Hospitalisation privée
UN " FEUILLETON " A REBONDISSEMENTS : LA CONTROVERSE AUTOUR DE LA PRISE EN CHARGE FINANCIÈRE DE LA " PERMANENCE MÉDICALE " PRÉVUE PAR L’ANNEXE XXIII
Est-il nécessaire de rappeler le conflit qui oppose depuis des années les praticiens exerçant en hospitalisation privée et les établissements, en particulier ceux dépendant de la FIEHP (le syndicat catégoriel se dénommant désormais le "C PSY "), sur la question de la charge financière de la permanence médicale prévue par l’Annexe XXIII qui régit ces établissements et qui se traduit très souvent par l’inclusion de son coût dans la redevance que versent ces psychiatres, que cela soit prévu dans leur contrat ou non ?
Ce dispositif de permanence, dans les textes, est clairement distinct des soins psychiatriques proprement dits (article 20, titre III de l’Annexe XXIII) et le médecin qui l’assure n’a pas à être qualifié en psychiatrie. Ne produisant pas d’actes au sens de la Nomenclature, ce dernier est rémunéré sur le mode salarial. Obligation réglementaire, l’existence de cette permanence conditionne l’agrément de l’établissement et intervient dans son classement.
Les psychiatres qualifiés, quant à eux, sont très généralement rémunérés à l’acte. Ces actes sont répertoriés dans le Titre XIII de la N.G.A.P. (récemment modifié par l’Arrêté du 28 janvier 1997, remplaçant le K de chimiothérapie intensive par le CNPsy 0,8 de " prise en charge intensive… acte de soins complexe… ") ou, à défaut, dans l’Article 20 (par. d) des Dispositions générales de la même Nomenclature qui fixe les conditions dans lesquelles peut être coté l’honoraire (C) dit "de surveillance médicale" (par analogie avec l’ensemble des établissements d’hospitalisation). L’application de ces cotations n’est pas forfaitaire mais doit correspondre à un acte effectif mettant en rapport le médecin et le patient (on parle généralement d’examen, désignation relativement inadéquate pour le soin psychiatrique, dont la complexité est clairement reconnue dans le libellé du CNPsy 0,8).
L’argument textuel utilisé par les établissements pour imputer aux psychiatres le coût de la permanence médicale est que cet article 20 précise que la cotation C concerne les praticiens " assurant la surveillance constante dans l’établissement " (libellé analogue à celui concernant les cliniques médicales et introduisant la règle d’un quota de malades par praticien – 30 patients en l’occurrence). Cet argument se fonde donc sur une confusion sémantique (entre " constant " et " permanent ") et une méconnaissance quant aux finalités et aux opérateurs des deux dispositifs. De surcroît, admettre que la rémunération salariale de la permanence serait incluse dans l’honoraire de l’acte libéral reviendrait à organiser un assistanat non déguisé, en principe interdit du point de vue de la déontologie.
C’est à propos de ce dernier point que le S.N.P.P. avait saisi le Conseil National de l’Ordre des Médecins en mars 1998, dans l’espoir d’une prise de position qui puisse clarifier le problème. A la suite de cette demande le C.N.O. organisait une réunion des différentes parties concernées le 17 juin 1998. Le débat débordait malheureusement très largement ce point de droit pour évoquer l’ensemble de l’organisation des soins en clinique psychiatrique en introduisant de multiples paramètres comme la continuité des soins, les gardes ou les astreintes spécialisées. Il reflétait une méconnaissance certaine de la nature et de l’organisation actuelle du travail psychiatrique en hospitalisation. Le compte-rendu définitif de la réunion ne sortait que le 25 septembre… Et si le Secrétaire général du C.N.O. y soulignait la nécessité de réviser les textes réglementaires du fait de leur caractère obsolète, il n’écartait pas la possibilité d’admettre le salariat d’un médecin par un autre " dès lors qu’un certain nombre de garanties déontologiques [seraient] apportées ", conclusion provisoire traduisant selon nous une incompréhension persistante de l’organigramme institutionnel.
Le problème était à ce point non résolu qu’une nouvelle réunion a été organisée le 9 mars 1999, cette fois-ci à l’initiative de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (Commission permanente de la nomenclature générale des actes professionnels), dans la perspective d’une révision ponctuelle du libellé de l’article 20 des Dispositions générales de la Nomenclature quant à la nature et au contenu du C de surveillance, en présence du Dr Champetier de Ribes, interniste, membre de la Commission de la Nomenclature. Et là encore, la discussion dérivait sur l’évolution potentielle de l’organisation des soins en clinique psychiatrique, la question des gardes, des astreintes, de la continuité des soins. Il est apparu toutefois à peu près clairement, tout au moins à l’écoute du signataire de ces lignes, qu’une distinction nette devait être maintenue entre soins psychiatriques et soins médicaux généraux, que par ailleurs il y avait antinomie entre notion de permanence et paiement à l’acte, qu’enfin il n’y avait peut-être pas tellement lieu de réviser le texte de la Nomenclature sauf à supprimer éventuellement le terme équivoque de " surveillance constante " (suggestion de Mme Sims-Lagadec, division des établissements conventionnés, CNAMTS), solution délicate cependant en ce qu’elle impliquerait d’autres établissements (cliniques médicales).
Nous en sommes là. Nous attendons maintenant les conclusions du Dr Champetier de Ribes. On peut cependant souligner une fois de plus dès à présent que le C de surveillance n’est en rien forfaitaire et qu’il honore un acte effectivement réalisé – que, par ailleurs, il faut s’attendre à plus ou moins court terme à des redéfinitions de l’organigramme des soins en clinique psychiatrique, avec en particulier l’intervention probable des ARH. Dans cette dernière perspective le S.N.P.P. doit se préparer pour sa part à une réflexion prospective axée essentiellement sur la qualité des soins. Mais en l’état actuel des choses, notre position sur la permanence des soins et son financement demeure inchangée.
Gérard BLES