N° 7 - Juillet 2010

Le " titre de psychothérapeute "

Le décret récent le réglementant ne signifie pas grand chose ; son ambition initiale était de ne pas laisser la partie trop facile aux sectes. Ambition peut-être légitime mais dépassée : d'innombrables vocables ont déjà été forgés, désignant d'innombrables n'importe quoi thérapies, rendant obsolète ce titre. Les psychiatres - encore heureux - ne sont pas concernés par ce décret mais il faut rappeler quelques points.

Les psychiatres affichent une considération qui les honore vis-à-vis des professions proches (psychologues, infirmiers en psychiatrie). Mais ils ont l'habitude, surtout parmi les plus jeunes, de se dévaloriser. Comme si ne comptaient pour rien leur douzaine d'années d'études, leur apprentissage de la souffrance au cours de leurs études de médecine, leurs années d'internat, leurs gardes...

Après tout cela, certains se croient mal formés à la psychothérapie - comme si d'autres pouvaient, dans un cursus universitaire faire mieux. Prenons le problème par le bon bout, plutôt que par celui de la lorgnette : peut-on imaginer l'existence d'un psychiatre qui ne serait pas psychothérapeute ? Mais que ferait-il de ses journées ? Conseiller du Ministre, probablement : que pourrait-il faire d'autre ?

C'est un peu comme si on disait qu'un psychiatre pouvait ne pas être, de plein droit pharmacothérapeute. Même s'il prescrit très peu de médicaments, il va de soi qu'il est de son devoir de les avoir en réserve (comme par exemple, les hospitalisations sans consentement) dans une stratégie thérapeutique.

La psychiatrie est née, peu ou prou, avec Pinel. Peu importe ici l'historicité des faits, le mythe suffit.

Un micro-trottoir auprès de n'importe quel psychiatre donnera la même réponse : Pinel c'est le "traitement moral". Ce qui se dit en français moderne, hellénisé pour faire savant : "psychothérapie".

En médecine clinique et donc en psychiatrie, il y a peu de clinique et beaucoup de langage. On ne peut à la fois se gausser de l'excès de technicité et vouloir faire du langage une technique protocolisée qui s'étudierait et se mettrait en œuvre comme n'importe quelle technique, en apprenant par cœur le mode d'emploi.

Ce décret imbécile concerne en revanche nos confrères non psychiatres et nos amis psychologues.

Nous leur indiquons l'excellent texte d'un psychologue universitaire, Monsieur Philippe Grobois (www.psychologuesenresistance.org/spip.php?article141) dont la position rejoint la nôtre.

Etre psychothérapeute est une fonction. C'est aujourd'hui hélas, un titre : ça n'en fait pas un métier.

On voit mal ce qu'un psychiatre ferait sur une liste départementale de " psychothérapeutes " d'horizons incertains, tant cette fonction est le fondement historique et quotidien - de notre métier.

Pierre Cristofari
Secrétaire Général

 
Nouvelle réglementation du titre de psychothérapeute

Le décret d'application de l'article 52 de la loi de santé publique du 9 août 2004 réglementant le titre de psychothérapeute vient enfin de paraître. Il n'aura pas fallu moins de douze ans de débats, souvent très houleux, pour en arriver là : six ans depuis la première proposition de loi de Bernard Accoyer en 1998 à la loi du 9 août 2004 ; six ans depuis le vote de cette loi jusqu'au décret d'application. C'est assez dire que l'affaire n'était pas simple.

La décision politique de parvenir à réglementer le titre de psychothérapeute est d'abord venue d'une volonté de clarifier une offre de soins présumée polluée par des sectes qui pourraient approcher leurs futures victimes sous couvert de soins psychothérapiques. Pour ceux qui exercent déjà dans le cadre de professions réglementées, psychiatres et psychologues, il n'y a rien ici de choquant dans le principe.

Les difficultés ont cependant immédiatement surgi du fait qu'il est apparu que la réglementation du titre de psychothérapeute ne devait en aucun cas aboutir à une réglementation de la psychothérapie elle-même, faute de quoi l'on risquait de voir s'instaurer une " psychothérapie d'Etat ", selon l'expression qui a parfois été utilisée. Dès lors, il était inévitable que l'on se dirige vers une définition du niveau de formation requis pour avoir droit au titre de psychothérapeute et les professionnels se sont de fait trouvés clivés en deux groupes : les professions déjà réglementées (psychiatres et psychologues) d'une part, auxquelles se sont ajoutés les psychanalystes; tous les autres d'autre part. Au premier groupe de professionnels devait être accordé de droit le titre de psychothérapeute ; les professionnels du second groupe, c'est-à-dire tous les autres, devaient pouvoir faire la preuve d'une formation suffisante pour accéder au titre. Des mesures transitoires assez souples étaient par ailleurs prévues pour régler le cas des psychothérapeutes déjà en exercice. Tel était l'esprit de l'article 52 tel qu'il a été voté.

Cet article 52 remettait à un décret ultérieur le détail de la formation permettant d'avoir accès au titre pour les professionnels du second groupe. Or, et c'est tout le problème actuel, il se trouve que les psychologues et les psychanalystes se voient imposer un surcroît de formation pour pouvoir accéder au titre de psychothérapeute alors que l'article 52 laissait espérer qu'ils pourraient bénéficier " de droit ".

La formation définie par le décret consiste en 400 heures de formation théorique et 5 mois de stage dans un établissement agréé. Cette formation est accessible à des titulaires d'un diplôme de niveau doctorat ou master. La formation théorique se répartit en quatre domaines : développement, fonctionnement et processus psychiques, critères de discernement des grandes pathologies psychiatriques, théories en psychopathologie et principales approches psychothérapiques.

La formation exigible est modulée en fonction de la formation initiale comme le montre le tableau suivant 

Thème

Psychiatres

Médecins non psychiatres

Psychologues cliniciens

Psychologues non cliniciens

Psychanalystes enregistrés dans l'annuaire de leur association

Autres professionnels

développement, fonctionnement et processus psychiques

0

0

0

0

0

100 h

critères de discernement des grandes pathologies psychiatriques

0

0

50 h

100 h

100 h

100 h

théories en psychopathologie

0

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

principales approches psychothérapiques

0

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

stage

0

2 mois

2 mois

5 mois

2 mois

5 mois

 

Les psychiatres semblent donc les grands gagnants de cette affaire puisqu'ils sont les seuls à pouvoir revendiquer le titre de psychothérapeute du simple fait de leur diplôme, sans aucune formation supplémentaire. Les psychologues protestent violemment devant cette discrimination. Les psychanalystes demeurent plus discrets.

Mais quelques questions essentielles demeurent : que gagnent ici les psychiatres que perdraient les autres ? Et surtout : que gagnent les patients ?

Le SNPP a constamment soutenu que la psychothérapie était une dimension de l'acte du psychiatre. Certes le décret le confirme mais que gagnent les psychiatres si, en demandant à se faire inscrire sur le registre des psychothérapeutes, leur pratique se voit rabattue à cette seule dimension ?

De surcroît, au cours de tous les débats sur la question du titre de psychothérapeute, le SNPP a toujours eu à cœur de souligner que la psychothérapie elle-même ne pouvait se réduire à la maîtrise d'une ou plusieurs techniques psychothérapiques. Que gagnent les psychiatres si, demain, le titre de psychothérapeute équivaut à se déclarer expert dans une technique au détriment de la capacité qui leur est actuellement reconnue de proposer une réponse thérapeutique adaptée à chaque patient au cas par cas, ce qui va bien au-delà de la simple maîtrise d'une technique.

Que gagnent les patients si le titre de psychothérapeute, dont la réglementation a été initialement souhaitée pour clarifier l'offre de soins, ne conduit qu'à une confusion des métiers puisque tous, psychiatres, psychologues, psychanalystes et tous ceux qui auront suivi une formation permettant de l'obtenir pourront se prévaloir de ce titre ? Certes, il importait de se soucier de l'influence des sectes qui usurpent la position de psychothérapeute mais était-il judicieux de s'y prendre de cette manière qui conduit à une plus grande confusion encore alors que ce dispositif ne garantit finalement rien par rapport au risque d' influences sectaires.

C'est pourquoi le SNPP ne peut qu'en rester à ce qu'il avait déjà proposé dès le début de ces débats par la plume d'Yves Froger* : il aurait mieux valu interdire à quiconque de porter le titre de psychothérapeute car il n'y a pas de métier de psychothérapeute. Il y a des psychiatres, des psychologues, des psychanalystes. Chacun de ces métiers implique une dimension psychothérapique de la pratique mais qui ne la résume pas et, surtout, ne peut en être séparée .

Revendiquer le titre de psychothérapeute serait au contraire revendiquer la séparation de cette dimension du reste de la pratique pour entrer dans l'illusion que la seule maîtrise d'une technique puisse être efficace sur le plan thérapeutique. Quand bien même ce titre nous est offert, quel avantage peut-il exister, que ce soit pour les psychiatres ou pour les patients, à cultiver cette illusion ?

Jean-Jacques Laboutière
Mâcon

* Il n'y a pas de métier de psychothérapeute. Yves Froger. BIPP n°26 Juin 2000

 

Réforme de la loi de 1990

Le projet de loi sur la réforme de la loi de 1990 sur les hospitalisations sans consentement préoccupe évidemment beaucoup les psychiatres, quel que soit leur mode d'exercice. Lundi 21 juin, la réunion du Comité d'Action Syndical de la Psychiatrie, qui regroupe avec notre syndicat la plupart des syndicats de psychiatres hospitaliers s'est centrée sur ce projet de loi.

L'hostilité à ce projet est partagée : son inutilité est manifeste, ses desseins ambigus. Le sécuritarisme qui le sous-tend prétend accorder de plus grands droits pour les patients en introduisant l'idée de soins ambulatoires sans consentement. Mais ce projet n'indique aucunement les moyens qui pourraient permettre la mise en œuvre d'une idée qui veut se faire passer pour une avancée : suffirait-il comme l'a évoqué Madame Bachelot, de réquisitionner les psychiatres libéraux pour les faire travailler " sous la responsabilité " de leurs collègues hospitaliers ?

La loi de 1838 qui inventait les hospitalisations sous contrainte, créait aussi les asiles d'aliénés, se donnait les moyens d'être appliquée. Le législateur doit avoir l'histoire à l'esprit : le projet actuel est vague et insuffisant, il fait la part trop belle aux préfets. Il doit être amendé. Il apparaît aujourd'hui clairement que la majorité de notre profession, tous modes d'exercice confondus, est hostile à ce projet.

Il est irritant de penser que Madame Bachelot s'était permis de prétendre pour ce projet s'appuyer sur la majorité des psychiatres.

Pierre Cristofari
Secrétaire Général

Les Journées Nationales de la Psychiatrie Privée

Les XXXIXes Journées Nationales de la Psychiatrie Privée se tiendront à Dinan du 30 septembre au 2 octobre 2010, sur le thème " Transmettre : hasard et nécessité ".

Le format sera toujours le même (conférence inaugurale le jeudi soir, Journées proprement dites les vendredi et samedi, réunion syndicale le dimanche matin pour les plus courageux).

Soulignons le plaisir que nous font nos jeunes collègues internes en psychiatrie en participant à ces Journées. Prévoyez votre voyage en tenant compte, pour les plus éloignés qui viendront en avion, qu'il est mal commode d'arriver à Nantes et qu'il vaut mieux atterrir à Rennes pour aller à Dinan.

 

 

Directeur de publication: Yves Froger
Rédacteur en chef : Pierre Cristofari
Mise en page : Elie Winter
Comité de rédaction : le bureau