N° 27 - Mars 2012

La Haute Autorité de Santé se discrédite à nouveau...
... et perd toute autorité à nos yeux

Depuis sa création, la HAS a mis en place les visites d'accréditation, les EPP (évaluation des pratiques professionnelles pour la soi‐disant formation continue).... Bonnes intentions affichées qui se révèlent dramatiques dans leur application : chronophages, inefficaces, les accréditations et les EPP n'ont rien apporté à l'amélioration du soin, et ont détourné les médecins de leur travail auprès des patients. Si on peut toujours y trouver quelques questions intéressantes, le cadre proposé se révèle chaque fois trop normatif, et au final stérile. Et ces quelques éléments qui pourraient se défendre ne justifient de toute façon pas de focaliser tant d'attention sur les infections nosocomiales en clinique psychiatriques (où elles sont tout de même très rares !), ni sur la tenue protocolisée des dossiers médicaux (qui nous amène à ne plus rien y écrire d'utile pour le soin).

La HAS a aussi mis en place des recommandations de bonnes pratiques :

1. la dépression (en 2002) où les médicaments sont la panacée (grade A), les TCC sont bons (grade B), les autres psychothérapies ne sont pas mal (grade C), et la psychanalyse est tout juste acceptable (simple « accord d'experts »)...

2. sur les TOC « résistants » (en 2004) où la neuro‐chirurgie est mise en avant alors que le mot psychanalyse n'apparaît pas du tout.

3. l'anorexie en 2010 où la psychanalyse n'apparaît pas non plus !

C'est‐à‐dire que la HAS a réussi le tour de force de décider des pratiques psychiatriques à recommander ou non en n'ayant quasiment jamais entendu parler de psychanalyse !

Quelle amélioration des soins depuis ces recommandations ? Malgré une large (et coûteuse) diffusion, quels psychiatres y ont trouvé une aide pertinente pour leur pratique clinique ?

Le 8 mars 2012, la HAS affirmait ne pas être en mesure d'évaluer la psychanalyse auprès des enfants autistes, mais la condamne quand même dans ses commentaires, en sous‐entendant qu'une pratique qui ne serait pas évaluée depuis 30 ans doit être arrêtée.

Ce n'est que par manque de courage que la HAS a finalement conclu que la psychanalyse est« non consensuelle » (donc tolérable) plutôt que « non recommandée » auprès des autistes. Avec exactement la même argumentation, elle n'a pas hésité à déclarer le packing « non recommandable » !

Pourtant récemment, les scandales touchant l'industrie pharmaceutique ont montré l'imposture de ce qui est vendu sous couvert de « science ». Et ce week‐end, le meeting du collectif des 39 (auquel ont participé des membres du SNPP) a été l'occasion de démonter la pseudo‐science « validée par la HAS ». André Coret (bien connu pour ses interventions aux Journées Nationales de l'AFPEP) a ainsi exposé les sources théoriques et idéologiques de la méthode ABA (texte d'André Coret disponible en pièce jointe), et François Gonon a brillamment exposé l'imposture scientifique qui prétend que l'autisme est une maladie génétique (notamment la prétendue différence de concordance entre jumeaux monozygotes et dizygotes se réduit à chaque nouvelle étude sur la question, arrivant à la moitié environ de ce qui était proclamé initialement). François Gonon dont nous rendons comptes de certains travaux dans le BIPP n°61 p16). Les vidéos des interventions seront bientôt disponibles sur internet.

Les critères d'évaluations absurdes que la HAS impose trouvent ici leurs effets, qu'on n'ose imaginer être leur but : les travaux français des Prs Golse et Delion par exemple sont passés sous silence, alors même qu'ils ont tenté justement de jouer le jeu d'une évaluation scientifique universitaire dans une pratique intégrative. Notamment la seule reconnaissance des travaux se référant au DSM4 exclut de fait toutes les études se référant à la CFTMEA (Classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent coordonnée par Roger Misès) pourtant la plus utilisée en pédopsychiatrie, et la seule qui prend en compte la psychopathologie. Le DSM5 annonce d'ailleurs un élargissement des critères du TED qui fait craindre le pire !

Les autistes ne peuvent pas devenir une sous‐catégorie de la population qui n'aurait pas le droit à l'accès à toute pratique d'inspiration psychanalytique. Nous rappelons l'importance de la psychanalyse dans la compréhension des mécanismes psychopathologiques, et refusons de laisser dire que les autistes ne devraient être « soignés » que comme des robots à éduquer. Loin des caricatures du documentaire "le mur", la psychanalyse ne prétend pas être un traitement curatif de l'autisme de Kanner, mais les travaux actuels de Genevieve Haag (http://old.psynem.org/Cippa/) ou de MC Laznik http://www.oedipe.org/fr/interview/autisme) montrent que la psychanalyse aide à penser la pathologie autistique dans sa complexité. Mais surtout, la pédopsychiatrie n'est pas du tout exclusivement psychanalytique, et ceux qui travaillent en CMPP, et établissements médico‐sociaux utilisent bien souvent plusieurs références théoriques et méthodes de soin.

Cette partialité dans les travaux retenus avait déjà fait scandale à l'INSERM lors du rapport sur l'évaluation de l'efficacité comparée des psychothérapies. La HAS sait donc parfaitement les conséquences de ses choix idéologiques, et ne peut prétendre à l'impartialité.

Nous dénonçons donc les propos du Pr Haroussau (président de la HAS) qui prétend que les psychiatres ne s'évaluent pas. Ce sont les méthodes d'évaluation de la HAS qui sont défaillantes, et au‐delà toute son organisation. A commencer par le Pr Harousseau lui‐même, qui doit être garant de l'indépendance et de l'impartialité de l'institution, bien qu'il déclare avoir reçu plus de 200.000 € de l'industrie pharmaceutique entre 2008 et 2010. Comment croire à sa neutralité ?

L'AFPEP‐SNPP demande la mise en place d'une politique forte de création de structures adaptées pour les enfants, adolescents et adultes autistes, et renvoie au Pr Haroussau sa demande : la HAS doit s'évaluer, se réformer, s'ouvrir à la diversité des pratiques et des théories, faute de quoi nous ne pourrons la considérer que comme une instance nuisible au soin dont les activités sont de plus en plus attendus avec méfiance par les professionnels de psychiatrie.

Dr Elie WINTER,
Secrétaire général de l'AFPEP‐SNPP

 

PS : pour illustrer l'inadéquation de la méthode à l'objet d'étude, et les conséquences qui s'en suivent...

Un président de société reçoit en cadeau un billet d'entrée pour une représentation de la Symphonie Inachevée de Schubert. Ne pouvant s'y rendre, il passe l'invitation au responsable des Ressources Humaines de sa société. Le lendemain, le président se voit remettre le rapport suivant :

1 - les quatre joueurs de hautbois demeurent inactifs pendant des périodes considérables. Il convient donc de réduire leur nombre et de répartir leur travail sur l'ensemble de la symphonie, de manière à réduire les pointes d'inactivité.

2 - les douze violons jouent tous des notes identiques. Cette duplication excessive semblant inutile, il serait bon de réduire de manière drastique l'effectif de cette section de l'orchestre. Si l'on doit produire un son de volume élevé, il serait possible de l'obtenir par le biais d'un amplificateur électronique.

3 - l'orchestre consacre un effort considérable à la production de triples croches. Il semble que cela constitue un raffinement excessif, et il est recommandé d'arrondir toutes les notes à la double croche la plus proche. En procédant de la sorte, il devrait être possible d'utiliser des stagiaires et des opérateurs peu qualifiés.

4 - la répétition par les cors du passage déjà exécuté par les cordes ne présente aucune nécessité. Si tous les passages redondants de ce type étaient éliminés, il serait possible de réduire la durée du concert de deux heures à vingt minutes.

Nous pouvons conclure, Monsieur le Président, que si Schubert avait prêté attention à ces remarques, il aurait été en mesure d'achever sa symphonie.

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