Editorial

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 26 - Juin 2000

Durant quatre ans cette première page du BIPP a été l'espace réservé des chroniques de Gérard Bles et chacun comprendra à quel point il peut être difficile, et combien émouvant, d'ouvrir aujourd'hui ce numéro du BIPP, le premier après sa disparition.

Mais le travail continue. Ainsi que le prévoyaient nos statuts, c'est notre 1er vice-président, Antoine Besse, qui a succédé à Gérard Bles à la présidence de l'A.F.P.E.P. et du S.N.P.P. en attendant l'élection d'un nouveau Bureau après notre Assemblée Générale ordinaire de décembre prochain. Rassemblée autour de lui, toute notre équipe aura à cœur de poursuivre l'action que Gérard Bles animait depuis 1996.

En cette veille de vacances, l'actualité reste en effet très dense sur le front syndical et exige toute notre vigilance. Ainsi que nous l'évoquions dans notre dernier numéro, c'est sans aucun doute la question de la réglementation de l'exercice des psychothérapies qui va occuper le devant de l'actualité dans les prochaines semaines. Après la proposition de loi Accoyer à l'automne dernier, après la proposition de loi Marchand au printemps, c'est maintenant le Parti Socialiste qui devrait déposer de manière imminente un projet de loi sur ce sujet.

A l'heure où nous mettons sous presse, nous ignorons encore le contenu de ce projet de loi. On le sait, certaines sectes avançant sous le masque d'activités psychothérapiques, le Politique est désormais résolu à établir une lisibilité de l'offre de soins dans le but de protéger les usagers. Si nous ne pouvons que soutenir cette ambition, encore faudrait-il que sa réalisation ne soit pas au prix d'enfermer les pratiques psychothérapiques dans une réglementation si rigide qu'elle en viendrait à dégrader nos pratiques. Certes, la compétence psychothérapique des psychiatres ne peut être sérieusement remise en cause. Néanmoins, il reste à craindre que l'éventuelle instauration d'un titre de psychothérapeute garanti par l'Etat, parallèlement aux deux professions réglementées existant déjà de psychiatre et de psychologue, non seulement brouille davantage l'offre de soins qu'elle ne la clarifie mais surtout n'entraîne symboliquement une dissociation entre le versant médical et psychothérapique de la psychiatrie qui attaquerait les fondements même de notre discipline. A l'unisson sur ce point de toutes les représentations professionnelles, le S.N.P.P. s'est déjà clairement fait entendre au cours des derniers mois. Le débat ne fait toutefois que commencer, et c'est pourquoi nous présentons dans ce numéro un important dossier pour en présenter les enjeux.

Au-delà de cette actualité spécifique à notre exercice, nous restons bien sûr concernés par les problèmes qui affectent toute la médecine libérale. La victoire de la C.S.M.F., que soutenait le S.N.P.P., aux élections pour les Unions Régionales des Médecins Libéraux éloigne les craintes sur l'accès direct du patient au psychiatre de son choix. Pour autant, d'autres menaces subsistent, tout particulièrement en ce qui concerne le secret médical : télétransmission, nouvelle réglementation de l'accès au dossier médical sont autant d'attaques contre la confidentialité. Afin d'obtenir le maximum d'efficacité dans ces combats, le S.N.P.P. a décidé de les mener en s'inscrivant résolument dans la synergie intersyndicale offerte par le Comité d'Action Syndical de la Psychiatrie, qui regroupe la majorité des syndicats de psychiatres.

Enfin, cet éditorial ne peut se conclure sans mentionner le Congrès Jubilaire de l'Association Mondiale de Psychiatrie qui vient de se tenir à Paris. Au delà de l'intérêt propre des travaux qui ont été présentés, ce Congrès voulait affirmer la volonté de la psychiatrie française de reprendre sur la scène internationale la place qui doit être la sienne afin de contrebalancer au niveau mondial le réductionnisme anglo-saxon qui triomphait en 1996 à Madrid sous le slogan "One world, one language", avec l'éviction du français comme langue officielle de l'A.M.P. Concrétisant un projet dont Gérard Bles avait pris l'initiative lors de l'Assemblée Générale de l'A.M.P. à Hambourg en 1999, les six sociétés savantes françaises membres de l'A.M.P., dont l'A.F.P.E.P., ont solennellement demandé que la France soit désormais représentée par la seule Fédération Française de Psychiatrie, ce qui devrait nous assurer à l'horizon de la prochaine Assemblée Générale de l'A.M.P. en 2002 un nombre de voix suffisant à nous faire entendre.

Dans le cadre de ce Congrès Jubilaire, le symposium organisé par l'A.F.P.E.P. sur la pratique libérale en Europe s'est ouvert par l'hommage solennel que Robert Palem a rendu à la mémoire de Gérard Bles. Il a également été l'occasion d'annoncer officiellement une initiative préparée conjointement par la Société Suisse de Psychiatrie, l'American Psychiatric Association et l'A.F.P.E.P., réunies sous l'égide de la section de psychiatrie de l'Association Mondiale de Psychiatrie. Il s'agit de faire adopter par l'Assemblée Générale de 2002 des guidelines pour la psychiatrie privée destinés à s'imposer au niveau international, déjà préparés par ces trois associations, et rappelant quelles en sont les valeurs fondamentales et les nécessités techniques : le libre choix du psychiatre par le patient, la personnalisation de la réponse thérapeutique ainsi que le respect absolu de la confidentialité.

Ce sont les principes fondamentaux que Gérard Bles et l'A.F.P.E.P. ont toujours défendus. Pouvions-nous rendre plus grand hommage à sa mémoire que de militer afin de les faire adopter par tous les psychiatres privés du monde ?

Jean-Jacques LABOUTIERE


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