Sur les psychothérapies : énième lettre au ministre...

Jean-Jacques Laboutière
Retour au sommaire - BIPP n° 45 - Juillet 2006

Monsieur le ministre,

Le syndicat National des Psychiatres privés se doit de vous faire part de ses délibérations concernant l’article 52 de la loi relative à la politique de santé publique d’août 2004. Bien conscients de l’urgence à légiférer afin de protéger les usagers du « péril sectaire », les psychiatres d’exercice privé se permettent cependant d’attirer votre attention sur certains points.

Une remarque de politique générale tout d’abord : alors que l’OMS vient de faire savoir que la médecine française est la meilleure de monde, les psychiatres français s’étonnent de l’acharnement à évaluer, limiter l’accès et réorganiser leur profession. Pourquoi vouloir transformer, à ce point et si vite, un fleuron que le monde entier nous envie ? Ce préambule, vous en conviendrez, mérite son exergue.

Sur un plan technique, il convient de souligner les points suivants :

Le cahier des charges de l’avant-projet de décret évoque « les quatre principales approches de psychothérapie validées scientifiquement dont les impétrants devront acquérir une connaissance ».

Nous craignons que l’aveuglement sur ce point ne soit le même que celui du rapport de l’Inserm concernant la prévention de la délinquance. Il n’est pas possible, sous peine d’être rapidement rattrapé par les épreuves de la réalité et de provoquer un nouveau tollé, de ne pratiquer qu’une sélection de parti pris de la littérature scientifique. L’expérience, l’histoire de la psychiatrie sous-tendent exactement le contraire d’une telle équivalence des protocoles. Tous les progrès marquants se sont opérés dans le sens d’une plus grande attention à la subjectivité des patients et non dans celui de théories qui iraient à son encontre.

Cela suppose, par ailleurs, une indifférence à l’enseignement universitaire de psychologie difficilement compréhensible tant dans l’ingérence dans les programmes que dans la dévalorisation du titre de psychologue.

Les psychiatres libéraux sont, avec le soutien du Conseil de l’Ordre des Médecins qui rappelle l’impératif éthique de l’indépendance professionnelle, très attachés à leurs prérogatives. Le médecin se doit en toute indépendance d’appliquer les meilleurs soins à ses patients. C’est une condition sous serment à laquelle nous ne pouvons déroger. Il est donc hors de question pour un psychiatre privé d’être cantonné à un rôle d’expert qui cautionnerait des principes plus idéologiques que pragmatiques.

Il serait donc de bon sens de chercher à améliorer un système qui a fait ses preuves plutôt que de s’exercer à des organisations aventureuses, scientifiquement et éthiquement contestables.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance que le psychiatre n’est pas mort car… (1)

Jean-Jacques Laboutière
Mâcon

(1). La formule de politesse a été réécrite avant l’envoi au ministre (N.D.L.R.).


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