Lettre ouverte aux Familles Rurales

Olivier Schmitt
Retour au sommaire - BIPP n° 52 - Juin 2008

Paris le 10 avril 2008

Familles Rurales,

Vous avez été à l’origine de la plainte qui a conduit le Conseil de la concurrence à sanctionner lourdement sept syndicats médicaux, dont le nôtre, qui se retrouvent saignés à blanc. Compte tenu du fait que le gouvernement s’engage dans des bouleversements de l’organisation des soins, on peut penser que cette condamnation avait un but politique. Ôter les moyens d’agir aux syndicats des médecins libéraux à ce moment précis n’est certes pas anodin.

Cependant, vous avez conscience du recul inquiétant de l’engagement de la Sécurité Sociale dans les soins aux malades. Cela a pour conséquence une augmentation incessante du reste-à-charge dans le coût des soins pour la population et une régression des revenus de certaines professions médicales et particulièrement les spécialités cliniques.

Nous avons conscience que le problème des revenus des médecins est une affaire secondaire par rapport à la destruction progressive de notre système de santé. Mais la cause en est la même : Un écrasement progressif de la Solidarité Nationale au profit d’une privatisation rampante de l’Assurance Maladie. Dans cette perspective, les médecins risquent de perdre leur indépendance par rapport à l’intérêt des grands groupes financiers de l’assurance et de l’industrie, les patients auront des soins de plus en plus chers, des remboursements de moins en moins conséquents et les exclus des soins seront de plus en plus nombreux.

Dans tous nos écrits syndicaux et dans toutes nos actions, nous avons depuis toujours soutenu le principe d’une Convention médicale avec la Sécurité Sociale garante de l’accès aux soins de qualité pour tous.

Malgré tous nos efforts, le rouleau compresseur de la destruction continue à avancer inexorablement de manière de plus en plus intensive. Il nous fallait absolument mobiliser ceux que nous pouvions toucher : les médecins. Ne pouvant nous substituer aux organisations plus à même de défendre la protection sociale au niveau de la population — les associations de patients, de salariés ou même de consommateurs, sont peut-être parmi les mieux placées pour cela — nous avons agi à notre niveau pour alerter de manière forte nos tutelles de cette dérive. Nous avons donc adhéré au mouvement de l’utilisation du dépassement pour circonstances exceptionnelles (DE) dans une dynamique de lutte pour la qualité des soins, cette disposition, pourtant légale, était extrêmement peu utilisée*. C’était notre seul champ professionnel d’action possible. Nous en subissons aujourd’hui les conséquences, mais, étant donné l’enjeu de société, nous ne pouvions pas rester inactifs.

Même si les médecins n’en espéraient pas de véritables profits immédiats car ils s’exposaient à des pénalités que les CPAM n’ont pas manqué de mettre en œuvre ici et là, ils pensaient que c’était un signe fort envoyé aux pouvoirs.

Le but n’était donc pas un enrichissement par le DE, même si certains ont pu le croire, le but était de sortir d’une spirale dangereuse de désengagement de la Solidarité Nationale voulu ou subi de manière insidieuse par les politiques au pouvoir.

Cette démonstration nous semblait possible. Elle a d’ailleurs eu quelques effets, malheureusement limités et éphémères, sur les négociations suivantes. Mais, évidemment, cette action syndicale était apparemment paradoxale et médiatiquement difficile à faire comprendre. Votre plainte en est la preuve.

Les syndicats les plus actifs étaient donc des empêcheurs de détruire en toute quiétude ce qui fait l’honneur du système français.

Fallait-il les museler ?

Nous ne pouvons que soutenir ceux qui œuvrent pour la conservation de la Solidarité Nationale et leur rappeler qu’il ne faut pas se tromper d’adversaires.

Olivier Schmitt
Président du Syndicat National des Psychiatres Privés

* De source SNIR, plus de 99 % des actes des psychiatres, tous secteurs conventionnels confondus, se font sans dépassement.


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