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Lorient - Journées Nationales 2001

Le métier de psychiatre

Certains métiers, devenus obsolètes - celui de psychiatre ? - doivent disparaître. Dépouilles partagées entre, réunification de la neuropsychiatrie, la médecine générale et neurologique chargées du corps, des neurosciences, des psychotropes et la psychologie, psychanalytique ou non, à qui seraient dévolus esprit, psychothérapies, malaises existentiels et métaphysiques. Ou encore : la psychiatrie doit être faite et défaite par tous, haro sur l’imposteur qui ferait " métier " de soulager la souffrance psychique ! Déni d’un acte psychiatrique propre.

Successeur de la clinique asilaire, le médecin psychiatre ne s’affirmera tel qu’après avoir abandonné en mai 1968 ses références neurologiques et ses croyances en un dysfonctionnement somatique comme origine des angoisses et souffrances psychiques. La psychanalyse, les exigences existentielles phénoménologiques révolutionnent la conception du sujet en hissant celui-ci au niveau d’une instance dynamique, non-neutre dans le déroulement de son destin devenu histoire, et donc susceptible, base de tout projet psychothérapique, de changements.

Triomphe de la pédopsychiatrie et d’un certain progressisme pédagogique. Les éventuelles limites imposées par un concept comme celui de nature humaine sont épinglées comme fariboles réactionnaires.

Mais aujourd’hui Changeux peut affirmer que les objets mentaux, sociaux et culturels, évoluent, certes, pour leur propre compte mais en obéissant aux contraintes de l’organisation neuronale. Et François Jacob nous annonce que les découvertes génomiques ne seront pas politiquement correctes, tout humanisme explosé. Les algorithmes et la mortification nécessaire du vivant pour les obtenir seraient l’avenir de l’homme.

Ce qui ne sera pas sans conséquence pour le psychiatre chargé d’évaluer, tout affect évacué, son patient. Un autre expert socialement considéré comme plus expert, évaluera à son tour ce psychiatre à l’aune d’un cahier des charges exigées par l’opinion publique à l’égard d’un métier exercé désormais dans un réseau transparent par divers professionnels devenus interlocuteurs obligés, solidaires, compétents, efficaces, peut-être interchangeables, censé soulager voir éradiquer toute souffrance psychique et pourquoi pas sociale ?

La neuropsychiatrie permettrait la construction d’un regard clinique propre et d’une éthique adossée à la médecine. La psychologie analytique ou non se souhaiterait clinique et éthique spécifiques.

Quant à la psychiatrie, à l’aube du xxie siècle à quelle nosographie peut-elle encore se fier ? L’exercice du métier de psychiatre peut-il persister à promouvoir une clinique singulière qui autoriserait une pratique tout aussi singulière ? Rappelons que classiquement la clinique se définit comme l’exercice de la médecine au chevet du malade. Elle recueille ainsi des signes caractéristiques d’après l’observation directe de ce malade et non selon une théorie préalable à illustrer, repoussant métaphysique et idéologie. " Les médecins libres enfin des théories et des chimères ont consenti à aborder pour lui-même et dans la pureté d’un regard non prévenu, l’objet de leur expérience " (Foucault).

L’objet de la psychiatrie est-il celui défini par nous-mêmes, notre expérience ou/et celui que la " communauté civilisée " (Freud) assigne à celui qui exerce ce métier de psychiatre ?