L'exercice à risque du psychiatre dans le médico-social

Marc Maximin
Retour au sommaire - BIPP n° 45 - Juillet 2006

L’exercice du psychiatre dans le secteur médico-social est de plus en plus mis à mal et de nombreux cas de conflits sont exemplaires de cet état de fait.

De nombreux psychiatres nous font part de leurs histoires dans leurs institutions qui témoignent d’un vécu douloureux, malheureusement fréquent et qui montre la difficulté de la pratique du psychiatre dans ce secteur.

Dans un contexte sociétal caractérisé par l’efficacité financière, il est fait une place de plus en plus large à la logique administrative et comptable ce qui ne laisse souvent au psychiatre que le rôle d’un « régulateur ».

La psychiatrie médico-sociale a été totalement marginalisée, réduite dans nombre d’institutions à une présence symbolique et il est de moins en moins possible de permettre que s’élabore un travail sur l’institution thérapeutique.

Les médecins œuvrant dans ce secteur, qu’ils ont contribué à créer, sont souvent considérés par leurs employeurs et plus encore par les Pouvoirs publics de régulation, comme quantité négligeable ! Ainsi, au plan syndical nous sommes sollicités de façon constante par nos confrères qui font état :

    - de la dégradation massive des soins et des prises en charge des personnes alors qu’on nous appelle au dépistage plus précoce, à la lutte contre la maltraitance, à l’évaluation, etc.,

    - de la vacance ou du non remplacement des postes de psychiatres, alors que les exigences soignantes, l’approche transdisciplinaire, la thérapie institutionnelle deviennent plus prégnantes,

    - de nombreux conflits du travail, corollaires de cette place subalterne accordée aux missions du médecin dans ces divers établissements et services.

Les psychiatres essaient de défendre la place du soin, mais ils se retrouvent face à un fonctionnement qui ne leur permet plus de tenir leur place de garant thérapeutique.

Tout cela s’inscrit dans un climat où dominent jusqu’à l’ubuesque la norme et le protocole dans un désir de transparence et de contrôle qui induit une ambiance de méfiance, de suspicion et entraîne une modification des pratiques institutionnelles dans le sens d’une déresponsabilisation.

De nombreux confrères nous interpellent pour nous dire que, nonobstant leur engagement et leur attachement au secteur médico-social, la situation n’est plus tenable.

Il n’est plus du tout certain que l’on désire vraiment leur concours, souvent on les considère comme de simples prestataires, dépourvus d’indépendance thérapeutique, voire des exécutants dociles de la dérive technocratique du « traitement social » de l’inadaptation.

Ces différents exemples, avec leurs cortèges de brimades voire de mépris, nous imposent une vigilance et une résistance de tous instants.

Il est nécessaire de parler de ces conflits, d’éviter de se croire isolé, voire de culpabiliser pour ne pas fonctionner dans un consensus complice et rappeler haut et fort qu’il y a des limites.

Ne laissons pas cette déferlante où dominent efficacité et contrôle envahir un secteur de soin et « écraser » l’éthique.

Marc MAXIMIN
Marseille


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