Le stage d'internat en cabinet privé, utopie ou nécessité ?

Mathieu Bellahsen, Pierre Coërchon
Retour au sommaire - BIPP n° 52 - Juin 2008

Une première rencontre informelle a pu avoir lieu entre le nouveau président de l’A.F.F.E.P. (Association pour la Formation Française et Européenne en Psychiatrie), Mathieu BELLAHSEN, interne en Psychiatrie et le Docteur Pierre COËRCHON, psychiatre libéral installé à Clermont-Ferrand en janvier 2000, délégué régional de l’A.F.P.E.P.-S.N.P.P. (Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé et Syndicat National des Psychiatres Privés). Ce fructueux et intéressant échange inaugure – nous l’espérons tous – le début d’une articulation souhaitable entre les internes en Psychiatrie et les psychiatres libéraux. La discussion a donc tout naturellement été l’occasion d’un riche débat entre l’étudiant en cours d’internat qui s’interroge sur sa formation, sur ses aspects positifs, sur ses défauts, dans un souci d’analyse critique constructive, et le psychiatre de la génération précédente, encore marqué dans l’après-coup de sa formation universitaire, par les carences d’une transmission sur l’exercice de la Psychiatrie en dehors du cadre sécurisant institutionnel, carences dont les effets se dévoilent lors de l’installation et de la pratique libérale en nom propre.

Les internes s’inquiètent quant à la dilution de la spécificité de la psychiatrie dans le champ médical exclusif des neurosciences, face à différents projets éventuels de modification de leur cursus universitaire, tels que :

- Le rallongement d’un an, portant à cinq années la durée de l’internat ; ce qui maintiendrait évidemment les étudiants en psychiatrie en deçà de l’expérience de responsabilité d’un exercice libéral en nom propre.

- La démultiplication des stages obligatoires dans les services hospitalo-universitaires ; ce qui, sous prétexte d’excellence scientifique, néglige l’indispensable compagnonnage par un maître clinicien, qui a pourtant toujours fait la spécificité d’une profession médicale clinique classique s’exerçant sur la relation d’un sujet à l’autre et aux autres, dans ses avatars symptomatiques.

- L’obligation pour les internes en psychiatrie de consacrer deux semestres de stages dans des services de Médecine ; ce qui viendrait assurément amputer de façon dommageable les temps de l’expérience clinique et de l’élaboration théorique si indispensables à une formation correcte en psychiatrie.

Notons que des discussions préparatoires avec les universitaires de psychiatrie ont eu lieu début juin. L’ensemble de la profession va être convié, d’ici la rentrée prochaine, à élaborer une nouvelle maquette pour l’internat de psychiatrie.

Nombreux sont les psychiatres privés qui se préoccupent d’un certain nombre de points leur semblant problématiques quant à l’avenir de la transmission du métier de psychiatre clinicien classique et libéral, non pas au sens économique du terme, mais au sens éthique que celui-ci implique, tels que :

- L’appauvrissement de la pertinence clinique diagnostique et donc thérapeutique par une lecture nosographique standardisée acquise lors de la formation universitaire qui ne correspond pas à ce à quoi le futur praticien en cabinet a à se préparer.

- Les pressions administratives et politiques de plus en plus fortes qui s’exercent sur le métier et qui pénalisent un exercice clinique correct, intelligent et inventif.

- Les dangers d’une « recertification » incessante basée sur des standards de qualité issus du monde industriel et économique, monde étranger à l’exercice de notre profession.

- L’inquiétante pyramide des âges des installations libérales des jeunes psychiatres, du fait qu’il est à présent de notoriété publique que les conditions sociales d’exercices et de revenus des psychiatres privés ne font dorénavant tenir ceux-ci, au champ du libéral, que grâce à leur vocation, leur désir et leur éthique. Les sacrifices inhérents à cette position ne sont bien sûr pas évidents pour un jeune adulte, inscrit dans notre modernité et aspirant à une vie extraprofessionnelle décente.

- L’absence de temps de travail durant la formation d’interne venant confronter l’apprenti psychiatre au terrain d’une pratique de proximité en cabinet.

À l’issue de cette rencontre, une conclusion logique est donc apparue aux deux représentants respectivement du champ des étudiants en psychiatrie et du champ des psychiatres d’Exercice Privé. Il s’agit de l’évidente nécessité de formaliser et d’intégrer au cursus de l’internat en Psychiatrie, un stage de formation chez le praticien libéral, comme il en existe déjà dans le cadre de la formation en Médecine Générale.

Les modalités d’organisation et de faisabilité d’un tel stage en pratique restent à élaborer, mais des volontés sont manifestement à présent réunies et un groupe d’étude et de recherche pour l’élaboration d’un tel projet se constitue avec tous les acteurs intéressés. Une première rencontre est programmée le 29 juin à l’AFPEP-SNPP.

Alors, au travail ! Et, à suivre…

Mathieu Bellahsen
Président de l’AFFEP

Pierre Coërchon
Clermont-Ferrand


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