Le SNPP opposé au projet de réforme de la loi de 1990

Elie Winter
Retour au sommaire - BIPP n° 57 - Juin 2010

Les psychiatres du SNPP rappellent qu'il n'y a pas urgence pour une réforme de la loi de 1990 sur les soins sans consentement. Le temps de la concertation avec les professionnels de la psychiatrie n'est pas achevé. Les discussions actuelles au sein du CASP (Comité d'Action Syndical pour la Psychiatrie) le montrent bien : le débat est en cours !

Le projet présenté par le gouvernement ne représente pas d'avancée pour l'amélioration des soins, mais constitue au contraire une dérive sécuritaire.

En effet, les soins sous contrainte y seront non seulement plus faciles à mettre en place (suppression du deuxième certificat d'HDT, voire soins sans consentement " à la demande d'un tiers " mais éventuellement sans tiers donc sur seule décision du psychiatre), mais aussi plus difficile à lever pour les patients les plus lourds (inflation des expertises, collège de soignants), et surtout dureront plus longtemps avec la mise en place de soins ambulatoires sans consentement (SASC). C'est l'inflation de la contrainte... mais pas du soin (aucun moyen supplémentaire).

S'il n'est pas question de remettre en cause la notion de soins sans consentement, qui occupe une place importante en psychiatrie, la discussion du projet de loi est aussi l'occasion de rappeler que ces soins sans consentement ont été pensés dans le cadre de l'hospitalisation et qu'à ce jour rien ne permet de les étendre aux soins ambulatoires. Tel qu'il est ici présenté, le SASC semble surtout tenter de pallier les carences actuelles de fonctionnement et de moyens.

Le SASC voudrait répondre au problème des sorties d'essai de longue durée qui sont aujourd'hui trop fréquentes par rapport à ce que la loi de 1990 envisageait comme une situation d'exception d'une durée la plus courte possible. Pour résoudre ce problème, le gouvernement propose simplement de transformer l'exception gênante en règle, ce qui est inacceptable et infondé.

Il est aussi important de rappeler qu'en 1838, en même temps que la loi instaurait l'hospitalisation sous contrainte, elle donnait des moyens pour réaliser cet objectif (création des hôpitaux psychiatriques départementaux). Nous attendons la même chose en 2010 : tout projet de réforme de la loi doit s'accompagner des moyens nécessaires, notamment en ouvrant les lits nécessaires, plutôt qu'en les fermant comme cela a été le cas, aboutissant à transférer la charge des soins à un cadre moins approprié.

Nous étudions avec intérêt par contre la mise en place d'un seul régime pour les soins sous contrainte, en référence au tiers, et avec suppression de la référence à l'ordre public, pour ramener ce texte dans le cadre strictement sanitaire qu'il n'aurait jamais dû quitter. Il nous paraît également important de réfléchir à la part de judiciarisation qui serait adaptée pour les soins sous contrainte. Le projet actuel n'évoque aucun de ces aspects.

Nous déplorons aussi la disparition dans ce projet, de la référence à la dangerosité pour soi-même, pourtant essentielle à la décision d'instaurer les soins sans consentement pour un patient. Cette disparition montre bien que le texte s'est éloigné des préoccupations sanitaires.

La référence à la confidentialité incontournable à la mise en place et au bon déroulement des soins doit être réaffirmée. L'indépendance professionnelle doit être garantie pour permettre à tout patient d'avoir un espace de soin possible hors de la contrainte, et pour qu'aucune pression extérieure ne puisse être exercée sur un psychiatre dans ses prises de décision qui doivent rester médicales.

Le soin d'une maladie mentale est irréductible à la simple administration sous surveillance d'un médicament si efficace soit-il. La loi de 1990 ne peut être réformée en faisant l'impasse de la prise en compte de la conception du soin, de la formation des professionnels, et des moyens nécessaires à une psychiatrie de qualité, où la contrainte est parfois nécessaire, mais où tout doit être fait pour la rendre la plus respectueuse de la dignité du patient, et la plus courte possible.


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