Paris - Journées Nationales 1972

Le psychiatre libéral et l'hospitalisation. La demande de soins, la demande de psychanalyse. Les pratiques privées. Le secret en psychiatrie. Psychiatrie libérale et Sécurité Sociale

Au mois de mai 1970, un groupe de psychiatres de la région marseillaise, devant l’évolution rapide des structures de la psychiatrie, éprouvait le besoin de créer, en face des organismes catégoriels déjà existants comme le Syndicat des Médecins des Hôpitaux psychiatriques, un Groupement des Psychiatres d’Exercice Privé, appelé à « promouvoir une doctrine et une action commune ». Rapidement, de nombreuses adhésions leur parvenaient, de toutes les régions de France, plus de 300 en 6 semaines.

Le 2 juillet 1970 se tenait au Cercle Interallié à Paris l’Assemblée constitutive de l’Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé, issue de ce groupement, établie sous le régime de la loi de 1901, et dont les buts étaient définis dans l’article 2 de ses statuts : – recherche et définition des meilleures conditions de l’exercice de la psychiatrie privée, – liaison et information des psychiatres privés, – rapports de la psychiatrie privée avec les diverses structures soignantes et enseignantes de la spécialité.

Le 19 septembre 1970 se réunissait la première Assemblée Générale de l’A.F.P.E.P., à Rueil-Malmaison. Elle votait une motion par laquelle elle proclamait son attachement à l’exercice libéral de la psychiatrie – constatait que la psychiatrie privée détient des moyens d’action spécifiques et irremplaçables – considérait que les intérêts moraux et matériels de la psychiatrie privée avaient été jusqu’alors insuffisamment défendus – donnait mandat à son Conseil d’Administration pour que celui-ci s’emploie à promouvoir, de préférence dans les cadres déjà existants, ou s’il le fallait de façon autonome, une défense de ces intérêts, fondée sur une analyse approfondie et critique des structures en place ou des projets structuraux à l’étude.

Six mois après le premier appel à ce regroupement, l’A.F.P.E.P. comptait déjà 450 membres, et actuellement près de 700.

Cette création n’allait pas sans déclencher des réactions assez vives de la part de certains organismes professionnels, en fait essentiellement du Syndicat des Psychiatres Français, qui redoutait là une tentative « fractionniste » risquant d’affaiblir la représentativité qu’il entendait assurer de la psychiatrie. Les premiers rapports entre les deux formations ne furent donc pas dépourvus d’ambiguïté, cependant que le S.P.F. s’employait derechef à relancer l’étude de certains problèmes propres à la psychiatrie libérale – jusqu’alors passablement négligés. Cette résurgence fut sans aucun doute un des résultats tangibles obtenu par l’A.F.P.E.P. en ce qui concerne la politique psychiatrique en général. Depuis lors, de louables efforts de coopération ont été poursuivis, de part et d’autre, sans que toute arrière-pensée ne paraisse toutefois éliminée.

Mais la première étape importante de l’action de l’A.F.P.E.P. fut l’organisation au mois d’octobre 1971 des Premières Journées Nationales de la Psychiatrie Privée, qui se tinrent à Monaco. Favorisées de la présence de plusieurs confrères éminents, ces Journées furent cependant et avant tout l’occasion d’un dialogue particulièrement riche et fécond au niveau des praticiens « de base ». Elles permirent une très nette et très impressionnante prise de conscience chez tous de l’originalité et de la spécificité de leur exercice libéral ; qu’il associe ou non à une activité salariée à temps partiel, autorisant alors une fécondation réciproque des deux pratiques.

Fondamentalement attachés à la préservation des libertés individuelles, et par là même au caractère privatif de la relation thérapeutique et au secret qui s’y assortit, ainsi qu’à la liberté de choix et de prescription, les psychiatres d’exercice privé ne pouvaient que s’alarmer du caractère extensif sinon des prétentions à l’exclusivité que semblait revêtir, avec certains de ses tenants, la politique de Secteur, instituée 10 ans auparavant, mais entrant seulement dans la phase active de sa création ces dernières années. Il leur apparaissait qu’il fallait se prémunir contre le risque d’une médiatisation des objectifs socio-économiques et politiques du Pouvoir, dont dépend nécessairement tout Service public, et, sous un autre angle, contre le danger d’une « psychiatrisation » de la vie de la Cité.

Il faut bien dire que ce problème de la politique de Secteur représentait, et représente toujours, dans sa dimension concrète actuelle, un facteur important de mobilisation des psychiatres privés, libéraux ou salariés. Non que notre opposition supposée puisse suffire à définir négativement les objectifs de l’action de l’A.F.P.E.P., mais du fait que cette politique constitue, par certaines des modalités de sa mise en œuvre, la négation la plus évidente de l’existence et de la valeur propre de la pratique privée.

Au cours de l’exercice de 1971-1972, il a été possible à un certain nombre de collègues, s’appuyant notamment sur la représentativité de l’A.F.P.E.P. et l’apport doctrinal des Journées de Monaco, d’accéder aux organismes consultatifs ou délibératifs présidant à la mise en place des secteurs. Il ne s’est agi cependant là que de concessions très partielles, locales, n’apparaissant certainement pas « aller de soi ». Et les circulaires de mars 1972 ne nous ont pas apporté beaucoup de satisfaction sur ce point.

Mais encore une fois, cette question du Secteur, pour symbolique qu’elle soit, est loin de résumer pour les psychiatres privés leurs préoccupations et leurs intérêts communs. Schématiquement centrés par l’étude de la relation thérapeutique, de ses modalités et de ses conditions, ceux-ci ont pu déjà trouver un large écho dans la revue PSYCHIATRIES, créée au début 1972, et qui a rencontré, semble-t-il, un intérêt certain dans toutes les sphères concernées par notre spécialité.

Cet éclectisme de la réflexion et des aspirations peut se percevoir à travers le programme des Deuxièmes Journées, au cours desquelles seront aussi bien abordés des problèmes très concrets, très pratiques qu’évoquées de larges perspectives théoriques, sous les éclairages les plus divers, allant de la sociologie à la psychanalyse.

Il semble que nous débordions là largement les soucie de lucre et de rentabilité, apanage traditionnel qu’on nous dévolue. Dans une confusion non dépourvue de malignité entre le légitime désir d’une rémunération décente de notre travail et la recherche avide d’un profit excessif que nous retirerions de la naïveté ou de la souffrance de nos patients. Que nous acceptions, par choix délibéré, que nos revenus dépendent strictement de la réalité de notre effort, voilà qui, en dehors de toute considération proprement technique, n’est pas si banal, en un temps qui privilégie souvent non tant le travail lui-même que le discours qui l’enrobe au point parfois qu’il s’y substitue.

À propos de quoi nous initions un discours – dont, une fois n’est pas coutume, on voudra bien ne pas nous reprocher une quelconque gratuité…