Editorial

Olivier Schmitt
Retour au sommaire - BIPP n° 52 - Juin 2008

« Les professionnels de santé n’ont pas besoin d’être surveillés comme des enfants et que l’on vérifie s’ils ont bien effectué telle ou telle démarche de formation. » C’est notre Ministre qui vient de l’annoncer à Dinan, balayant d’une phrase le contrôle tatillon et absurde de notre FMC obligatoire. Cela va tout à fait dans le sens d’une partie de la motion n° 6 de notre dernière AG. Nous devrions être contents. Eh bien non ! La suite est redoutable et confirme les appréhensions que nous avions dans cette même motion *:

Elle «…souhaite transformer l’obligation de formation médicale continue, qui est aujourd’hui une obligation de moyens, en obligation de résultats. » La méthode présidentielle fait école. Nous savions nos Ministres prêts à toutes les démagogies, mais il est difficile d'imaginer un tel machiavélisme. Le propos s'appuie sur l'ambiguïté du télescopage insidieux de deux notions : obligation de résultats thérapeutiques et obligation de résultats dans la normalisation des pratiques (recertification).

Dans le premier cas, qui pourrait ne pas aspirer à une obligation de résultat lorsqu’il s’agit de sa propre santé ? Que ce soit complètement irréaliste et aux conséquences redoutables (ne serait-ce que juridiques), peu importe.

Dans le deuxième cas, c'est confondre le savoir et le savoir faire, le protocole et l’efficacité, la statistique et l’individu.

L'obligation de résultat est un grave changement de paradigme qui va dans le même sens que la rétention de sûreté. L’humain serait donc une machine que l’on peut formater ou mettre au rebut ? La philosophie n'est pas nouvelle et a généré des politiques monstrueuses par le passé.

Pour l’heure, Roselyne Bachelot lâche la FMC pour ne donner d’importance qu’à l’EPP. La HAS se veut toute puissante en ce domaine et refuse de travailler avec des fédérations de spécialité dépendantes des associations scientifiques suspectées d’être financées par les laboratoires. Dans le même temps, la HAS fonde sa méthodologie sur l’EBM en exigeant que les référentiels tiennent compte autant que faire se peut de la littérature internationale largement infiltrée, le plus souvent indirectement, par l’industrie pharmaceutique. La HAS a beau soigner son apparence d’intégrité, le ver est dans le fruit !

Sous des propos trompeurs aux allures de bon sens et de bonnes intentions, nos gouvernants avancent à pas forcés avec une violence sans précédent.

Que se passe-t-il ?

= Condamnés à des sanctions financières exorbitantes pour des raisons fallacieuses, nos syndicats seront muselés s’il n’y a pas un sursaut d’engagement de tous.

= Nos sociétés savantes sont marginalisées sous le prétexte qu’elles ne seraient pas indépendantes.

= Des consultations de façade sont organisées (EGOS, entretiens au Ministère coûteux et chronophages pour nos représentants…) mais on ne tient compte que de rapports d’experts désignés, flattés, mais piégés par l’idéologie néolibérale.

= Nos instances professionnelles représentatives sont systématiquement écartées des décisions, de la gestion et de l’organisation des soins au profit d’Agences d’État (HAS, ARS…).

= La suppression programmée du CNFMC s’avère non seulement un mépris total de notre agrément en tant qu’association de formation reconnue par ses pairs, mais elle ouvre la porte de l’organisation de la formation à tout organisme autoproclamé comme ceux issus de l’industrie pharmaceutique, par exemple.

Comment ne pas penser à une véritable stratégie globale d’écrasement des contre-pouvoirs, une volonté délibérée de déliter le tissu de la société civile ?

Plus que jamais nous devons être forts. Plus que jamais nous devons faire vivre nos syndicats et nos associations scientifiques reconnues par la profession comme instances démocratiques de vigilance et de lutte, de rencontre et d’élaboration, de recherche et de formation. Plus que jamais nous devons nous rassembler, sans conflits inutiles et sans nier pour autant notre précieuse diversité. C’est un enjeu de société.

Olivier Schmitt
Niort

* Voir BIPP n° 51.

Cette motion dit : « Par la mise en place d’un contrôle a priori, la Loi d’août 2004 est déjà contraire au principe d’une confiance indispensable de l’État envers les professionnels qu’il a formés. » Mais ajoute : « Aujourd'hui, la disparition programmée de la représentation professionnelle dans l’organisation de la FMC (suppression des CRFMC) laisse présager d’une bureaucratisation autoritaire plus grande encore. »


Retour au sommaire - BIPP n° 52 - Juin 2008