Réglementation des psychothérapies

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 26 - Juin 2000

La volonté politique qui s'affirme depuis l’automne 1999 de clarifier l'offre de soins en matière de psychothérapies pourrait constituer l'une des mutations les plus radicales de notre exercice depuis une trentaine d'années. Alors que chacun redoutait que ce problème ne nous soit un jour posé en termes médico-économiques, sous la forme d'une limitation du remboursement voire d'un déremboursement des psychothérapies, c'est sous l'angle de la sécurité sanitaire que le Politique s'en saisit.

On le sait, certaines sectes recrutent leurs adeptes sous couvert de proposer des psychothérapies et c'est avant tout pour les combattre que le pouvoir politique souhaite parvenir à une plus grande lisibilité de l'offre de soins. Il entend parvenir rapidement à une distinction claire entre les techniques qui ressortiraient sans aucun doute des soins, techniques auxquelles serait désormais réservée la dénomination de "psychothérapie" et les techniques dites "d'épanouissement personnel" qui ne pourraient alors plus se prévaloir de cette appellation.

Le corollaire inévitable de ce projet est que les psychothérapies ne pourraient dès lors plus être proposées que par des professionnels présentant de solides garanties au niveau de leur formation tout autant que de leur déontologie. Au regard des pouvoirs publics, seules deux professions remplissent actuellement ces conditions : les psychiatres et les psychologues titulaires d'un DESS de psychopathologie clinique. En effet, chacun s'accorde sur le fait que la compétence psychothérapique ne peut se satisfaire d'une formation spécifique à une ou plusieurs techniques psychothérapiques, encore faut-il avoir bénéficié d'une solide formation psychopathologique et clinique et présenter de surcroît les garanties d'un exercice professionnel encadré sur le plan déontologique.

La proposition de loi Accoyer, présentée en novembre dernier, pensait simplement traduire ces exigences sur le plan législatif. Cependant, en instituant un titre de psychothérapeute réservée aux psychiatres et psychologues, elle ne faisait que compliquer inutilement les choses, de sorte qu'elle a été globalement rejetée tant par les représentations professionnelles des psychiatres que des psychologues. Il était en effet naïf de penser que l'instauration d'un titre de psychothérapeute se serait pas suivie à terme de l'instauration d'un statut de psychothérapeute. Or, un tel statut viendrait évidemment déqualifier ceux de psychiatre et de psychologue en laissant penser que ces derniers ne seraient pas de fait psychothérapeutes, ce qui est évidemment inacceptable.

Le problème se complique encore du fait que certains, même parmi les psychiatres, mais surtout parmi les psychothérapeutes non psychiatres et non psychologues diplômés en psychopathologie, contestent aux psychiatres leur compétence psychothérapique du fait que leur formation initiale ne garantit pas formellement de formation en psychothérapie et qu'eux seuls pourraient se prévaloir de cette compétence. C'est là bien sûr outrageusement attaquer les psychiatres : en effet, s'il reste vrai que la formation psychothérapique est à l'heure actuelle très inégale selon les universités, elle existe maintenant dans nombre d'entre elles et devrait se développer et s'homogénéiser dans les années qui viennent ; en outre, il est notoire que les psychiatres se sont de tous temps formés à la psychothérapie en marge de leur formation universitaire. Enfin, un tel argument est irrecevable du fait qu'il laisse croire que la compétence psychothérapique ne se soutiendrait que d'une formation spécifique alors que la valeur de cette dernière reste évidemment très relative sans formation solide par ailleurs à la psychopathologie.

Enfin, ce débat ne peut pas escamoter la position particulière de la psychanalyse et relance d'une certaine manière l'éternelle question de l'analyse profane.

Après la proposition de loi Accoyer, une autre proposition de loi par Monsieur Marchand, député du groupe des Verts, a été déposée en mars dernier. Cette dernière allait également en faveur de l'instauration d'un titre de psychothérapeute, de sorte qu'elle reste donc inacceptable pour les psychiatres. C'est maintenant le Parti Socialiste qui annonce son intention de publier à son tour une proposition de loi, voire un projet de loi. Ce dernier, dont le contenu ne nous a pas encore été communiqué, pourrait voir le jour rapidement.

L'A.F.P.E.P. et le S.N.P.P. ont déjà pris sur cette question des positions claires, qui ont été publiées dans la lettre aux psychiatres privés que nous avons envoyée en avril dernier. Nous les rappelons succinctement : le psychiatre est par définition un psychothérapeute, et il n'est pas question que son rôle se borne à l'avenir à devenir un prescripteur et/ou un superviseur de psychothérapies conduites par d'autres intervenants. Cependant, cette position prise collégialement par notre Conseil d'Administration ne ferme pas un débat qui ne fait que s'ouvrir et que nous lançons aujourd'hui dans ce numéro du BIPP.

Jean-Jacques LABOUTIERE


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