Lettre aux parlementaires

Yves Froger
Retour au sommaire - BIPP n° 50 - Décembre 2007

Nous avons écrit aux parlementaires le 29 octobre, au moment où le Projet de Loi de Finances de la Sécurité sociale était examiné au Parlement avant de l’être au Sénat.

La navette parlementaire a produit ses effets jusqu’à l’examen du texte en Commission Mixte Paritaire, regroupant des parlementaires des deux assemblées.

Le texte retenu et proposé au vote pour devenir la Loi de Finances de Sécurité Sociale est finalement très proche du texte initial proposé par le gouvernement. On y retrouve :
- Les franchises qui sont une nouvelle brèche dans le principe de la Solidarité Nationale puisque seuls les malades les paient,
- Le principe du conventionnement individuel sous forme de contrat facultatif proposé aux médecins libéraux par les CPAM sous réserve d’acceptation des règles de bonnes conduites qui incitent les médecins qui les accepteront, à agir dans leur intérêt financier plus que l’intérêt médical des patients. C’est la définition du conflit d’intérêt en opposition au respect du code de déontologie. Outre cet aspect qui aurait dû suffire à écarter ce dispositif, la mise en place de contrat individuel pose la question de l’avenir à long terme de la convention médicale en tant qu’outil s’adressant au collectif. On peut redouter à l’avenir que si les négociations avec les représentants de la profession butent pour des accords collectifs, l’UNCAM pourra toujours se rabattre sur des contrats individuels,
- une véritable mise sous tutelle des accords conventionnels puisque ceux-ci ne seront applicables qu’après un délai de six mois si les finances publiques le permettent. L’engagement des signataires pourra alors devenir caduc,
- et bien d’autres points concernent entre autres le DMP et le secteur 2*.

C’est au tour du Conseil Constitutionnel de se pencher sur ce texte pour juger de sa validité au regard de la constitution.

Nous avons, de notre côté, alerté les parlementaires sur les points qui mettent en danger la pérennité de la convention. Ils n’en ont pas tenu compte. L’avenir conventionnel s’assombrit encore un peu plus.

Yves Froger
Lorient
* Obligation d’établir un devis pour tout dépassement.
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Exemple des lettres envoyées :

Paris, le 25 octobre 2007

Monsieur Pierre MEHAIGNERIE
Président de la Commission des Affaires Sociales
à l’Assemblée Nationale
126, rue de l’Université - 75007 Paris

Monsieur le Président,


Le projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale est en débat au Parlement. Sur les 71 articles qu’il comporte, certains remettent à tel point en question les fondements de la médecine libérale que l’actuelle convention médicale ne pourrait plus fonctionner si le texte était adopté en l’état.

Avant d’envisager les points précis qui nous préoccupent, il convient de rappeler les principes fondateurs de la médecine libérale telle qu’elle a pu se développer au profit de la Santé Publique : liberté de choix du praticien par le patient, paiement à l’acte, liberté d’installation du praticien, respect de l’indépendance professionnelle, solvabilité des patients par la Solidarité Nationale.

Ces principes sont à la base de l’engagement des praticiens dans l’exercice libéral. Ils font la grandeur de ce métier, ils sont en adéquation avec notre code de déontologie, ils légitiment les exigences de la société envers le corps médical.

Quelle évolution sociale pourrait justifier que ce dispositif soit réduit à néant ? Quelles évaluations attestent de l’inadéquation d’un système vers lequel se tournent chaque année des millions de patients, pour imposer cette totale remise en cause de l’existant ? Quelle force politique peut sérieusement envisager la destruction d’un système de soins qui fait chaque jour la preuve de son efficacité, de sa réactivité et de sa disponibilité face au malade ?

Vos réponses à ces questions se traduiront par vos prises de position dans le débat parlementaire sur le PLFSS. Mais ces réponses engageront la survie de la médecine libérale.

Si les articles 32 et 33, concernant les restrictions de la liberté d’installation, sont en passe d’être corrigés, l’article 30 nous paraît au moins aussi préoccupant car il est intimement lié aux articles 32 et 33.

Il est en effet évident que l’hypothèse de contrats individuels accordés « aux bons élèves » respectant à la lettre les injonctions des Caisses constitue une grave menace pour les patients : celle de voir des médecins se plier en priorité aux exigences des tutelles afin de bénéficier d’une augmentation de revenus, au risque d’abandonner l’engagement individuel auprès du patient qui caractérise le choix de l’exercice libéral. Créer un tel conflit d’intérêt, c’est choisir d’entraver la pratique libérale.

Enfin, nous voudrions insister sur un argument de la large contestation de l’article 35 créant une franchise annuelle laissée à la charge de l'assuré : trouvez-vous normal de faire supporter aux malades les charges de l’amélioration des soins pour certaines pathologies ? Il s’agit là d’une entorse grave au principe de solidarité entre malades et bien portants, mais aussi d’une dissuasion supplémentaire réduisant un peu plus l’accès aux soins, condition essentielle de Santé Publique et d’économie.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d’être particulièrement attentif au contenu des articles 30 et 35 du PLFSS.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’expression de notre haute considération.

Dr Olivier SCHMITT
Président du SNPP


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