N° 6 - Juin 2010

Rappels

Le décret qui fixe le statut de psychothérapeute ne doit pas nous faire oublier que la pratique psychiatrique libérale est le paradigme de la pratique psychothérapique. La psychothérapie, suivant la formule célèbre de Gérard Bles, est consubstantielle à la consultation psychiatrique. La psychothérapie est pour le psychiatre, et depuis toujours, l'essence de son travail, quelles que soient ses références théoriques. L'Assurance maladie le sait, le législateur l'entérine et nul interlocuteur sérieux ne songe à remettre ce point en question.

Les très nombreux psychologues ayant un diplôme de niveau master (bac+ 5) préfigurent la création de ces nouveaux métiers, dans une tendance lourde de segmentation. Plutôt que de chercher à dégager les médecins de tâches médicales, ne faudrait-il pas plutôt permettre aux médecins cliniciens de se dégager des tâches administratives qui s'amplifient ? Une meilleure rémunération leur permettrait d'employer le personnel qui leur fait défaut et qui leur permettrait de consacrer plus de temps à leurs patients. Et parallèlement, ne faudrait-il pas plutôt, permettre à un plus grand nombre de paramédicaux d'accéder à la formation, au statut et à la responsabilité de médecin, dans l'esprit de la loi Pécresse, que les décrets se sont empressés de dénaturer ?

Le DPC (Développement Professionnel Continu), qui va regrouper la Formation Médicale Continue et l'Evaluation des Pratiques Professionnelles, a fait l'objet de décrets que le Ministère de la Santé accepterait de revoir. Ainsi, l'Organisme de Gestion du DPC devrait-il regrouper, outre l'Assurance maladie et l'Etat, les Syndicats Médicaux. Syndicats Médicaux représentatifs, naturellement, et le Journal Officiel vient de définir les critères de représentativité des Syndicats :

- indépendance, en particulier financière,

- effectifs d'adhérents à jour de leur cotisation,

- ancienneté minimale de deux ans,

- audience en fonction des résultats aux dernières élections aux Unions Régionales, pour les spécialistes, au moins 10 % des suffrages exprimés au niveau national.

Ces élections sont fixées au 29 septembre pour les médecins. Comme chacun sait, il y aura trois collèges électoraux : généralistes, spécialistes et un troisième collège réservé aux chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes. On pourra lire le communiqué de presse "De la convention de 2005 au règlement arbitral" sur le site de la Fédération des Médecins de France (http://www.fmfpro.com/).

Pierre Cristofari
Secrétaire Général

Radical

Face à la politique gouvernementale en matière de santé, la réponse des psychiatres, assez vague depuis un certain temps, s'est cristallisée autour du discours de M. Sarkozy sur la sécurité des hôpitaux psychiatriques. Ce discours a eu pour effet de radicaliser les voix d'opposition.

Or, si on veut vraiment aller à la racine des choses, il faut creuser plus loin que la question sécuritaire. Les pouvoirs publics sont en train de nous imposer l'ensemble de l'idéologie du management "moderne" avec ses aspects les plus cyniques. Personnel devenu ressources humaines, sous-entendu à exploiter, des pions, recrutement des libéraux pour les soins sous contrainte ; multiplication des protocoles (process) visant le contrôle total des opérations par le sommet, alors que la responsabilité est portée par l'encadrement moyen ; tout le savoir attribué à un petit groupe d'experts (HAS, OMS), les autres n'ont qu'à exécuter ; obsession de la productivité, réduction des coûts non-productifs ; obsession de l'évaluation chiffrée;  et puis bien sûr la gestion du risque, la sécurité, qui n'en est qu'un volet.

Admettons que tout ceci puisse structurer tant bien que mal une entreprise de production. Mais c'est radicalement opposé à tout ce qui fait le soin en psychiatrie et même en médecine. Totalement inacceptable. Je vois d'ailleurs de plus en plus de patients qui souffrent des méfaits de ce système.

À mon sens, M. Sarkozy nous a habilement jeté un os à Antony. Les plus militants d'entre nous se sont précipités dessus et n'en finissent pas de le ronger. Bien sûr, aucun de nous ne peut supporter une psychiatrie sécuritaire mais à en faire notre seul cheval de bataille on perdra la guerre. Accuser M. Sarkozy d'assimiler tous les malades mentaux à des fous dangereux, ce vieux fantasme, relève d'une erreur d'interprétation, c'est un coup d'épée dans l'eau : relisez le texte, qui se trouve sur le site de la Nuit Sécuritaire, il prend d'amples précautions oratoires pour ne pas tomber là-dedans, il n'est pas assez bête pour cela. Le problème est que seule la dangerosité des malades l'intéresse, il n'a probablement aucune idée du travail qu'on fait réellement avec l'énorme majorité des patients, ça ne figure pas dans sa grille de lecture. Pour être radical il faudra critiquer l'ensemble de la politique actuelle et surtout faire valoir notre travail avec des arguments positifs. Il y a du pain sur la planche. À crier "dérive sécuritaire" à tout bout de champ on joue le jeu du pouvoir ; le citoyen lambda finira par comprendre que nous prônons l'insécurité.

William Markson

Le règlement arbitral

Il fallait s'y attendre, le règlement arbitral ne nous a rien apporté. La délégation de la FMF lorsqu'elle a été reçue par son rédacteur, Bernard Fragonard, a pourtant insisté sur la situation sinistrée des spécialités cliniques au premier rang desquelles la psychiatrie, en demandant une revalorisation du CPsy. Cette demande est restée vaine, aucune revalorisation tarifaire n'a été accordée, pas même aux médecins généralistes. Par contre, le principe des sanctions financières pour non télétransmission a été acté et rentrera en vigueur le 1er janvier 2011.

Rien de satisfaisant pour nous dans ce texte puisqu'il a reconduit, par ailleurs, les dispositions conventionnelles antérieures que le SNPP a dénoncées avec vigueur et notamment l'instauration du parcours de soins en psychiatrie pour les plus de 26 ans. Il reconduit aussi tout l'arsenal de sanctions à la disposition des directeurs de Caisses qui peuvent ainsi multiplier les contentieux avec les médecins libéraux comme on le voit actuellement au sujet de l'utilisation du D.A. ce qui était hautement prévisible.

Ce texte décline avant tout les multiples obligations auxquelles doivent satisfaire les médecins libéraux avec le corollaire logique de l'arsenal des sanctions auxquelles ils s'exposent en cas de non observance stricte.

La lecture attentive de ce texte fait frissonner comme nous avions frissonné à la lecture de la convention de 2005. Ce n'est pas faute d'avoir suscité des commentaires et des difficultés qui auraient pu être prises en compte. Il n'en a rien été.

Ce texte nous rappelle l'absolue nécessité d'une revalorisation conventionnelle à même de rénover le cadre de notre pratique libérale avec une véritable reconnaissance de la qualité et de la spécificité des soins délivrés par les médecins libéraux.

Yves Froger
Président de l'AFPEP - SNPP

 

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