Les enjeux du Congrès Jubilaire de la WPA

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 25 - Mars 2000

C'est à Paris que l'Association Mondiale de Psychiatrie a tenu son premier congrès en 1950. C'est à Paris qu'elle revient pour fêter son cinquantième anniversaire du 26 au 30 juin prochain. Malheureusement, entre ces deux dates, la place de la psychiatrie française sur la scène internationale a connu un incontestable déclin au profit du modèle nord américain. Si la France fournit 8% de l'effectif mondial des psychiatres, son influence au sein de l’Association Mondiale de Psychiatrie n'est plus qu'un pâle reflet de cette importance numérique. One world, one language ! L'abandon du français comme langue officielle de l'AMP au profit de la seule langue anglaise lors de l’Assemblée Générale de Madrid en 1996 n'en est-il pas l'indice le plus éloquent?

En confiant l'organisation de ce congrès à la Fédération Française de Psychiatrie, les six sociétés françaises affiliées à l’Association Mondiale de Psychiatrie, dont l’AFPEP, ont voulu que toutes les associations françaises participent à cet événement qui doit marquer le point de départ d'une reconquête de l'influence à laquelle la psychiatrie française dans son ensemble peut légitimement prétendre hors de nos frontières. Les moyens mis en œuvre sont à la mesure de cette ambition: 5000 psychiatres venant du monde entier sont attendus et 800 communications, par des orateurs venant de 43 pays, sont d'ores et déjà programmées. Enfin, pour souligner encore l'importance de l'événement, les six sociétés françaises affiliées à l’Association Mondiale de Psychiatrie ont renoncé à l'organisation de leurs Journées Nationales pour l'année 2000.

La psychiatrie privée sera bien sûr représentée dans le cadre de ce Congrès. L'AFPEP y organise pour sa part trois symposia : l'un sur les états limites, le second sur les troubles de la personnalité et le troisième sur les pratiques privées en Europe. Ce dernier symposium sera en outre le prélude du séminaire résidentiel qui se tiendra en Guadeloupe en octobre prochain et qui étudiera des pratiques privées dans l'ensemble de la francophonie.

Cependant, l'enjeu fondamental de ce Congrès consiste avant toutes choses à rompre radicalement avec nos attitudes actuelles face à la psychiatrie internationale. Depuis de trop nombreuses années, les psychiatres français -et notamment nous-mêmes, psychiatres privés, redoutant non sans raison d'être un jour submergés par le modèle américain -avons tendance à nous enfermer dans une position défensive. Ne serait-il pas temps, au contraire, que nous prenions l'initiative en affirmant de nouveau à la face du monde la valeur propre de la tradition psychiatrique à laquelle nous appartenons, comme ce fut précisément le cas lors du premier congrès de 1950 ? C'est dans ce but avant tout que tous les psychiatres de France, y compris les praticiens de terrain que nous sommes, doivent renouer le dialogue avec leurs collègues des cinq continents.

Ce Congrès Jubilaire de l'Association Mondiale de Psychiatrie exprime un sursaut décisif et salutaire de la psychiatrie française qui ne doit pas rester sans suite. Il est le premier temps d'une entreprise de reconquête de l'espace international dont nous-mêmes bénéficierons directement : face à l'hégémonie de certains modèles, la reconnaissance de la qualité de nos pratiques à l'étranger ne peut que contribuer puissamment à les défendre à l'intérieur même de nos frontières.

L'étape suivante consistera à parvenir à unifier la représentation, actuellement trop éclatée, de la psychiatrie française au sein de l’Association Mondiale avant la prochaine Assemblée Générale de l’Association Mondiale en 2002, préalable indispensable pour regagner le pouvoir d'infléchir les dérives que nous redoutons le plus du fait de l'hégémonie nord américaine actuelle (abandon de la psychopathologie, standardisation des soins, évaluation purement quantitative des pratiques, éviction de la psychothérapie de la pratique du psychiatre, etc...).

C'est assez dire l'importance de votre participation: venez nombreux et n'hésitez pas à en parler autour de vous.

Jean-Jacques Laboutière


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