndicaux de notre activité de cette année. Je m'attacherai à donner un aperçu général de l'évolution de la situation ainsi que de la politique que nous avons menée. Cependant je ne traiterai pas de points certes très importants mais plus techniques tels que l'hospitalisation privée et la réduction du temps de travail du secteur salarié, qui demandent des développements plus particuliers et seront exposés par ailleurs.

Je ne m'attarderai pas non plus sur l'activité de conseil et de soutien de nos adhérents dans le cadre des contentieux. J'avais signalé l'an passé qu'ils atteignaient un niveau jamais observé auparavant et cette année n'a pas permis de constater de diminution, que ce soit en matière de pratique dé cabinet, d'hospitalisation privée ou de pratique salariée.

D. Les propositions du SNPP

Notre dernière Assemblée Générale en octobre 1998 s'était tenue immédiatement après que le SNPP eut élaboré un ensemble de " Propositions " qui devaient être soumises à nos autorités de tutelles. Comme vous en avez été informés par le BIPP, ces propositions ont reçu un accueil très différent à la CNAM TS et au ministère.

1. Entrevue avec les représentants du Contrôle Médical National

Nous avons d'abord été reçus par le Contrôle Médical National de la CNAM TS où nous avons été écoutés avec intérêt et où nous avons rencontré un écho globalement favorable. Malheureusement les médecins conseils nationaux ne nous ont pas caché qu'ils avaient peu de pouvoir pour nous soutenir.

Cette entrevue a cependant permis de préciser certains points et notamment que le Contrôle National adopte en matière de psychiatrie privée des positions incomparablement plus nuancées que celles qui sont tenues par la direction ou le Conseil d'administration de la CNAM TS. Nos interlocuteurs partageaient avec nous l'idée que la qualité des soins en psychiatrie privée suppose le respect de la confidentialité jusque dans le volet médical de la carte Sésam Vitale 2, se fonde sur le maintien de l'accès direct du patient au psychiatre et considèrent que la psychothérapie du psychiatre doit être prise en charge par l'Assurance Maladie.

2. Secrétariat d'État à la Santé

L'accueil fut en revanche très différent au Secrétariat d'État à la Santé où Madame Dux, directeur de cabinet de Bernard Kouchner, s'est déclarée " déçue " de nos propositions.

Elle n’avait en fait aucune opposition de fond, mais elle attendait davantage. Rendant hommage au passage au dévouement des psychiatres privés dont les revenus lui semblaient étonnamment faibles pour expliquer à eux seuls leur motivation à soigner, elle nous a clairement laissé entendre qu'elle espérait des propositions visant à construire des réseaux de soins dans lesquels nous pourrions transférer notre compétence propre à d'autres intervenants non psychiatres, plus nombreux et moins coûteux.

Sans nous opposer formellement de fin de non recevoir, Madame Dux nous a finalement renvoyés aux États Généraux de la Santé pour y faire entendre notre voix.

E. Les États Généraux de la Santé

Je ne dirai qu'un mot de ces États Généraux pour expliquer pourquoi le Bureau de l'AFPEP-SNPP a fini par renoncer à y participer.

Chacun se souvient que, sous couvert de susciter un débat aussi large et aussi démocratique que possible en vue de moderniser notre système de santé, ces États Généraux se sont rapidement avérés n'être qu'une manœuvre de contournement de la représentativité syndicale du corps médical, tentative d'autant plus pernicieuse qu'elle a généralement bénéficié d'un relais médiatique bienveillant qui, par contraste, a pu faire apparaître l’expression syndicale comme strictement corporatiste et conservatrice. Cette tentative de contourner la représentation syndicale a d'ailleurs été réitérée quand Martine Aubry et Bernard Kouchner ont demandé aux médecins de s'exprimer directement auprès d'eux.

L'ambiguïté du gouvernement dans cette entreprise s'est pleinement manifestée à partir du printemps dernier à l’occasion de la publication de la première version du " Plan Stratégique de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés ", désormais consacré sous le nom de " Plan Johanet ". Alors que nous étions encore à trois mois de la conclusion de ces fameux États Généraux qui, selon le discours officiel du gouvernement, devaient seuls décider de la réorganisation de notre système de santé, ce Plan est venu proposer une révision complète et radicale du fonctionnement de ce système. Certes, Martine Aubry a affecté d'être en désaccord plus ou moins profond avec divers points de cette réforme, mais le plan Johanet, en tant même qu'il constitue le seul projet cohérent existant, appuyé de surcroît sur le double soutien du MEDEF et de la CFDT, est devenu une référence de base par rapport à laquelle chacun se définit, Ministre comprise -celle-ci " abandonnant " d'ailleurs la médecine de ville au bras séculier de la CNAMTS, dans une subtile répartition des rôles. ..Cette réalité " dure " ne peut que souligner à quel point ces États Généraux ne furent qu'une duperie, pour le corps médical d'abord mais probablement aussi pour la population.

Le SNPP avait prévu d'organiser trois réunions régionales dans le cadre de ces États Généraux, en Ile de France, Bourgogne et Languedoc-Roussillon. Quand il nous est apparu que ces réunions n'étaient qu'une opération à visée médiatique, il nous a semblé plus prudent de renoncer.

F. Le Plan ]ohanet

Le Plan Johanet, qui a été publié à peu près à cette époque, c'est-à-dire en mars dernier, nous a rétrospectivement donné raison.

Je ne m'y attarderai guère puisque vous l'avez tous en mémoire: il préconise entre autres le conventionnement sélectif des praticiens en fonctions de besoins d’ailleurs impossibles à évaluer et de critères de recertification encore mal définis, nie toute place à la confidentialité des soins et, du moins dans sa première version, proposait une réduction autoritaire des honoraires des psychiatres.

Parmi toutes ces mesures, la pire est sans doute l'introduction du concept de " panier de soins ", c'est-à-dire l'idée que seuls certains soins seraient désormais remboursables, en fonction de critères purement économiques. Non seulement cette notion peut nous entraîner vers un démantèlement de notre acte global de psychiatre en diverses techniques plus ou moins évaluables objectivement, au risque d'y perdre l'efficacité thérapeutique, mais encore elle consacre une vision essentiellement consumériste des soins et ouvre grande ouverte la porte aux assurances privées dans le financement de l’assurance maladie.

En fait, le Plan Johanet se résume pour les psychiatres à la proposition paradoxale, sinon cynique, de se soumettre à des exigences de qualité des soins qui n'auraient d'autres effets que de dénaturer et d'invalider notre pratique tant il est clair que ce plan n'a évidemment été conçu qu'en référence à la part la plus technicienne et instrumentée de la médecine.

G. Politique de communication

Nous avons fermement protesté contre ce Plan dès sa publication mais n'avons obtenu pour l'instant aucune réponse ni de la CNAMTS ni du gouvernement. Puisque le gouvernement n'hésitait pas à utiliser les media, nous avons alors décidé que le mieux à faire était sans doute également pour nous d'alerter l'opinion. Certes, nous ne pouvons pas lutter à armes égales sur ce terrain mais jamais le SNPP n’a consacré tant de moyens que cette année à diffuser ses idées. Cette politique de communication, qui avait été initiée dès l'automne est allée en s'intensifiant tout au long de l'année et s'est déployée dans trois directions.

D'une part nous avons augmenté la pagination du BIPP et maintenu sa diffusion à l'ensemble des psychiatres privés et non pas aux seuls adhérents. Pour soutenir l'effort financier que cela représentait, nous avons -après bien des débats au sein du Conseil d'administration -accepté de recourir à la publicité dans le BIPP.

D'autre part, nous avons complété l'information à destination des confrères par plusieurs mailings eux-mêmes accompagnés de " lettres aux patients ". Ces lettres aux patients ont rencontré un écho largement favorable, et très au-delà des patients des psychiatres puisque nous avons été contactés par d'autres syndicats qui nous ont demandé l'autorisation de les adapter à leur propre exercice.

Enfin, à l'initiative du SNPP, tous les syndicats de psychiatres ont participé à une conférence de presse qui s'est tenue le 6 mai à l'Hôpital Sainte Anne. Cette fois nous avons été entendus: la presse, tant professionnelle que grand public s'est largement fait l'écho de cette conférence de presse. Il fallait cependant trouver un angle d'attaque sur lequel tous les psychiatres puissent s'accorder , indépendamment de leur statut: c'est pourquoi cette conférence de presse est restée centrée sur la question des perspectives démographiques de la profession.

H. Convergences Intersyndicales

À la suite de cette conférence de presse, une dynamique intersyndicale très forte s'est manifestée, et s'est concrétisée quelques semaines plus tard par la création du Comité d'Action Syndical de la Psychiatrie (CASP) sur proposition du président du SPH. Seuls cinq syndicats de psychiatres sur huit y participent actuellement, deux syndicats de psychiatres publics refusant d'y adhérer et le syndicat des psychiatres universitaires réservant encore sa réponse.

Parallèlement, nous avons renforcé notre collaboration avec nos confrères du SPF. Nous avons pu observer une parfaite identité de pensée sur certains points concernant l'exercice libéral en cabinet et l'exercice salarié. S'il persiste cependant des divergences conceptuelles ou tactiques, il existe actuellement de part et d'autre une volonté affirmée de collaboration dans l'intérêt de la profession et des patients.

Ce mouvement de convergence intersyndicale aura l'occasion de s'affirmer de manière particulièrement forte lors de la manifestation organisée le 17 octobre prochain à Paris sous l'égide du CNPS. À l'initiative du CASP, tous les psychiatres auront l'opportunité de défiler ensemble en compagnie de toutes les catégories de personnels et plus largement tous ceux qui se sentent concernés par les questions de santé mentale.

I. Relations avec la CSMF

Je terminerai ce tour d'horizon en évoquant notre position par rapport à notre centrale syndicale, la CSMF. Nous ne pouvons pas nous cacher que sa politique peut parfois poser certains problèmes aux psychiatres.


Deux points aux moins doivent être rappelés ici: la place de l'assurance privée dans le financement de l'assurance maladie et le problème des réseaux.

En ce qui concerne les assurances privées, le projet de monétique annoncé en collaboration avec AXA Banque a suscité un certain émoi dans la profession. Bien qu'une banque ne soit pas une compagnie d'assurances, il existe évidemment des liens trop étroits entre AXA Banque et AXA Assurances pour ne pas s'inquiéter de voir s’introduire ici un énorme groupe financier. Le SNPP, comme d'ailleurs le SPF, ont réagi à cette annonce en demandant plus de prudence sur ces questions au président de la CSMF.

La question des réseaux reste également très épineuse. La CSMF n'a jamais fait mystère qu'elle est favorable à leur mise en place tout autant qu'à la télétransmission, l'informatisation du dossier médical et les évaluations quantitatives des soins. Notre opposition sur tous ces points est connue par les responsables de la CSMF mais il est clair que beaucoup de travail doit encore être fait pour qu'il en soit tenu compte.

IV. Conclusions

Voici donc tracé à grands traits le tableau de notre activité de l'année écoulée. Avant d'en venir aux grandes directions pour notre travail pour les mois qui viennent, je voudrais préciser un point fondamental pour l'organisation même de ce travail.

Il m'arrive depuis quelque temps d'entendre des questions, voire parfois des doutes, sur la raison d'être du SNPP et sur son devenir dans le contexte intersyndical actuellement largement consensuel que je décrivais à l'instant.

Si nous ne pouvons que nous féliciter de ce rapprochement intersyndical au regard du renfort d'efficacité qui peut en être espéré, je ne cacherai pas que la question me trouble au plus haut point dans la mesure où elle peut laisser penser qu'une part de nos adhérents serait peut-être en train de perdre ceci de vue: la raison d'être du SNPP, du moins à mon sens, ne se fonde pas sur le fait qu'il aurait nécessairement à soutenir des options originales dans le concert intersyndical mais elle se fonde sur le fait que le SNPP a une politique qui est avant tout le fruit du travail de réflexion sur les pratiques de la psychiatrie privée que les adhérents de l'AFPEP entretiennent depuis près de trente ans.

Que cette politique rencontre à un moment donné la politique d'autres syndicats est une opportunité à saisir, mais cela ne remet nullement en cause la nécessité de l'existence du SNPP. En revanche, si les psychiatres privés se lassent de confronter leurs points de vue et de publier, le SNPP n'aura plus de raison de se soutenir en tant que tel aux côtés d'autres syndicats. C'est bien en effet parce que les psychiatres privés non seulement réfléchissent à leurs pratiques mais encore s'imposent l'effort de partager, mettre en forme et publier leurs réflexions en utilisant les moyens que l'AFPEP peut leur offrir que le SNPP garde une raison d'être nécessaire et suffisante.

Nous avons eu au cours de cette année certains débats au sein du Conseil d'administration pour savoir si le SNPP était un syndicat d'idées ou un syndicat de services. Ce que je viens de rappeler montre assez que le SNPP est d'abord un syndicat d'idées, sans que cela exclue bien sûr les services et la défense des adhérents. Nous ne pouvons pas oublier que l'AFPEP, dans cette perspective, se doit-elle aussi d'être au service de ses adhérents en soutenant cet indispensable travail de réflexion et de mise en commun auprès du plus grand nombre possible de psychiatres privés.

La puissance du SNPP ne se mesure pas seulement aux nombres de ses adhérents mais aussi à la richesse de ce que produit l'AFPEP. Dans un contexte de crise, les tensions politiques, l'urgence des situations, la quantité de travail elle-même poussent le bureau à privilégier le versant syndical et sans doute est-ce là ce que nos adhérents attendent de nous. Cependant, puisque nous voyons bien que la crise se chronicise, prenons garde à ne pas négliger l'AFPEP : le SNPP pourrait fort bien ne plus être à terme qu'un syndicat comme un autre.

Je tenais à cette mise au point, même s'il s'agit d'une évidence pour chacun de ceux qui sont présents à cette Assemblée Générale, avant de tracer quelques perspectives de travail pour l'année qui vient parce que ces perspectives ne peuvent que s'articuler à ce principe.

Il nous faut donc avant tout continuer à entretenir à tous les niveaux, régional, national et international, le travail de réflexion sur les pratiques privées de la psychiatrie. Ce travail existe, il est important mais il reste à mon sens trop localisé à l’échelon national. Ainsi que je le notais déjà l’an passé, peut-être ne sommes-nous pas assez proches des associations régionales de psychiatres privés. J'observe qu'elles font rarement appel à nous en tant qu’AFPEP pour soutenir ou relayer leurs travaux alors qu'elles le font plus volontiers en tant que SNPP pour venir les informer de l'évolution du contexte professionnel. Il y aurait peut-être à réfléchir sur une possible formalisation de nos rapports avec les associations locales qui le souhaiteraient afin qu'elles perçoivent mieux les services que nous pouvons éventuellement leur apporter, car c'est bien en terme de soutien et de services que les choses doivent se poser à ce niveau selon moi.

De la même manière, je crois important de soutenir notre effort de participation au niveau international. L’Association Mondiale de Psychiatrie, dans laquelle la présence française a été prépondérante durant longtemps est désormais bien loin de nos préoccupations quotidiennes. Cependant c'est aussi en faisant valoir dans ce cadre-là les spécificités de nos pratiques, cadre dans lequel de possibles alliances peuvent se nouer avec d'autres psychiatres privés à l'étranger, que nous pouvons espérer infléchir certaines tendances dangereusement réductionnistes de la psychiatrie anglo-saxonne.

En ce qui concerne l'action syndicale, il est à craindre que nous ne soyons encore longtemps au cœur d'un système de contraintes extrêmement fortes et le débat excède maintenant largement la question de la maîtrise comptable des dépenses de santé. Les prises de position gouvernementales, les propositions du Plan Johanet, l’appétit des assureurs privés porte la question bien au-delà: c'est en effet à une conception consumériste des soins que nous sommes désormais confrontés, conception dans laquelle les " circuits de production et de distribution ", pour parodier le jargon consacré, priment sur la nature même des soins, conception dans laquelle la qualité est amalgamée à la norme et l'éthique réduite à une " bonne régulation " de la distribution.

Ce glissement de la problématique n'est évidemment pas sans conséquences graves pour la psychiatrie car, autant la seule notion de maîtrise comptable pouvait fédérer contre elle l'hostilité du corps médical, autant cette vision consumériste de la médecine peut éventuellement séduire certaines disciplines parmi les plus techniques et les plus instrumentées. Dans ce mouvement, la psychiatrie court le risque d'être marginalisée, oubliée, à défaut de pouvoir se soumettre à des procédures d'évaluation quantitatives. Nous aurons sans doute au cours de cette année à discuter de la possibilité et des limites de l’évaluation en psychiatrie privée.

Pour autant, dans un tel contexte, le syndicalisme perd-il de son impact ? Je ne le pense pas. Observons que, depuis la mise en place de la maîtrise médicalisée en 1993, puis des ordonnances de 1996, l'action syndicale est restée globalement efficace. Constamment menacées, nos pratiques se maintiennent. Certains dangers redoutables il y a encore un an ou deux semblent écartés, tels que par exemple la suppression de l'accès direct du patient au psychiatre, liée à l'échec relatif de la mise en place du système des médecins référents. Rien n’est définitivement acquis bien sûr, d'autres menaces se lèvent à l'horizon. Les plus visibles concernent maintenant l’exercice de la psychothérapie. Cependant nous ne devons pas nous décourager: les trois dernières années montrent que, si nous nous en donnons les moyens, des mesures absurdes peuvent ne pas être appliquées.

Jean-Jacques Laboutière


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