Compte rendu d'ALFAPSY à Neuchâtel

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" Impressions d'après Rencontres "
"5èmes Francopsies à Neuchâtel ( Suisse ) du 13 au 19 mai 2007".

Organisées conjointement par ALFAPSY (Alternative Fédérative des Associations de Psychiatrie) et la SSPP (Société Suisse de Psychiatrie et de Psychothérapie) sur le thème : " Neutralité en psychiatrie ? ", ces journées ont réuni de nombreux psychiatres venant d'horizons théoriques et géographiques très divers.
Etaient présents à parts égales des psychiatres d'Afrique du Nord et subsaharienne (Tunisie, Algérie, Maroc, Sénégal), de Suisse et de France.

À l’instar de la neutralité de la Confédération Helvétique, il est vite apparu que dans notre pratique de psychiatre ce concept relève d'un positionnement qui n'est en aucun cas neutre !

Examinée sous toutes les coutures, cette question a fait l'objet de débats animés et de communications tantôt exprimées de façon narrative tantôt présentées "propres en ordre"sous "power point"…

Loin d'une position aseptisée du soignant, loin de la paralysie dogmatique d'une stricte neutralité, loin de l'objectivation standardisée des symptômes à travers grilles et protocoles rigidifiés, loin d'un parti pris de normalisation, loin de l'indifférence ou au contraire de la manipulation, la neutralité est apparue dans sa dimension dynamique dans la relation soignante.

Au fil des apports des uns et des autres tout au long de ces journées, parler de neutralité a conduit à affirmer la nécessité de l'engagement du psychiatre dans la relation intersubjective, engagement présenté bien souvent comme condition de l'opératoire du soin.

Ont été abordés les rapports de la neutralité à la culture, à la science, au contexte politique et économique, aux conditions d'exercice très disparates, selon l'existence ou non d'un système de soins, selon la démographie médicale, selon que les soins sont remboursés ou non, selon la prévalence de l'économie sur la santé, selon la place dévolue à l'assurance privée…

Renvoyé à la question du désir d'être là en tant que soignant, le psychiatre est confronté à la nécessité d'inventer et d'élaborer en permanence. Il se trouve en position de résistant face à la demande sociale de normalisation et de transparence. Voilà à quoi nous a menés la question de la neutralité en psychiatrie !

La richesse des débats et le foisonnement des contributions montrent une fois encore combien il importe de partager notre expérience et de confronter nos références théoriques. Mieux comprendre l'organisation des différents systèmes de santé, s'adosser à la connaissance de ce qui se fait ailleurs nous donne un précieux atout dans la défense de notre spécificité de psychiatres !

Pour conclure sur la neutralité, il a été lancé :

  • - un appel au témoignage de la clinique, par l'envoi d'observations (anonymes) à l'AFPEP
  • - un appel à la défense de la psychiatrie de la personne, en participant au prochain congrès européen de la WPA à Paris en février 2008

La belle tenue de ces journées neuchâteloises est une invitation à participer aux prochaines francopsies qui se tiendront à Dakar en février 2009 !

Michel Marchand, Belfort

***

Le colloque de Neuchâtel était pour moi le premier colloque Francopsies auquel j'assistai.

Lors de la première journée consacrée à des exposés en séance plénière j'ai été frappée par le caractère immédiatement politique des exposés posant très explicitement en quoi la neutralité envisagée à titre systématique n'avait rien de neutre, ne pouvait pas être neutre. Peut-être était-ce aussi en relation avec les élections présidentielles françaises toutes récentes qui constituaient véritablement une sorte de toile de fond constante dans les échanges, aussi bien privés qu'en public.

Le terme d'engagement est revenu très constamment durant tout le colloque, tout en le déclinant selon les pays, les contextes de travail, les orientations des orateurs.

Il est bien évident que pour la plupart, les intervenants venaient de fort loin, Maroc, Tunisie, Algérie, Sénégal, Éthiopie, etc., ce qui en soi est déjà tout un engagement, d'où un ton direct et ne s'encombrant pas de précautions oratoires.

Tout aussi frappant lors des ateliers auxquels j'ai pu participer durant la seconde journée, était très sensible le fait que beaucoup d'intervenants et de participants se connaissaient déjà, du fait d'autres rencontres similaires précédentes.

Il en résultait une facilité de prise de parole, une liberté de propos extrêmement agréables et tout à fait propices à des échanges intéressants et engagés.

La dernière demi-journée fut l'occasion d'envisager un certain nombre d'actions, qu'il s'agisse de :

  • - l'étude clinique proposée par l'AFPEP, fort bien accueillie,
  • - l'invitation à participer au colloque de la WPA qui se tiendra à Paris du 6 au 9 février 2008 sur le thème : " Éthique, science et psychiatrie de la personne "
  • - du projet des prochaines rencontres francopsies qui auront lieu à Dakar, au Sénégal, au début de l'année 2009 sur un thème encore à préciser mais pour lequel Félicien Adotevi souhaite qu'il concerne la question des femmes.

Après coup il en ressort de façon extrêmement forte un souci partagé de préserver la possibilité d'une clinique psychiatrique de qualité, non inféodée aux dictats du DSM, et la nécessité d'innover aux regards des différentes contraintes politiques, économiques, sociales.

Pour ma part j'ai été impressionnée par la qualité de la présence de nos collègues africains, leur vivacité, leur enthousiasme, à mille lieues de toute idée de découragement ou de morosité…

Donc en conclusion, tout à fait d'accord pour recommencer à Dakar !

Jacqueline Légaut, Grenoble


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