Il n'y a pas de métier de psychothérapeute
Notre secrétaire général, Jean-Jacques Laboutière, nous rappelle dans son éditorial les enjeux et les risques majeurs des projets législatifs en matière de psychothérapie.
Ces projets nous imposent d'interroger notre positionnement au regard de cette pratique. La réflexion débouche sur un débat dont nous connaissons la complexité. Néanmoins, ne reculons pas.
Nous percevons très bien les dérives de ces projets et la nécessité de les combattre sans équivoque pour écarter le risque d'exclusion de la psychothérapie de notre pratique qui se verrait alors réduite au rôle d'expert orienteur dans lequel bon nombre d'interlocuteurs des diverses instances voudraient nous confiner. Il s’agit donc de maintenir la psychothérapie au sein de notre pratique.
Pourquoi ce débat est-il si compliqué ? Sans doute du fait d'une confusion entre les termes de pratique et de métier. Il n'y a pas de métier de psychothérapeute qui effectivement supposerait un cadre législatif strict.
La psychothérapie est une pratique, une approche, une dimension de la relation soignante. Dans cette perspective, tout acte psychiatrique inclut de fait la psychothérapie, quelles que soient les références théoriques du praticien. D'autres que nous et notamment les psychologues, les infirmiers psychiatriques, intègrent cette même dimension dans leur exercice professionnel, mais cela n’aboutit pas à la définition d'un métier de psychothérapeute et le projet de loi le plus recevable pourrait être celui-ci :
" Le métier de psychothérapeute n’existe pas. Aucun individu n'est autorisé à se réclamer d'un tel exercice professionnel ". Voilà pour ce qu'il en est du cadre législatif.
Je me référerai, pour ma part, à quelques données simples mais précieuses qui peuvent soutenir notre réflexion pour rappeler que notre pratique, quelle qu’elle soit, nous impose de composer avec la nature et le fonctionnement du psychisme de nos patients ainsi que du nôtre, fonctionnement que Freud a exploré pour en dégager de précieux éclairages parmi lesquels le concept de transfert. Transfert à l'intérieur même du psychisme du sujet, mais aussi transfert vers autrui sous l'égide de la pulsion.
Cette théorisation freudienne illustre la mobilité psychique intra et intersubjective et souligne à quel point la relation à autrui est riche d'éléments, de fils, de liens, qui vont bien au- delà de la seule prescription médicamenteuse d'un côté, prise des médicaments de l'autre, pour ne citer qu'un exemple.
La psychothérapie est la prise en compte de tous ces phénomènes annexes qui peuvent être le support unique de la relation soignante, dans le projet et le processus thérapeutique et leur organisation sous l'égide d'une construction théorique.
Cette approche simple et extrêmement réduite de la théorisation freudienne permet néanmoins d'ancrer la psychothérapie dans le champ de la psychiatrie parce qu’elle est dominée par la relation soignante qui en est la substance même.
Yves FROGER (Lorient)