Paris - Journées Nationales 1977

La dépression

Notion carrefour, mais également fourre-tout, et pas seulement dans son acceptation profane (où tout se cèle de ce vocable), la dépression se marque sans nul doute de la variété de ses étiologies, des structures qu’elle engage, des discours qu’elle module. Mais on doit être également frappé de la variabilité d’un ensemble séméiologique qui, pour apparaître bien cerné, tend progressivement à se diversifier jusqu’à voir se dissoudre son expression cardinale : les dépressions « masquées ». A ce point que, pour certains, la seule donnée « constante » pourrait être les résultats obtenus dans l’utilisation du traitement thymoanaleptique…

Questionner sur la dépression, c’est en somme rouvrir au polymorphisme de la clinique, de la structure et du sens, l’entité psychiatrique apparemment la plus établie, auprès des praticiens comme des usagers, et confortée par la nouvelle puissance de la pharmacopée.

Interroger la dépression, c’est poser des problèmes de structures : le syndrome dépressif n’est abordable du point de vue thérapeutique (si l’on veut bien ne pas simplement l’écraser, l’éradiquer sans autre forme de procès) que parti étant pris sur la structure du sujet qui se trouve avoir à supporter ce poids ;

Interroger la dépression, c’est emprunter le cheminement freudien qui, en fondant le deuil comme travail, ouvre le sens de la perte et de sa négation ;

Interroger la dépression, c’est enquêter sur ce que la réflexion phénoménologique a su cerner de ce qui, dans le radical même de l’humeur, détermine les postures essentielles du sujet face au monde ;

Interroger la dépression, c’est, en prenant acte de ce que la pharmacologie a produit peut-être de plus assuré quant aux résultats, essayer de maintenir ouvertes des questions que la positivité desdits résultats a parfois obturées trop vite : revenir, en somme, à cette incertaine frontière où l’allégement de la souffrance de l’autre n’empiète pas trop sur sa parole vivante.